05/06/2017
Le "profilage" de vos données personnelles est un véritable "business" !
Cette valorisation est "concentrée" aux Etats Unis, chez les "Gafa", rapporte énormément et revient en général sur votre messagerie en "messages commerciaux" !
Le raffinement des procédés s'amplifie, le contrôle devient quasiment impossible à imposer, la vitesse de "retour" est de plus en plus vive.
Résultat aujourd'hui sur une messagerie standard : un message sur deux est "une proposition commerciale" non souhaitée, qu'il faut stopper par une action sur la "désinscription", quand elle est accessible...
La liberté est ainsi gravement entravée, car la revente de vos données personnelles est une question de "fric", d'intérêt commercial et en général du choix du meilleur enchérisseur...
Un clic, une recherche, une lecture, un mail deviennent ainsi "gratuitement" une matière première, véhiculée à la vitesse de la lumière, associée à une adresse "IP", revendue rapidement avec d'autres éléments, qui permettent de "proposer" presque automatiquement !
Le "destinataire" est aujourd'hui désarmé, car les logiciels "anti-spam" n'arrivent pas à filtrer efficacement les messages indésirables...
La contre-attaque contre ce "business" est inévitable ! Europe, France, logiciels efficaces ?
Économie des données, les données seraient la ressource la plus précieuse au monde et non le pétrole
De nouvelles règles antitrust s'imposent ?
Développez.com du 6 mai 2017
De nos jours, force est de constater que les données occupent une place très importante dans nos activités de tous les jours et deviennent de véritables vecteurs de croissance. En effet, ces données sont aujourd'hui créées, partagées, analysées et exploitées par les êtres humains qui arrivent par la suite à mettre en place ou créer des produits dérivés à l'instar de l'information et l'intelligence artificielle. Toutes ces avancées sont la résultante du développement du numérique et l'accroissement exponentiel des ordinateurs, des smartphones, des tablettes, des objets connectés, etc. qui actuellement engendrent de très grandes quantités de données. « Les téléphones intelligents et Internet ont rendu les données abondantes, omniprésentes et beaucoup plus précieuses », a affirmé l'éditeur The Economist. Le constat ci-dessus montre que l'exploitation des données est devenue une nouvelle marchandise, et par conséquent une industrie lucrative qui croît à une vitesse extrêmement rapide. En comparaison au pétrole qui occupait une place très importante depuis maintenant un siècle, les données sont aujourd'hui considérées par certains analystes comme la ressource la plus précieuse au monde. The Economist soutient que l'abondance des données modifie la nature de la concurrence. « Les géants de la technologie ont toujours bénéficié des effets de réseau : par exemple plus le nombre d'utilisateurs enregistrés par Facebook comme inscrits augmente, plus l'inscription devient plus attrayante pour les autres. Avec les données, il existe des effets de réseau supplémentaires. En collectant plus de données, une entreprise a plus de possibilités d'améliorer ses produits, ce qui lui permet d'attirer plus d'utilisateurs et de générer encore plus de données », a ajouté l'éditeur. Selon les analystes, il devient indispensable de mettre en place une nouvelle approche des règles antitrust dans le domaine de l'économie des données, cela en se basant sur les règles anticoncurrentielles précédemment édictées par les organismes en charge de la réglementation dans le secteur du pétrole. Pour appuyer cet argument, l'éditeur The Economist nous rapporte qu'aujourd'hui, les cinq sociétés cotées les plus précieuses et qui exploitent des données en l'occurrence Alphabet (société mère de Google), Amazon, Apple, Microsoft et Facebook semblent être incontournables. Pour preuve, actuellement peu de personnes seraient prêtes à vivre sans le moteur de recherche Google ; à cela s'ajoutent par exemple les services de livraison fournis par Amazon et la consultation quotidienne des fils d'actualités sur la plateforme Facebook. D'après l'éditeur The Economist, ces cinq grands de l'informatique et de l'Internet, qui