16/02/2016
le "biberonnage" des chômeurs de Pôle emploi...
Coursera, une réussite mondiale, Open Classrooms, une réussite française et africaine...
Pôle Emploi risque de donner un sacré coup de pouce à cette startup "française" en finançant la "formation" de 100 000 chômeurs !
Il faut raison garder... le marché "aval" peut-il absorber autant de spécialistes du HTML 5, pour fabriquer des sites Web à tout va ?
Que vaut une formation "à distance", y compris le "bachelor" en chef de projet multimedia, dans un circuit totalement "privé", en dehors des circuits de formation déjà labellisés ?
Comme toujours, les connaissances préalables, le niveau d'instruction, la vivacité intellectuelle sont des éléments clé dans la qualification professionnelle...
Si c'était si facile, il n'aurait pas de pénurie de spécialistes sur le marché du travail !
OpenClassrooms offre de former 100 000 chômeurs aux métiers du numérique
LE MONDE du 15 février 2016
Comment former 500 000 chômeurs supplémentaires à des métiers d’avenir en 2016 ? L’objectif a été réaffirmé par le chef de l’Etat, François Hollande, lors de son intervention télévisée, jeudi 11 février. Une gageure ? Le site de formation en ligne OpenClassrooms se tient en tout cas prêt à y participer. Après avoir passé un partenariat avec Pôle emploi en 2015, il offre déjà gratuitement ses services à plus de 15 000 demandeurs d’emploi. « Nous pouvons offrir 100 000 places, cela ne nous pose strictement aucun problème », annonce au Monde Pierre Dubuc, ingénieur de 27 ans et cofondateur du site.
Les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sont dispensés de payer les 20 euros mensuels d’abonnement à la version premium, qui permet de télécharger les cours ainsi que des e-books (livres numériques), d’accéder aux forums et d’obtenir des certificats validant les cours.
Les trois quarts des chômeurs inscrits suivent des cours et en ont choisi 4,4 en moyenne. 6 510 certificats de réussites leur ont déjà été délivrés. De plus, 700 d’entre eux ont demandé des financements à Pôle emploi pour suivre une offre plus ambitieuse encore, encadrée et diplômante (300 euros par mois), celle qui permet d’obtenir en six mois au minimum un bachelor de « chef de projet multimédia », en partenariat avec l’école IESA multimédia, avec un accompagnement à distance par un « mentor » – un professeur-coach.
Philippe Beck, 38 ans, demandeur d’emploi en reconversion, suit ce parcours diplômant depuis chez lui, dans les Bouches-du-Rhône, près de Cavaillon. Après dix-neuf ans de travail dans l’hôtellerie, ce titulaire d’un bac scientifique passionné d’informatique a déjà une piste d’emploi : « J’ai eu plusieurs rendez-vous qui m’ont beaucoup plu avec une start-up de la région en plein essor, et dont je partage les valeurs. Ils sont intéressés, mais il faut d’abord que je valide mon diplôme de programmation au niveau professionnel, et que je me représente avec un portfolio de mes réalisations car je manque encore de pratique », explique-t-il.
Depuis Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), Séverine Carré, « mentor », accompagne de son côté des élèves en France mais aussi au Maghreb ou au Canada. Après avoir exercé de nombreux métiers – peintre sur des pylônes de haute tension, commerciale –, avoir tenu un restaurant dans le Sud-Ouest, s’être formée par elle-même en cours du soir, elle s’est fait remarquer sur la plate-forme en validant un parcours d’intégrateur Web. Le site lui a proposé cet emploi : « J’aime bien les personnes qui travaillent à changer de vie, je veux les aider à réussir, leur donner la gnaque, c’est super gratifiant de voir que ça marche, qu’il y a un résultat », souligne-t-elle.
Un millier de cours en ligne
OpenClassrooms revendique 3 millions de visiteurs chaque mois. La fréquentation provient à 60 % de France et 40 % de l’étranger (dont plus de la moitié d’Afrique, pour l’essentiel francophone). Le site offre l’accès à plus de 1 000 cours en ligne (MOOC), suivis par des étudiants, des chômeurs ou des salariés en quête de reconversion. Le plus souvent, il s’agit de formations courtes et liées à l’informatique et au « tertiaire numérique ». Le cours le plus populaire est celui consacré au codage en « HTML5 » créé par Mathieu Nebra, l’initiateur du site, qui aurait été suivi dans ses différentes versions par 200 000 personnes. Mais on trouve aussi, entre autres, des formations liées au webmarketing, au « community management » ou l’entrepreneuriat. Et des partenariats ont été passés pour quelques cours avec des grandes écoles comme Centrale Supélec, Polytechnique et Sciences Po.
