09/05/2014
2.000 orgues, qui crèvent !
Les journées de l'Orgue, le 10 et le 11 mai prochain, sont l'occasion d'écouter un "bon concert" et de participer à la promotion d'un instrument extraordinaire !
Dans le Morbihan, l'enseignement de l'Orgue est pratiqué par le Conservatoire de Vannes et par l'Académie d'Arts sacrés de Saint Anne d'Auray. Cette dernière pratique un enseignement "itinérant", qui met ses professeurs à la disposition des élèves dispersés (Lorient, Pontivy, Mauron, Ploërmel, Josselin...). Normalement, tout élève dispose ici d'un cours à moins de 20 kilomètres de son domicile !
Un voyage de la classe d'Orgue vient de parcourir Saint Malo et Saint Servan pour apprécier, chacun à son tour, un orgue Koenig de 1980 et un orgue Cavaillé Coll de 1884.
Une discipline "patiente", porteuse de réflexions musicales et courageuse !
L’orgue s’offre une nouvelle tribune
Le Figaro du 9 mai 2014
Grand-messe nationale, concerts insolites… Le roi des instruments trouve un second souffle.
Thierry Hillériteau
Luxeuil-les-Bains, en Franche-Comté, offre chaque lundi de Pâques quinze heures de musique d’orgue et de chant grégorien.
Pompeuse. Ennuyeuse. Lugubre… Les a priori négatifs sur la musique d’orgue ne manquent pas. Tout comme les clichés qui ont longtemps accompagné les praticiens de l’instrument, « affectueusement » surnommés par le milieu musical « punaises d’orgue ».
Déjà, en 1754, Joseph Goupy caricaturait Haendel en orga¬niste soiffard sous le titre : La Brute charmante. Le musicien y était montré sous des traits porcins, jouant assis sur une barrique de vin, avec perdrix et faisans accrochés aux tuyaux et, en guise de pédalier, cette inscription en lettres capitales : « I am myself alone. » Toujours aujourd’hui, on décrit volontiers l’organiste, qui plus est d’église, comme un grand solitaire un peu rustre. Parfois claviériste frustré, reconverti en rat de bibliothèque. Souvent bon compositeur mais rarement de bonne composition.
« Une image répandue jusque dans les années 1970, où il arrivait que l’on se transmette la charge de père en fils, et où l’organiste restait enfermé à sa tribune, concède Philippe Lefebvre, cotitulaire des grandes orgues de Notre-Dame de Paris et président de l’association Orgues en France. Mais les temps ont changé. « Ayant pris le relais des églises moins fréquentées par les jeunes, les écoles de musique et les conservatoires suscitent de nouvelles vocations. Et forment une génération d’organistes de plus en plus enclins à s’ouvrir à d’autres pratiques et d’autres répertoires », poursuit-il.
Plus de 500 manifestations
C’est pour casser cette image qui n’a plus cours que Philippe Lefebvre et son association ont lancé en 2012 le Jour de l’orgue, dont la 3e édition aura lieu ce week-end, les 10 et 11 mai. Plus de 500 manifestations dans toute la France, de la plus grande ville au village le plus reculé, pour fédérer l’attention du public. « Dans l’esprit de ce qui se fait pour les Journées du patrimoine, nous voulions mettre en avant la richesse organistique française. On compte dans notre pays 12 000 orgues dont 1 200 classés », indique-t-il. Lors de ces manifestations, l’objectif est double : « Attirer l’attention sur ce patrimoine, en rappelant qu’un plan de sauvegarde serait le bienvenu : un certain nombre d’instruments sont en danger… Y compris dans des cathédrales d’État telles qu’Arras ou Grenoble, où les orgues sont muets ! » Mais aussi et surtout montrer qu’avant d’être un élément de patrimoine religieux - et un outil liturgique - « l’orgue est un instrument aux possibilités sonores infinies, d’une facture architecturée de très grande beauté mais qui doit rester au service du spectacle vivant ». Pour ce faire, l’association organise aussi des manifestations à longueur d’année : concerts-lectures, spectacles chorégraphiés (comme ce week-end à Saintes), projection de films muets dans les églises accompagnés à l’orgue (ce devrait être le cas prochainement à la cathédrale de Luçon).
Des initiatives qui tendent à se multiplier. Y compris dans des endroits inconnus. Illustration à Luxeuil-les-Bains. Cette petite commune de 7 000 habitants, perdue dans le nord de la Franche-Comté au cœur d’un pay¬sage bucolique, offre depuis six ans, chaque lundi de Pâques, un spectacle hallucinant. Dès 6 h 30 du matin, 200 passionnés se donnent rendez-vous dans la basilique Saint-Pierre encore endormie pour… une journée entière de musique d’orgue et de chant grégorien !
La « Nef des fous »
Organisée autour de sept concerts, dont certains sont chorégraphiés, et dont le premier démarre à l’aube, le dernier s’achevant à la nuit tombée, « 15 h non stop » rassemblera au fil de la journée jusqu’à 800 spectateurs. À l’origine de cette véritable « Nef des fous » organistique, un ancien industriel tombé amoureux de l’orgue de la basilique Saint-Pierre de Luxeuil : Bernard Leuvrey. Il est intarissable sur ce qu’il appelle affectueusement « le monstre » : « Avec 44 jeux, dont 4 datent de 1617, 3 137 tuyaux et une partie instrumentale classée monument historique à 69 %, c’est non seulement le plus vieil orgue de Franche-Comté, mais c’est aussi l’un des plus beaux buffets sculptés de tout le pays, puisque celui-ci démarre à même le sol pour s’achever à la voûte ! » Un trésor inestimable, mais qu’il n’est pas facile de faire vivre au quotidien dans une ville de la taille de Luxeuil. C’est pour sortir des offices du dimanche qu’il a fondé l’association et l’événement « 15 h non stop », avec le soutien du célèbre organiste Pierre Pincemaille (titulaire des grandes orgues de la basilique de Saint-Denis), qui a bien voulu prêter son nom à un concours d’improvisation organisé tous les deux ans lors de la manifestation.*
Et Leuvrey ne compte pas s’arrêter là. « Il y a peut-être en France 2 000 orgues qui crèvent, s’insurge-t-il. C’est inimaginable. Avec l’association, nous voudrions mener une vraie cam¬pagne pour sauver d’autres instruments de la région. » Une croisade dont il ne dira pas plus pour le moment, mais pour laquelle il s’annonce déterminé : « Vous trouvez que je suis fou ? Je crois que je le suis. Mais quel amateur d’orgue ne le serait face à de tels instruments ? » ■
Jour de l’orgue, les 10 et 11 mai. Tout le programme sur www.orgue-en-france.org
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