traitent des données (considérées comme le pétrole de l'ère numérique), ont réalisé globalement un bénéfice net de plus de 25 milliards de dollars au premier trimestre de l'année 2017. The Economist ajoute qu'en Amérique, c'est la société Amazon qui s'est taillé la moitié de toutes les dépenses effectuées par les internautes via des achats en ligne. Au même moment, la quasi-totalité des revenues publicitaires dans le domaine du numérique aurait été générée par Google et Facebook. Cette domination de l'économie des données par les cinq leaders du numérique cités précédemment aurait poussé plusieurs analystes à se prononcer sur la nécessité de mettre en place une nouvelle approche des règles antitrust. En effet, ces géants de la technologie disposent aujourd'hui d'un énorme pouvoir à cause du contrôle des données qu'ils exercent sur Internet. Selon The Economist, les systèmes de surveillance des géants couvrent toute l'économie : Google peut voir ce que les gens cherchent, Facebook ce qu'ils partagent, Amazon ce qu'ils achètent. « Les anciennes règles relatives à la réglementation de la concurrence et mises en place à l'ère du pétrole semblent être obsolètes dans ce que l'on appelle l'économie des données », déclare The Economist. D'où l'importance d'une nouvelle réforme, surtout avec l'émergence des initiés à l'instar de Snapchat qui veulent également se frayer un chemin. Des analystes seraient même allés jusqu'à considérer que l'achat de l'application de messagerie instantanée WhatsApp par Facebook en 2014 pour la somme de 22 milliards de dollars vise à éliminer les potentiels concurrents. « La différence entre le pétrole et la data est que la production de pétrole n’engendre pas davantage de pétrole, tandis que la production de données générera encore plus de données, par exemple sous la forme de métadonnées », aurait déclaré en 2016 Piero Scaruffi, expert en sciences cognitives. Source : The Economist
Des centaines d'applications Android utilisent l'ultrason pour le suivi interpériphérique des utilisateurs
Une nouvelle technique des annonceurs ?
Développez.com du 5 mai 2017
Le suivi des appareils des utilisateurs pour espionner leurs habitudes et activités est une menace sérieuse pour la vie privée. Cette pratique tend toutefois à prendre une nouvelle ampleur avec des techniques de suivi de plus en plus sophistiquées. Une des nouvelles pratiques identifiées ces dernières années est l’utilisation de technologie de suivi interpériphérique par ultrason (ultrasound cross-device tracking, en abrégé uXDT). L’uXDT est une pratique des annonceurs qui consiste à cacher des ultrasons dans des contenus publicitaires multimédias. Lorsqu'un code publicitaire s'exécute sur un appareil mobile ou un ordinateur, il émet des ultrasons captés par le microphone des appareils à proximité : ordinateurs, tablettes ou smartphones. Si des applications intégrant des codes de suivi d’ultrasons sont installées sur ces appareils, elles pourront alors relier la publicité à son annonceur et transmettre certaines informations sur l’utilisateur. Il s’agit entre autres de la localisation de l’utilisateur, le canal de diffusion de l’annonce, mais également des informations comme l’ID de l’appareil, l’adresse MAC du routeur Wi-Fi, les détails relatifs au système d’exploitation de l’appareil et même le numéro de téléphone de l’utilisateur. Si des appareils reçoivent de manière fréquente les mêmes signaux ultrasonores en même temps, alors on peut conclure que les appareils appartiennent probablement à la même personne. Le logiciel de suivi permet également de savoir les annonces qui ont été affichées par l’utilisateur et la durée de visualisation, entre autres informations. Une fois tous les éléments rassemblés, l’entreprise qui a développé la technologie de suivi et ses clients annonceurs peut obtenir un profil détaillé et complet de l’utilisateur et de ses préférences, pour de la publicité. C’est bel et bien une pratique qui est en train de se développer, d’après une équipe de chercheurs de Brunswick Technical University en Allemagne. Ces derniers ont en effet étudié la technologie de suivi interpériphérique