23/09/2014
Hautes rémunérations ? Industrie, certainement pas, services, oui !
Le quatrième dépôt de bilan de Tilly Sabco met en danger les salariés de l'entreprise et les agriculteurs, fournisseurs de volailles !
Cet épisode douloureux met en évidence l'échec, en France rurale, du développement industriel agro-alimentaire... coût de production trop élevé pour se battre à l'exportation sans subvention (européenne), dépression du marché interne de consommation sous l'effet de la crise et de la politique de recherche du prix "bas" de la Grande distribution !
A l'opposé, des professions de service s'en tirent plutôt bien, avec des niveaux de rémunération très au dessus de la moyenne...
Une caricature, à peine soutenable, de notre modèle économique, qui ne sait plus rémunérer tous les efforts de production... et notamment ceux liés à l'alimentation de la nation... Effet du libre-échange européen, qui atteint la production et non les services, protégés par les barrières douanières et linguistiques ?
Peut-on aujourd'hui tirer un trait "définitif" sur les productions agro-alimentaires de la France et mettre ainsi le feu à des régions, comme la Bretagne, qui en vivent ?
Tilly-Sabco, en cessation de paiement
Télégramme du 23 septembre 2014
Nouveau coup dur pour le pays de Morlaix : basée à Guerlesquin, l'entreprise d'abattage de volailles Tilly-Sabco (326 salariés) a été placée, hier, en cessation de paiement.
Son P-DG table sur une liquidation judiciaire avec une poursuite d'activité dans l'espoir qu'un repreneur se manifeste.
> Prévu, mais douloureux... Touchée par la fin des aides européennes (les restitutions) depuis juillet 2013, la société guerlesquinaise Tilly-Sabco, spécialisée dans le poulet surgelé destiné à l'export, est contrainte de rentrer en procédure de cessation de paiement. Le dossier sera examiné aujourd'hui par le tribunal de commerce de Brest, lequel devrait rendre une décision dans les prochains jours.
« Compte tenu que nous n'avons pas pu poursuivre à son terme le plan de continuation en cours, explique Daniel Sauvaget, P-DG de l'entreprise, nous passerions directement en procédure de liquidation et je sollicite du tribunal de commerce une poursuite d'activité pour permettre l'émergence d'un projet de reprise le plus abouti possible afin de préserver le maximum d'emplois ». Selon Daniel Sauvaget, cette poursuite d'activité pourrait être mise en oeuvre « grâce au soutien » de son client principal saoudien, le groupe Abbar. Des pistes à l'étranger ont été évoquées pour une éventuelle reprise de l'outil industriel. « Il faut ouvrir au maximum toutes les opportunités, indique le P-DG. Il y a peut-être des gens qui ne se sont pas encore manifestés car ils attendaient que le site soit complètement disponible (...).
Mais si jamais, il n'y a pas de repreneur, ce serait le pire des scénarios. » Un rapprochement avec Doux, l'autre volailler finistérien ? « Le groupe Doux, qui gagne de l'argent si j'en crois les médias, peut être une vraie piste si son modèle économique est viable sur le Moyen-Orient », répond Daniel Sauvaget.
Quatrième dépôt de bilan
Créé en 1958 par Jacques Tilly, l'abattoir de Guerlesquin connaît aujourd'hui son quatrième dépôt de bilan, après ceux de 1984, de 2000 et de 2006. Hier, à la sortie d'une réunion extraordinaire du comité d'entreprise, le personnel était sous le choc. « Où aller chercher du boulot, car il n'y en a plus ici ? », se plaint Didier, employé au quai d'accrochage. Effondré, il ne peut empêcher quelques larmes de couler sur son visage. « J'ai 55 ans et cela fait 20 ans que je bosse chez Tilly. Même s'il était à prévoir, ce dépôt de bilan est dramatique pour nous. J'aurais aimé terminer dignement ma carrière dans cette usine. »
« Si je n'y croyais plus, je me serais pendu »
Un sentiment de profond désarroi est aussi palpable au sein de la plupart des 200 éleveurs qui fournissent l'abattoir, dont 80 travaillent exclusivement pour Tilly-Sabco. « Je suis inquiet, car je ne sais pas où on va, déplore Jean-Yves (54 ans), éleveur installé sur Guerlesquin et Botsorhel (29). Je crois cependant toujours en l'avenir de la société, car si je n'y croyais plus, je me serais pendu depuis longtemps ».
Aujourd'hui, le personnel a prévu de se rendre à 14 h devant les grilles du tribunal de commerce de Brest. « On va demander la poursuite d'activité et il faut que les juges puissent nous entendre », prévient Pascale Woiry, déléguée CFDT. « Se battre jusqu'au bout » « Nous avons la capacité à défendre notre outil de travail, enchaîne Corinne Nicole, représentante CGT. On ne sait pas si on va gagner, mais on veut se battre jusqu'au bout pour sauver notre travail et faire vivre nos familles ». « Attention, concluent les deux syndicalistes : on sait être gentils, mais si on n'obtient pas gain de cause, on peut devenir méchants et montrer les crocs ».
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