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06/02/2014

Critère démographique, un alibi pour effacer l'histoire de France ?

La France "rurale" désespère, la vision "crypto-administrative du découpage des cantons est "irréaliste" !

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A défaut de supprimer les départements, la Gauche innove : 2 conseillers départementaux, un homme et une femme pour un poste, une réduction du nombre des cantons, donc un redécoupage sur critères démographiques ! Tout doit être bouclé avant le début de l'année 2015, année d'élection cantonale, y compris le contentieux devant le Conseil d'Etat...

Les marmites départementales chauffent à gros bouillon et contestent le nouveau découpage ! Le consensus, cher à la Gauche, n'est pas de la partie, même en Corrèze...

La France des départements est-elle soluble dans un calcul mathématique ?


La guerre des cantons ne fait que commencer
Le Monde du 6 février 2014
Patrick Roger

C'est la fin d'une époque, d'une topographie de la France « du seigle et de la châtaigne » héritée de la Constitution du 5 fructidor an III. Depuis 1801, date à laquelle ont été tracées les limites des cantons, aucun remodelage général n'a été effectué, même si des aménagements ponctuels ont été apportés.


Alors, quand, d'un coup, c'est toute la carte des cantons qui est redessinée, leur nombre pratiquement divisé par deux, en tenant compte des évolutions démographiques, le tonnerre gronde dans les assemblées départementales. Quand, en sus, dans ces mâles assemblées où seul un conseiller sur sept est une femme, il va falloir céder à ces dernières la moitié des sièges, ce n'est plus le tonnerre, c'est la révolution. Le sens du sacrifice a des limites, les résistances sont infinies.

Après la promulgation de la loi du 17 mai 2013 qui a instauré un scrutin binominal paritaire – chaque canton élit désormais deux conseillers, un homme et une femme – pour les élections départementales arrive le temps du redécoupage puisque ce mode de scrutin inédit s'est doublé du passage de 3 971 à 2 068 cantons pour les départements concernés. Aux manettes, le ministère de l'intérieur, auquel l'opposition a d'ores et déjà décerné les « ciseaux d'or du tripatouillage ». L'homme de l'ombre, le « découpeur en chef », c'est Yves Colmou, le conseiller politique de Manuel Valls. Discrètement, depuis des semaines, des mois, il consulte, reçoit les élus de droite comme de gauche qui viennent plaider leur cause, défendre leur territoire, éviter tant bien que mal d'être sacrifiés sur l'autel du rééquilibrage démographique.

« À CÔTÉ, CHARLES PASQUA, C'EST UN ENFANT DE CHOEUR »
Inévitablement, dans une opération de cette ampleur, les soupçons de charcutage électoral à des fins politiques sont légion. Dans leur actuelle configuration, la gauche préside, depuis 2011, 58 départements contre 42 pour la droite (hors Paris). La diminution du nombre de cantons va considérablement renforcer le poids des zones urbaines par rapport aux zones rurales. Les élus des départements les plus ruraux s'insurgent. François Sauvadet, président (UDI) de la Côte-d'Or, a pris la tête de cette croisade contre le « sacrifice de la ruralité ». Le site Touche pas à mon canton et à nos campagnes répertorie méticuleusement les mouvements des forces rebelles qui se dressent pour faire barrage au « plus grand tripatouillage de l'histoire de la Ve République », selon M. Sauvadet. « Franchement, à côté, Charles Pasqua, c'est un enfant de choeur », s'offusque-t-il.

Le ministère de l'intérieur, lui, s'abrite derrière les stricts critères démographiques dont le Conseil constitutionnel a fait jurisprudence : dans un même département, la population d'un canton ne peut s'écarter de plus ou moins 20 % de la moyenne départementale. Fini les écarts de 1 à 47 comme dans l'Hérault. Terminé cette géographie figée ignorant les évolutions démographiques qui avait abouti à ce que, dans plus de la moitié des départements, les écarts de population soient supérieurs à dix.
Fin 2013, le ministère de l'intérieur a adressé aux 98 départements concernés par la réforme (Guyane, Martinique et Paris en sont exclus) les projets de redécoupage pour avis. A ce jour, 94 d'entre eux se sont déjà prononcés : la majorité d'entre eux a émis un avis négatif. Pas moins de 54 départements ont rejeté le projet de découpage qui leur était soumis : tous les départements où la droite est majoritaire – à l'exception de la Haute-Loire –, mais aussi plusieurs départements de gauche, dont – ce n'est pas le moins symbolique – la Corrèze. Ou encore la Nièvre.

« Ce n'est pas une surprise, relativise M. Colmou. On savait bien que la réforme ne serait pas facile à faire passer. Les conseillers généraux hommes ont du mal à passer à la parité. Et puis, parfois, il y a des raisons politiques. » Dans plusieurs départements de gauche, les dissensions internes à la majorité ont conduit au rejet, soit parce que le PCF s'est dissocié, comme dans l'Aisne, l'Eure ou la Seine-Saint-Denis, soit en raison des divisions entre le PS et le PRG, comme dans le Tarn-et-Garonne ou les Hautes-Pyrénées. Au total, 13 départements de gauche ont voté contre le projet de redécoupage. L'Allier, les Bouches-du-Rhône, le Rhône et la Seine-Maritime doivent encore se prononcer.

« UNE AVALANCHE DE RECOURS »
Pour l'opposition, cette majorité de rejets sonne comme « un désaveu des territoires ». M. Sauvadet n'en démord pas. « Les cantons ont été redécoupés à des fins uniquement électoralistes, estime le député de la Côte-d'Or, qui s'apprête à publier un « livre noir ». Tout cela s'est fait sans concertation. C'est la première fois qu'on redessine l'ensemble du territoire. A tout le moins, on aurait attendu qu'il y ait un dialogue républicain. On voit bien l'objectif. Si c'est ça la République vertueuse… »

M. Colmou s'en défend. Au fur et à mesure que remontaient les avis des conseils généraux, les projets de décret ont été transmis au Conseil d'Etat, qui doit les valider. Selon le conseiller de M. Valls, 65 décrets ont déjà été approuvés, parfois avec des modifications. « Il arrive que le Conseil d'Etat corrige les découpages, mais en étant toujours plus rigoureux sur l'application de la règle. La ligne du ministre est de toujours suivre l'avis du Conseil d'Etat », explique-t-il.

L'examen de l'ensemble des décrets devra être terminé fin février. Ils seront publiés début mars au Journal officiel. Débutera alors la phase des recours contentieux, « une avalanche de recours ».

« Le Conseil d'Etat devra étudier toutes les anomalies territoriales dont il va être saisi, prévient Eric Doligé, président (UMP) du conseil général du Loiret. Nous avons des arguments. Le fait que le Conseil d'Etat ait validé les premières cartes ne préjuge pas des délibérations finales. La bataille ne fait que commencer. » Le sénateur lance un avertissement : « Le gouvernement vient de reculer sur la famille, il va peut-être devoir reculer sur la carte des cantons. » Les élections sont prévues au printemps 2015.

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