SilverPush et ont découvert que 234 applications Android, sur un échantillon de 1,3 million observées, intègrent le SDK SilverPush. Autrement dit, ces applications utilisent des balises ultrason pour suivre les utilisateurs et leur environnement proche. Il s’agit d’une hausse considérable ces dernières années, étant donné qu’en avril 2015, seulement 6 de ces applications intégraient le SDK. En décembre 2015, ils ont identifié 39 applications de plus et un total de 234 en janvier 2017. Plusieurs de ces applications ont des millions de téléchargements, d’après les chercheurs. L’utilisation d’ultrasons pour le suivi des utilisations peut s’étendre bien au-delà des appareils mobiles et PC. Les signaux ultrasons peuvent en effet être diffusés par le biais des annonces télévisées. Dans ce cas, cela peut permettre par exemple à l’annonceur d’établir que l'utilisateur de TV "X" est également le propriétaire du smartphone "Y" et relier les deux profils de publicité associés, ou déterminer le portefeuille d'appareils appartenant à la même maison. Sur ce point par contre, les chercheurs disent qu’après avoir parcouru des chaînes de télévision de sept pays différents, ils n'ont pas pu trouver de balises ultrasonores, ce qui signifie que l’uXDT n'est pas aussi répandu dans les publicités télévisées. Cela ne les empêche toutefois pas de tirer la sonnette d’alarme : « Même si le suivi du contenu TV n'est pas encore activement utilisé, la fonctionnalité de surveillance est déjà déployée dans les applications mobiles et pourrait devenir une grave menace pour la vie privée dans un avenir proche », ont déclaré des chercheurs. La recherche a été parrainée par le gouvernement allemand, et l'équipe de chercheurs a effectué ses tests dans l'ensemble de l'UE afin de mieux comprendre à quel point cette pratique est répandue dans le monde réel. Sources : Rapport de la recherche, Bleeping Computer
Réguler les Gafa, un serpent de mer au menu du gouvernement
Les Echos du 18 mai 2017
Le nouveau secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, qui a présidé le Conseil national du numérique, avait cité la fiscalité des Gafa comme l'un de ses principaux chantiers. - Bertrand Guay/AFP
Emmanuel Macron plaide pour une meilleure équité. Mais l'action devra d'abord être européenne.
La régulation des plates-formes Internet américaines : le sujet tient à coeur au nouveau président de la République. Il a même été, un temps, intégré à la loi Macron, avant d'en être retiré. Et, durant sa campagne, le candidat, pourtant longtemps associé par l'opinion publique à la plate-forme américaine Uber, a plusieurs fois évoqué la nécessité d'imposer de nouvelles obligations aux géants du Net, les Gafa. En cause, notamment : le déséquilibre entre les obligations de ces plates-formes mondiales et celles qui pèsent sur les créateurs, en France. Selon Emmanuel Macron, le poids pris par les Gafa a fragilisé la création. Son programme visait donc à « rétablir une concurrence équitable avec les grands acteurs numériques », pour que ceux-ci soient « soumis aux mêmes obligations, dans les pays où les oeuvres sont diffusées. »
Il faudrait donc harmoniser le cadre fiscal des entreprises du numérique, afin de dégager de nouvelles sources de financement de la création. C'est ainsi que pourrait être financée, par exemple, l'une des idées de la campagne : la création d'un « pass culture » de 500 euros, offert à tous les jeunes le jour de leurs 18 ans, pour l'achat de biens culturels. Une mesure inspirée par l'initiative de Matteo Renzi, en Italie.
Vers des initiatives franco-allemandes ?
Toutefois, le cadre de cette régulation doit encore être précisé. A plusieurs reprises, en effet, le nouveau président de la République et son entourage ont laissé entendre qu'elle ne pouvait se faire qu'au niveau européen... Ce qui a d'ailleurs annihilé toute velléité de réguler dans ce domaine, que ce soit dans la loi sur le numérique d'Axelle Lemaire ou dans la loi Macron. « Aucune action sérieuse n'est possible au plan national, les modèles économiques sont mondiaux », rappelle le nouveau rapport du think tank Digital New Deal Foundation (lire ci-dessous).