« Le but de l’entreprise est de rendre l’éducation accessible : que chacun puisse développer son employabilité sans barrière technique, financière ou de diplôme », explique Pierre Dubuc, que le magazine Forbes a sélectionné en janvier 2016 dans sa liste des 30 entrepreneurs sociaux de moins de 30 ans les plus emblématiques d’Europe. Son associé Mathieu Nebra, 30 ans, a lui été distingué par le MIT dans son palmarès 2015 des innovateurs de moins de 35 ans. Autre distinction : OpenClassrooms figurait dans la liste des 10 meilleures start-up françaises sélectionnée par le magazine Wired en 2015.
Le compagnonnage de Pierre Dubuc et Mathieu Nebra ne date pas d’hier : leur entreprise, créée en 2013, et financée depuis à hauteur de 2 millions d’euros par le fonds Alven Capital, est l’héritière de leur hobby commun : le « Site du zéro » – celui où l’on explique tout à partir du début –, créé en 1999 par Mathieu Nebra à l’âge de… 13 ans, dans le but d’expliquer à ses amis comment programmer en HTML. Et l’aventure a continué tout au long de leurs études (lycée, école d’ingénieur, à l’INSA de Lyon pour Pierre Dubuc et à l’Efrei de Paris-Sud pour Mathieu Nebra).
En visite à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) en avril 2015 – un des établissements du supérieur les plus en pointe sur l’enseignement en ligne –, François Hollande avait annoncé le partenariat OpenClassrooms-Pôle emploi, quelques mois avant qu’il ne se matérialise. Aujourd’hui, suggère Pierre Dubuc, « on ne va pas faire la totalité de la formation des 500 000 chômeurs car tout le monde ne doit pas aller vers le tertiaire numérique. Mais d’autres formations sont digitalisables et peuvent être associées à des contrats pros, par exemple ». A bon entendeur…
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La salle de classe planétaire
LE MONDE du 9 août 2012
Flore Vasseur
Daphne Koller a une dent contre l'école. Enfant, cette Israélienne veut découvrir les équations du troisième degré et la danse, l'histoire de la Grèce antique et la poésie. Comme tous les élèves, elle doit subir le programme, rentrer dans les cases. Sa soif d'apprendre se cogne à l'éducation formatée. Elle abandonne l'école, avec le soutien de ses parents. Elle entre à l'université hébraïque de Jérusalem à 13 ans, obtient sa maîtrise à 18 ans. A 21 ans, elle quitte Israël pour Stanford et un PHD en génie informatique. "Grâce à ma famille, j'ai pu contourner le cursus éducatif traditionnel et devenir moi-même. J'ai eu beaucoup de chance. Depuis, une question m'obsède : comment rendre cela possible pour tous ?"
Daphne commence par devenir professeur. Avec son allure à la Joan Baez période 1968, elle enseigne à Stanford, anime un laboratoire de recherche sur le cancer, nourrit ses deux passions, le "machine learning" (l'"apprentissage autonome des machines") et la biologie. Elle veut résoudre les problèmes complexes à l'aide d'ordinateurs et de statistiques, et écrit plus de 180 articles scientifiques.
Devenue l'une des enseignantes les mieux notées de l'un des campus les plus réputés, l'ennui revient pourtant : "Passer ma vie à aller dans la même salle de classe, faire la même leçon, raconter les mêmes blagues, au même moment..., ce n'est pas une bonne utilisation de mon temps ni de celui des élèves." Avec d'autres, elle réfléchit à un moyen de rendre le travail en classe plus attractif. Morne plaine.
TEMPS PASSIF ET TEMPS ACTIF
Lors d'une conférence au Google Education Summit, cette petite brune à l'énergie adolescente assiste à une présentation de YouTube sur l'éducation. Elle bouscule ses voisins, sort en trombe. Elle tient son idée : jusqu'alors, l'élève écoute la leçon en classe (temps passif) et réalise des recherches, des devoirs à l'extérieur (temps actif). Mais si la leçon est disponible en vidéo, l'élève peut la visionner avant le cours et utiliser la classe pour la partie active (brainstorming, questions, cas).
C'est le concept de "flip education", le renversement des tempos et la revalorisation du professeur. Elle n'est pas la première à y penser, elle propose une expérimentation. Le corps professoral dégaine une salve d'a priori : que deviendra l'expérience du face-à-face ? Ne transforme-t-on pas ainsi l'enseignement en marchandise ? Ne va-t-on pas marginaliser un peu plus les Humanités ?
Au même moment, à l'automne 2011, son collègue Andrew Ng met en ligne de façon gratuite un cursus entier (10 semaines) de Stanford sur l'intelligence artificielle. Un tour de force : 400 élèves dans l'amphithéâtre, 100 000 personnes en ligne. 14 000 élèves obtiennent le certificat officiel diplômant. Daphne et Andrew unissent leurs forces. "Les professeurs n'ont pas toujours envie de s'adapter, surtout qu'en général, ils sont bien notés. En revanche, si vous leur dites qu'avec le même cours, ils ne vont pas toucher 40, mais 100 000 personnes d'un coup, alors là, ils vous écoutent ! On reçoit des courriels d'étudiants qui, grâce à ces cours, ont pu trouver du travail partout dans le monde, alors qu'ils n'avaient pas accès à la fac. Vous changez la vie en permettant d'apprendre. Un professeur, au fond, c'est fait pour cela."
