01/07/2014
Le clocher de l'église de Quiberon est "équipé"...
Les tribunaux administratifs sont saisis d'affaires très originales...
La téléphonie mobile et leurs antennes relais aiment les lieux élevés. Un clocher, de par sa destination, est un lieu souvent choisi.
Ici intervient la loi de 1905, qui distingue l'intervenant (le curé) et l'élu local (la commune, qui finance les travaux et l'entretien). Le tribunal administratif de Rennes tranche en faveur du lieu "cultuel" et soutient le détenteur de la "clé" du lieu !
Une jurisprudence, qui pourrait inquiéter les 500 clochers déjà équipés et donc l'église de Quiberon...
A qui échoit le loyer de cette antenne téléphonique ?
Antennes-relais, interdites de clocher...
Télégramme du 1er juillet 2014
Alain Le Bloas
Le clocher de l'église Saint-Melaine, qui domine le centre-ville de Rennes, a sonné le glas de l'intrusion de la téléphonie dans les tours cultuelles..
Confrontés à la difficulté d'installer leurs antennes sans susciter la grogne du voisinage, les opérateurs de téléphonie mobile tentent d'en équiper discrètement les clochers. Mais la loi est ainsi faite que ces équipements profanes sont bannis des lieux de culte. Avec ou sans la bénédiction du curé.
Le tribunal administratif de Rennes a été saisi, voici quelques mois, d'une querelle entre le curé de Saint-Melaine, à Rennes, et le maire. Au nom de la ville propriétaire de l'église, l'élu avait autorisé un opérateur de téléphonie à équiper d'antennes-relais le clocher de l'édifice. Mais le desservant (le curé) de la paroisse - comme d'ailleurs son archevêque - ne l'entendait pas de cette oreille : il a saisi la juridiction d'une requête en annulation du permis de construire et obtenu gain de cause.
L'objet « culte » mais pas cultuel
Le juge Paul Report, saisi du dossier, s'est alors livré à une exégèse minutieuse (*) des textes régissant cette affaire, depuis la loi de 1905 attribuant aux communes la propriété des églises existantes, jusqu'aux dernières évolutions du CGPPP (code général de la propriété des personnes publiques), du CGCT (code général des collectivités territoriales) et du code de l'urbanisme. Il a résulté de ses investigations que le desservant était fondé à refuser l'installation dans son église d'un objet étranger au culte. C'est à l'évidence le cas d'une « installation technique destinée à recevoir et émettre des messages téléphoniques gérés par des opérateurs privés à des fins commerciales », fut-elle au service de l'« objet culte » qu'est aujourd'hui le smartphone, note le juge.
Le maître des clés
À cette affectation exclusive du lieu de culte s'ajoutait une autre raison d'annulation : le problème de la clé. La loi précise, en effet, que seul le desservant en dispose, le maire n'étant autorisé à l'utiliser que « pour régler les sonneries civiles ». Voici qui n'est évidemment pas compatible avec l'exigence de l'opérateur figurant dans sa demande de permis de construire et selon laquelle ses techniciens doivent pouvoir intervenir 24 heures sur 24 en cas de panne. Autant dire que le curé maître des clés a toute latitude pour interdire à l'opérateur de remplir ses obligations vis-à-vis de ses clients, ce qui est évidemment inconcevable.
500 antennes en sursis
Reste le cas où le maire et le curé sont d'accord pour accueillir les antennes. Mais là non plus, l'opérateur n'est pas sauvé. Paul Report rappelle, en effet, qu'un décret, signé en 1906 par Aristide Briand, précise la portée de la « servitude d'affectation cultuelle » imposée au propriétaire municipal par la loi de séparation de l'Église et de l'État. Et ce texte interdit aux personnes publiques propriétaires de « détourner ces édifices (cultuels) de leur destination en les faisant servir, ne fût-ce que d'une manière momentanée à d'autres usages que le culte ». Une interdiction qui concerne la commune mais dont la loi ne prévoit pas qu'elle puisse être levée par le desservant. Voila qui augure mal de l'issue des démarches menées par les opérateurs et qui pourrait bien conduire à faire démonter les quelque 500 antennes-relais qui ont déjà trouvé asile en compagnie des cloches paroissiales.
* L'étude du juge Report a été publiée dans la Revue française de droit administratif de mars-avril 2014 (éditions Dalloz).
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