Le sujet devrait donc être porté à Bruxelles. Emmanuel Macron pourrait profiter de ses bonnes relations avec Angela Merkel pour construire une initiative commune avec l'Allemagne, où l'idée d'une régulation des plates-formes séduit. Parmi les propositions du candidat Macron figurait l'instauration d'une taxe européenne portant sur le chiffre d'affaires réalisé dans les différents pays, ou encore la lutte contre les arrangements fiscaux entre Etats et multinationales, comme celui passé entre Apple et l'Irlande. Durant la campagne, il avait aussi proposé la création d'une « Agence européenne pour la confiance numérique », qui pourrait là encore venir d'une initiative franco-allemande, qui assurerait la régulation des plates-formes internationales. Au problème de l'équité fiscale s'ajouterait alors, au menu de cette agence, celui de la souveraineté et de la protection des données.
Pour mener ces dossiers, le nouveau secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, pourra en tout cas s'appuyer sur les travaux du Conseil national du numérique dont il a été président. La régulation et la « loyauté » des plates-formes (pour enquêter sur d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles) faisaient en effet partie des sujets sur lesquels le Conseil, au rôle consultatif, s'était penché ces derniers mois. Lors de son arrivée à la tête du Conseil, il y a un peu plus d'un an, Mounir Mahjoubi avait d'ailleurs cité la fiscalité des Gafa comme l'un de ses chantiers principaux. « Dans ce domaine, les choses évoluent, le rapport de force bouge », expliquait-il alors aux « Echos », indiquant notamment que de plus en plus de pays en Europe se rangeaient aux côtés de la France.
Nicolas Rauline, Les Echos
En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/0212099887017-reguler-les-gafa-un-serpent-de-mer-au-menu-du-gouvernement-2087744.php#vOG5L7FpDkRu32sK.99
Des données personnelles très convoitées
LE MONDE ECONOMIE du 28 mai 2017
Valérie Segond
Le business des données personnelles sur Internet est en plein boom, mais les GAFA trustent 95 % du marché. Est-il encore possible de réguler le secteur pour protéger la vie privée des citoyens ?
Tous surveillés. Les traces que l’on laisse derrière soi sur le Net – préférences idéologiques, culinaires ou sportives, achats, peines de cœur, soucis de santé… – sont devenues une industrie extrêmement lucrative. Selon le cabinet IDC, le marché des données des citoyens de l’Europe des Vingt-Huit s’élevait à 60 milliards d’euros en 2016, et devrait atteindre 80 milliards en 2020.
Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Indirectement, c’est-à-dire en tenant compte du chiffre d’affaires supplémentaire et des emplois générés par les utilisateurs de ces informations, la valeur de « l’économie européenne des données » s’élèverait à quelque 300 milliards d’euros en 2016, et pourrait atteindre 430 milliards en 2020. C’est le pétrole du XXIe siècle, assurent les plus enthousiastes. Mais un pétrole qui connaît ses premières marées noires.
Lire aussi : Données personnelles : Facebook condamné par la CNIL à 150 000 euros d’amende
Quelques condamnations viennent de rappeler la part d’ombre des données : celle de WhatsApp pour avoir tenté de forcer ses utilisateurs à partager leurs données avec sa maison mère, Facebook. Dans la foulée, celle de Facebook pour avoir juré à la Commission européenne, en 2014, que ce partage de données serait techniquement impossible. Et le 17 mai, c’est la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui condamne Facebook pour atteinte à la vie privée, à travers six manquements graves à la loi informatique et libertés, dont « la combinaison potentiellement illimitée de toutes les données des utilisateurs… sans qu’ils puissent mettre fin au suivi massif dont ils sont l’objet ».
