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14/04/2016

Le dernier rempart contre Google s'efface !

Bruno Racine quitte la BNF "avec ses idées"...

Bruno Racine à la BNF.jpg

Dans la lutte "épique" contre la numérisation de Google, il fut "Astérix" contre les Romains...inabsorbable, mais aujourd'hui vaincu définitivement par les effets de la "numérisation"...

Au moment de partir, il constate que les "lecteurs" sont aujourd'hui nettement moins nombreux, que lors de la création de la BNF, dans ce temple réservé et coûteux, construit sur les caprices d'un Président, trop hâtivement car ses jours étaient comptés !

Deux tiers dans le socle, un tiers dans les quatre tours ! A cause de la Seine et du danger d'inondation, ce fut l'inverse...avec une mécanisation "lourde" du transport entre le stockage et les salles de lecture... résultat des pertes et des "inspecteurs" à la recherche du livre perdu !

Chez les chercheurs le confort est roi...mais il faut se déplacer, alors que la technique aujourd'hui permet de travailler "chez soi" !

Google, ses services ont été refusés au nom de "l'indépendance de la France"...et jamais on ne fit suffisamment de numérisation, faute d'argent et de moyens techniques...le catalogage des livres fut coûteux et finalement peu productif.

Aujourd'hui, une bâtisse incommode et une "numérisation" insuffisante ! Quel bilan , Mama mia !


Bruno Racine, le livre a de beaux jours devant lui

LE MONDE DES LIVRES du 13 avril 2016

Michel Guerrin

 Bruno Racine à la BNF.jpg

Président de la Bibliothèque nationale de France (BNF) pendant neuf ans, de 2007 à 2016, Bruno Racine a quitté son poste, le 2 avril, remplacé par Laurence Engel. Il expose les enjeux de cet établissement.

Quelles furent les missions que vous pensez avoir accomplies avec succès à la tête de la BNF ?

La BNF repose sur deux grands piliers, et on tend à en oublier un, le site historique, rue de Richelieu, à moitié fermé pour rénovation depuis cinq ans. Il devrait rouvrir entièrement en 2020, devenant le premier pôle mondial pour l’histoire des arts et des images. Lancer ce projet était un premier objectif.

Le deuxième était de changer d’échelle dans la numérisation. Nous avons multiplié le chiffre par dix sur Gallica – de 300 000 à 3,5 millions de documents en libre accès. Le troisième objectif, ce sont les acquisitions majeures, là encore, qui ont changé d’échelle, puisque nous sommes passés à 7 ou 8 millions d’euros par an contre 1 million avant mon arrivée. La BNF a pu acheter les manuscrits de Casanova, le bréviaire de Saint-Louis de Poissy, le manuscrit des Troyens de Berlioz… J’ai mis un accent particulier sur les archives contemporaines – celles de Michel Foucault, Edouard Glissant, Guy Debord, Roland Barthes…

Pourquoi acheter quand on conserve déjà tant de livres ?

Pour rester vivante, une bibliothèque doit acquérir et elle ne peut s’arrêter à l’époque de Victor Hugo. Non pas tout acheter, mais le faire avec discernement. Renforcer les points forts, en particulier pour les manuscrits, avec l’aide de son cercle de mécènes.

La BNF, qui est une des trois plus importantes bibliothèques au monde avec celle du Congrès, à Washington, et la British Library, à Londres, doit être en première ligne sur le marché. Les archives de Guy Debord étaient convoitées par une université américaine mais il ne me paraissait pas possible qu’elles sortent de France.

De même pour le manuscrit de Nadja, d’André Breton, que Pierre Bergé [actionnaire à titre personnel du Monde] a bien voulu nous réserver en le retirant de la vente de sa bibliothèque. J’ai souhaité aussi encourager les dons, et pour cela créé une galerie des donateurs.

« La politique d’enrichissement des collections de la BNF la rapproche des grands musées du monde »

Notre politique d’enrichissement des collections nous rapproche des grands musées du monde. Tout comme nos expositions d’artistes vivants comme Sophie Calle, Raymond Depardon, Richard Prince, Anselm Kiefer et maintenant Miquel Barcelo.