Stanford embraye, débloque 150 000 dollars. Daphne et Andrew bâtissent une première plate-forme. Une partie des professeurs jouent le jeu, adaptent ses cours, découvrent un outil qui les libère du pensum de la leçon magistrale. L'enseignant revient au coeur de la partie : "De nos jours, il ne s'agit plus d'avoir la bonne réponse. Ce qu'il faut, c'est réfléchir ensemble et partager."
Daphne repousse les murs un peu plus loin : "On a sorti le projet de Stanford, avec l'accord de la direction. Après tout, ce n'est pas la seule université à proposer des cursus exceptionnels." Princeton, Penn, Michigan, Caltech, Duke, John Hopkins et une dizaine d'autres suivent et signent. "On doit leur démontrer notre sincérité. Il ne s'agit pas de commercialiser leur cours ni de brader leur marque, mais bien d'éduquer les gens et d'offrir les meilleurs cursus universitaires au monde entier, gratuitement."
Forte de sa promesse, Daphne se transforme en femme d'affaires. D'un projet académique, l'initiative devient une start-up, baptisée "Coursera". Kleiner Perkins Caufield & Byers, l'un des fonds de capital-risque les plus puissants de la Silicon Valley, investit 16 millions de dollars. "On a amélioré l'interface et annoncé le lancement en avril dernier. Aujourd'hui, on a 787 000 étudiants dans 190 pays, 2 millions d'engagements, pour 111 cursus allant de la robotique à la poésie." Soit 14 millions de vidéos visionnées en... trois mois.
MODÈLE FREEMIUM
Comment gérer cet afflux ? Les professeurs enregistrent leurs cours, listent devoirs et examens. Chaque vidéo est traduite en 6 à 10 langues sur la base du volontariat, par les étudiants. Des modules d'interaction (quiz, forums ou encore système d'évaluation par les pairs) engagent l'élève. Et la machine "apprend" : l'énorme moteur compulse informations et interactions, suggère des pistes d'amélioration en ligne ou non. Le modèle économique ? Le sacro-saint "freemium" : des cursus en libre accès et gratuits mais des certificats diplômants payants (de 100 à 150 dollars). A terme, Coursera mettra en lien les étudiants et les entreprises, devenant une plate-forme de recrutement ultradétaillée.
L'enseignement supérieur n'a pas encore basculé dans le numérique. Il a une révolution à vivre. "Les universités savent que ce qu'elles proposent doit aller bien au-delà du contenu. Elles doivent développer la créativité de leurs étudiants, transmettre la passion pour les disciplines, apprendre à raisonner de façon systémique. C'est ça l'enjeu ! Et le MOOC (Massive online open classroom) permet tout cela. Il force à repenser les cours, le temps en classe, la valeur. Pour les universités, c'est un signal fort qu'elles ont autre chose à proposer que du contenu."
A l'heure du MOOC, Coursera n'est pas seule : Udacity.com est née à Stanford de la même expérience de cours sur l'intelligence artificielle. A l'automne, Harvard et le MIT lanceront leur plate-forme commune, "EdX", misant à elles deux 60 millions de dollars. Pour John Hennessy, le patron de Stanford cité par le New Yorker, c'est le "campus tsunami".
Libre et rayonnante, Daphne Koller mène sa barque à la vitesse d'une Ferrari. Elle raconte son histoire d'une voix pleine de sourires, respire l'intelligence. A la fin de l'entretien, elle nous regarde, amusée : "Au fait, on cherche des cours de facs étrangères. Vous ne voulez pas m'aider à récupérer du contenu français ?" Avis aux intéressés...
"Coursera, c'est ma façon de changer le monde. J'espère que je vais y parvenir. En fait, je veux surtout essayer..." Elle veut libérer l'enseignement, devenu trop cher, exclusif, ennuyeux et inopérant. Daphne Koller a du souffle. Il en faudra : l'éducation est au coeur de toutes nos mutations. Une chose est sûre : la Joan Baez de l'enseignement supérieur a soldé ses comptes avec l'école. En Californie, on appelle cela une "killer idea".
Flore Vasseur
Ils changent leur monde
Lancée en Californie en 1984, la conférence TED est devenue la Mecque des passionnés d'innovation. Seuls en scène, sans note et en dix-huit minutes, artistes, chercheurs du MIT et humanitaires partagent visions et recherches pour le monde. Longtemps le secret le mieux gardé de la Silicon Valley, TED décoiffe, agace, invente le salon du XXIe siècle : sur son site, TED.com, plate-forme d'échange d'idées devenue monstre (800 millions de pages vues, en 88 langues) ; et avec les TEDx, ces 4 400 événements locaux créés en trois ans par des bénévoles, de Soweto à l'Antarctique. L'une des deux éditions annuelles, TEDGlobal, se tenait à Edimbourg en juin. Nous y étions.
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