Collecte massive
Les mises en cause des géants du Net ne sont certes pas nouvelles, et les sanctions bien modestes. Mais elles se multiplient, et touchent aujourd’hui au cœur du système : la collecte de ces informations sensibles et leur traitement.
Les risques que Google, Apple, Facebook ou Amazon (ou GAFA) font courir à notre société sont jugés tels qu’ils suscitent une volonté de remise à plat musclée des règles par les autorités. Avec pour objectif de redonner aux individus la maîtrise de leurs données personnelles, afin qu’ils sachent enfin ce qui en est fait et qu’ils puissent donner, ou non, leur accord de manière libre et éclairée.
Cette révision met en émoi tous les acteurs qui vivent de cette collecte massive, souvent à l’insu des individus, et qui suivent à la trace leur moindre requête, like et autres partages, pour réaliser un profilage commercial de plus en plus fin, dans le but de personnaliser les messages qui leur sont adressés par tous les commerçants et fournisseurs de services pullulant sur la Toile. A commencer par les acteurs de la publicité en ligne, le plus gros consommateur de données personnelles à ce jour.
Dans un an, le nouveau règlement général européen sur la protection de la vie privée, RGDP, entre en vigueur. Il impose une application beaucoup plus stricte des droits existants, avec des sanctions très lourdes, jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires.
Inquiétude des acteurs
« Voilà qui commence à être dissuasif et va contraindre chacun à respecter des règles qui ne l’étaient que rarement », reconnaît Me Alain Bensoussan, spécialiste du droit des technologies.
Et le texte apporte quelques changements majeurs : la notion de « donnée personnelle » est élargie à « tout ce qui permet d’identifier directement ou indirectement les personnes », y compris l’adresse IP de l’ordinateur et les cookies, ces petits fichiers posés par les collecteurs de données sur le navigateur des internautes pour enregistrer leur activité. Et ces données ne pourront plus être collectées qu’avec le consentement « libre, éclairé, explicite et univoque » des individus.
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En clair, la collecte massive opérée en douce avec un accord donné une fois pour toutes par une case précochée, dite d’« opt-out », et pour des finalités très générales, c’est fini ! Désormais, l’accord devra être acquis par une case « à cocher », dite d’« opt-in », pour des finalités précises et claires, y compris quand les données sont combinées avec d’autres. Il devra être révocable d’un clic, et à tout instant. Et si l’internaute n’y consent pas, l’accès au service ne pourra pas lui être refusé.
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L’inquiétude des acteurs est d’autant plus forte que ces obligations s’imposeront désormais à toute la chaîne : du collecteur à l’annonceur, en passant par tous ceux qui manipulent des données personnelles pour « toucher le bon consommateur au bon moment », dans une chaîne ultracomplexe qui comprend aussi des e-mailers, des acheteurs d’espace automatisés, des éditeurs de logiciels de CRM (gestion de la relation client), etc.
Un profilage de plus en plus comportemental
Cela concerne bien sûr les collecteurs de données à l’ancienne, éditeurs, sociétés de VPC, sociétés d’annuaires, enseignes émettant des cartes de fidélité qui tous louent leurs fichiers – comme Orange avec ses 19 millions d’adresses de particuliers, ou la FNAC avec son fichier de 6 millions de porteurs de cartes de fidélité et de clients sur Fnac.com.
Mais aussi les data brokers, ces courtiers en données qui agrègent des fichiers et bases disparates pour vendre des profils à des sociétés. Comme Mediaprism, filiale de La Poste, qui héberge les données de quelque 300 collecteurs et les croise avec ceux de l’Insee, de sites d’e-commerce et de comparateurs Web ; ce qui lui permet d’afficher une base de données portant sur 36 millions de consommateurs dessinés par 150 critères.
Mais surtout, de beaucoup plus gros joueurs, comme les américains eXelate et Acxiom ou le français Weborama, qui créent des audiences cibles en analysant par algorithmes les traces aspirées sur Internet et les réseaux sociaux.