Un musée ? A vous écouter, on a ­l’impression que la BNF n’est plus un endroit où le public vient pour ­consulter et emprunter des livres…

J’y viens ! Une grande bibliothèque se doit d’offrir une multitude d’activités – expositions, conférences, débats. Mais la question que vous soulevez sera le défi de l’avenir. Car il y a un problème. La BNF offre sur son site François-Mitterrand deux espaces aux lecteurs. Un pour le grand public de 1 700 places, l’autre pour les chercheurs, de dimension comparable.

Or, depuis plusieurs années, nous constatons une baisse de fréquentation. Pour les chercheurs, c’est plus récent et cela s’explique. Nous observons en particulier qu’ils utilisent mieux les ressources numériques, ce qui leur permet de passer moins de temps dans nos murs. Nombre de bibliothèques universitaires parisiennes, qui étaient vétustes, ont été rénovées, et en conséquence nous ont pris des lecteurs.

Toutefois, les chiffres de fréquentation se sont stabilisés en 2015 mais sans revenir aux niveaux d’il y a quelques années. Ce qui interroge, c’est la moindre fréquentation du grand public, qui se vérifie dans toutes les bibliothèques, en France comme à l’étranger.

Comment enrayer cette baisse ?

Les bibliothèques se sont longtemps préoccupées essentiellement de l’offre. Désormais, le défi, c’est de mieux répondre à la demande. Nous ne pouvons pas nous reposer seulement sur la quantité et la qualité de nos collections. Il faut prendre la mesure du nouvel utilisateur des bibliothèques, comprendre ses attentes. Il lit autrement, consulte moins les ouvrages et souvent vient, avant tout, pour travailler sur ses propres documents, par exemple pour préparer un examen, parce qu’il ne peut le faire dans de bonnes conditions chez lui. La bibliothèque lui offre un service de qualité, un lieu d’étude individuel mais aussi de confort et de convivialité.

Nous avons modernisé l’accueil, nous allons améliorer l’hospitalité numérique, par exemple grâce au lien entre notre offre et l’ordinateur portable du lecteur. Nous avons surtout repensé les salles de lecture, qui sont traditionnellement monacales, multiplié les stations de travail individuelles, en dehors des salles, dans les couloirs, les halls, les foyers, le café… Les usagers travaillent autant dans ces nouveaux espaces que dans la salle de lecture classique. Ils enrichissent la fonction sociale de la bibliothèque, ce que certains appellent « le troisième lieu », intermédiaire entre la maison et le lieu de travail. Nous avons pu ainsi enrayer la baisse en 2015.

Est-ce suffisant pour garder ­vos lecteurs ?

« Il faudrait instaurer la gratuité pour le grand public à la BNF »

Ma conviction est qu’il faudrait instaurer la gratuité pour le grand public. Nous demandons un abonnement de 38 euros par an, ramené à 20 pour les moins de 25 ans, ce qui peut paraître modique, mais reste un frein. La Bibliothèque publique d’information [BPI, Centre Pompidou] est gratuite, par exemple. Pour la BNF, ce serait un geste symbolique fort, un signe d’ouverture qui me paraîtrait bienvenu aujourd’hui. J’ai fait cette proposition au ministère de la culture mais il reste à résoudre le problème du manque à gagner, de l’ordre de 400 000 euros par an.

Est-ce que la bibliothèque, à terme, sera rendue caduque à cause de la ­numérisation ?

Je crois tout le contraire. La baisse de la consultation n’est pas liée uniquement à la numérisation des livres. Et puis la numérisation intégrale est une utopie, elle ne se réalisera sans doute jamais, ni chez nous ni ailleurs, et elle n’est pas nécessaire. Nous avons 3,5 millions de documents numérisés, mais des dizaines de millions ne le sont pas. Nous avons 5 millions de pages de presse numérisées, et 110 millions ne le sont pas.

De plus, on n’a jamais autant publié de livres papier en France qu’en 2015 – même si la lecture baisse ou se concentre sur quelques ouvrages, ce qui est un autre problème. Et puis l’offre numérique consultable à distance est limitée aux livres tombés dans le domaine public. Or, les chercheurs ont besoin de travailler sur des publications récentes, que nous pouvons avoir en version numérique, mais qui ne sont consultables que depuis nos sites.