Ces data brokers sont déjà dans le viseur de la CNIL, qui a mené 50 contrôles en 2016. D’abord parce que les internautes ne savent souvent rien des données utilisées par les entreprises et de l’usage qui en sera fait. Ils ignorent qu’ils font en réalité l’objet d’un profilage qui n’est plus seulement sociologique, mais de plus en plus comportemental – distinguer par exemple les bons et les mauvais payeurs –, et qui peut être à l’origine d’une discrimination invisible.
Un métier qui sent le soufre
Ensuite parce que la CNIL a pu constater « la difficulté à apporter la preuve d’un consentement éclairé, des finalités initiales de collecte détournées lors de la combinaison avec d’autres bases de données, ou des durées de conservation des données beaucoup trop longues ». Bref, le métier sent le soufre.
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La principale source d’inquiétude des régulateurs concerne les GAFA, qui dominent de la tête et des épaules le monde du numérique. L’effet de réseau, par lequel plus un service est utilisé plus il a de valeur pour l’utilisateur, a fini par tuer toute concurrence. Les GAFA verrouillent la collecte, les algorithmes de ciblage comportemental en temps réel et l’espace publicitaire.
Ils captent ainsi 68 % du marché de la pub en ligne en France (77 % au Royaume-Uni), et toute sa croissance, selon l’Interactive Advertising Bureau (IAB), qui fédère les acteurs de la publicité sur Internet. Cette intégration verticale totale et fermée aux tiers leur donne une puissance absolue. « Le marché de la data est dominé à 95 % par les GAFA, tous les autres acteurs réunis n’en détiennent pas plus de 5 % », confirme Alain Lévy, PDG de Weborama, membre de l’IAB France.
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« Google peut voir ce que les gens cherchent, Facebook ce qu’ils aiment, Amazon ce qu’ils achètent », écrivait en mai The Economist, pointant cet « œil divin » sur toute l’économie mondiale. « Qu’un produit marche, et ils piocheront dans leurs ressources quasi illimitées pour le racheter. » L’autorité française de la concurrence doit proposer cet été une réforme des règles de la publicité en ligne. Mais cela suffira-t-il à ouvrir le secteur ?
Course au gigantisme
Quant à la taille de ces bases de données, est-elle encore compatible avec la protection de la vie privée ? Avec l’explosion des traces laissées sur Internet et les réseaux sociaux, et la combinaison des données pratiquées par toutes les plates-formes, les mégabases dominent le marché.
« Le croisement massif de données » a un « caractère particulièrement intrusif », souligne la CNIL dans sa condamnation de Facebook. Et elle poursuit : « La combinaison potentiellement illimitée de toutes les données des utilisateurs collectées non seulement sur Facebook mais sur des sites et applications tiers (…) est de nature à porter atteinte à leur vie privée. »
Même des data brokers modestes sont contraints de se lancer dans la course au gigantisme des bases pour affiner leur profilage. La trajectoire du français Weborama est symptomatique de la transformation du métier. Créée en 1998, l’entreprise était à l’origine spécialisée dans la mesure d’audience des sites, puis s’est développée dans l’achat d’espaces.
Rachetée par Alain Lévy en 2005, elle a opéré un recentrage radical sur l’analyse des données : « Avant, on vendait le profil avec le média, commente le PDG. Mais le marché a évolué, et la valeur ajoutée s’est concentrée dans le traitement des données. Désormais, on vend des profils sans le média pour aider nos clients à faire évoluer leur stratégie autour de la compréhension scientifique du consommateur. »
Tracer les consommateurs dans leurs déplacements physiques
Weborama crée ainsi des profils à partir de l’analyse sémantique des mots utilisés sur les réseaux sociaux. Il a répertorié 200 segments sur pas moins de 850 millions d’internautes (dont 300 millions aux Etats-Unis). Son métier : vendre des profils construits par algorithmes. Ce positionnement, qui lui a permis de retrouver de la croissance, est très coûteux en investissements, reflet d’un métier contraint de se déplacer vers toujours plus de technologie.
Et ce n’est pas fini. Car les acteurs les plus en pointe sont en passe de franchir une nouvelle frontière : suivre les consommateurs non plus seulement sur Internet, mais aussi dans leurs déplacements physiques en magasins ou quand ils interrogent des opérateurs de centres d’appels. Et ce, en reliant toutes leurs données à un identifiant unique, comme l’explique Julien Hirth dans Le Data Marketing (Eyrolles).
Dans le métier, on appelle cela du « CRM onboarding », un service vendu par l’américain Acxiom, qui revendique une base de plusieurs dizaines de millions d’internautes français. Son premier client en France ? Carrefour, qui cherchait à compléter la connaissance de ses clients pour mieux cibler ses offres promotionnelles et permettre aux marques de s’adresser à eux par son intermédiaire.
Jusqu’où ces data companies, américaines pour la plupart, iront-elles dans la course au gigantisme et au perfectionnement du traçage ? Les internautes prennent conscience du danger, s’équipent de bloqueurs de publicité (AdBlock) et beaucoup ne croient que modérément les promesses de respect de l’anonymat.
« Quand on dispose de tant d’informations sur les individus, retirer les identifiants ne suffit plus à garantir leur anonymat, considère Yves-Alexandre de Montjoye, spécialiste de la question au Data Science Institute de l’Imperial College de Londres. Il suffit de quelques points pour les réidentifier. Et cela, les personnes concernées ne le savent pas. Seules des données agrégées permettent de garantir l’anonymat. »
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L’Europe a perdu la bataille des bases de données
L’Europe ayant perdu la bataille des bases de données, c’est dans les algorithmes que de nombreuses start-up cherchent leur voie, en particulier en France, pays de mathématiciens et de data scientists. Ainsi Zettafox, créée en 2008, qui construit des profils à partir de l’historique des données personnelles de ses clients. Point de mégabases, juste du calcul. La start-up vend, comme d’autres acteurs, son modèle d’« analyse prédictive » qui « score les profils ».
Mais Zettafox a aussi développé une « analyse prescriptive », bâtie sur des scénarios, visant à comprendre la logique interne du comportement des clients. « Notre objectif est d’arriver à fournir une analyse en temps réel du comportement des individus pour permettre à nos clients de changer de stratégie aussi vite que le marché », déclare Marc Attalah chez Zettafox.
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Une stratégie qui n’efface pas toutes les inquiétudes. Car la course à la collecte est si stratégique pour bâtir des algorithmes et nourrir l’intelligence artificielle que l’affaire a pris une dimension géopolitique : « Si on nous bloque aujourd’hui en Europe avec un RGDP trop strict, dit Marc Attalah, on ne pourra plus accéder à la masse de données nécessaire pour bâtir cette nouvelle génération de services bâtis sur l’intelligence artificielle et espérer concurrencer un jour Google et Facebook. Ils auront alors construit une avance irrattrapable, sauf peut-être par WeChat et Baidu, car la Chine est moins regardante sur les questions de vie privée. »
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Aussi la gestion du consentement des utilisateurs est-elle devenue de la plus haute importance. Dans ce domaine aussi, des start-up se développent, comme la française Crystalchain qui, selon un de ses fondateurs, Pierre Achach, « doit permettre au consommateur de reprendre le contrôle de ses données sur un tableau de bord hébergé sur une plate-forme en marque blanche de gestion des consentements reposant sur la technologie sécurisée de la blockchain ». Le salut des utilisateurs viendra autant de la technologie que de la réglementation.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/05/28/des-donnees-personnelles-tres-convoitees_5135092_3234.html#IhAq8zsO92HvyTbD.99
Commentaires
le gouvernement Hollande a ouvert aux GAFA , l'accès aux registres de notes et d'appreciations des elèves et lyceens de France... quelles en seront les consequences apres un croisement avec les données de Face book?
Écrit par : ho-landouille | 08/06/2017
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