Qu’en déduisez-vous pour l’avenir ?

Plusieurs choses. La numérisation va devenir plus qualitative que quantitative. Ensuite, si la consultation à distance – dont 37 % venant de l’étranger – se développe, la demande sur place ne va pas disparaître. Je n’exclus pas que la distinction que nous opérons entre nos lieux « grand public » et « chercheurs » ne finisse d’ailleurs par s’effacer au profit d’espaces fédérateurs.

« Le livre est un objet parfait : petit, pas cher, maniable, utile, solide »

Enfin, je constate que le livre est dans son genre un objet parfait : petit, pas cher, maniable, utile, solide. Il a de beaux jours devant lui. Le livre numérique, au contraire, n’est pas parfait, il n’a pas la volupté du papier, on ne peut le feuilleter, et il est en fait plus périssable. Du reste, hormis aux Etats-Unis, à cause de la mort des librairies, et au Japon, pour des raisons liées au phénomène manga, la part du livre numérique reste limitée. Les deux supports resteront complémentaires.

Dans « La Voix de ma mère », le livre que vous consacrez à votre mère, vous notez que, de sa jeunesse américaine, elle n’avait conservé que très peu d’objets, essentiellement des ­livres. Votre confiance dans l’avenir du livre est-elle liée à cet héritage ­maternel ?

Ma mère a été en effet une grande lectrice tout au long de sa vie. C’est en se passionnant très jeune pour Les Trois Mousquetaires, lu en anglais, qu’elle disait avoir adopté la culture de notre pays, avant d’en apprendre puis d’en maîtriser la langue, tout en conservant un léger accent qui m’est resté longtemps imperceptible. Tel est le pouvoir du livre : changer le cours d’une vie. Je ne suis pas sûr qu’une lecture sur écran aurait eu le même effet décisif…

Le souvenir le plus précieux que je conserve d’elle, ce sont des livres qui lui avaient été offerts dans sa jeunesse, des romans de Stevenson aux poèmes de Keats que nous avons lus ensemble, en particulier cette Eve of Saint Agnes, qui était son préféré. En m’efforçant sans succès, dans mon livre, de faire revivre sa voix, c’est la littérature que j’ai retrouvée. Quand on a lu Proust, Lamartine ou Guyotat, on sait que cette voix est inséparable des lectures maternelles, que ce soit l’histoire sainte ou George Sand. Toute lecture n’est-elle pas un partage ?

Dans le sillage des chercheurs de voix

La langue maternelle n’appartient à personne, pas même à la mère. Cette vérité explorée par les écrivains et les philosophes, Bruno Racine en a très tôt fait l’expérience. Ainsi les plus belles pages du récit qu’il consacre à sa mère, La Voix de ma mère, évoquent-elles des scènes de lecture à deux, au cours desquelles s’impose l’indépendance bravache de la langue, son caractère fondamentalement inappropriable.

Un jour, Bruno Racine et sa mère, qui a grandi aux Etats-Unis, se penchent ensemble sur le roman d’Henry James, The Bostonians. Cherchant les équivalents français de certains termes, sa mère se trouve soudain à la peine : « Ces hésitations l’attristaient, car elle les attribuait, non à des difficultés objectives de traduction, mais à une sorte de déclin personnel, à une déprise irréversible de sa langue maternelle. »

Ce souvenir d’enfance, confie Bruno Racine, est l’un des rares qui lui permet d’entendre encore la voix de sa mère, cette voix elle aussi impossible à attraper, et qu’il tente ici de retrouver en se mettant dans le sillage des grands chercheurs de voix, de Proust à Barthes. Cette quête le conduit sur les traces de ses aïeux, en Amérique, mais aussi en Ukraine, à Boston comme à Odessa, et cette investigation autobiographique nourrit une réflexion sensible sur la fragilité des êtres et la force des textes.

La Voix de ma mère, de Bruno Racine, Gallimard, 136 p., 12,50 €.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/livres/article/2016/04/13/bruno-racine-le-livre-a-de-beaux-jours-devant-lui_4901424_3260.html#svJSC0UFGd26kSIR.99

 

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