Les Secrets de Saint Pierre

Diesel, toute la mesure du danger reste à préciser
Les Echos du 4 mars 2013

Joel Cossardeaux
L'évaluation du risque sanitaire lié au diesel demeure terriblement imprécise.


Combien de victimes ?
Selon les calculs établis par l'Organisation mondiale pour la Santé (OMS), 42.000 décès anticipés par an sont imputables aux particules très fines dites PM 2,5 (d'une taille inférieure à 2,5 microns). Mais ce chiffre est pour le moins daté. Il part en effet des données collectées pour le programme CAFE (« Clean air for europe ») lancé en 2001 par Bruxelles. Ce programme a servi de base de références à la directive européenne de 2008 sur la qualité de l'air qui fixe les normes d'émission à respecter.
Ces particules très fines ont plusieurs sources, celles qui sortent des véhicules roulant au diesel, mais aussi celles émises par l'industrie, le chauffage, notamment au bois, les poussières liées à l'usure des routes, etc. Aucune étude n'a encore permis d'établir clairement la part d'émission qui revient à chacune de ces sources. Une enquête menée en 2007 par le réseau Airparif a chiffré celle du diesel à 7 à 8 % sur la région parisienne. Ce taux est très variable. Il avoisine les 50 % à proximité des axes lourds.
Une étude de l'Institut de veille sanitaire (InVS) a récemment confirmé la dangerosité du diesel. Elle chiffre à 2.900 le nombre de morts dues aux PM 2,5 à la seule échelle de neuf grandes métropoles françaises. De son côté, l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) parle 350.000 décès prématurés. Un nouveau programme de collecte de données, a été lancé en vue de la révision de la directive européenne de 2008 qui doit intervenir cette année. Il devrait permettre de cerner plus précisément la place du diesel.
Quelle dangerosité ?
Depuis juin dernier, les gaz des diesels sont considérés comme des « cancérogènes certains pour l'homme » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Les particules très fines pénètrent dans les poumons à la différence des particules fines (les PM10 d'une taille de 10 microns au maximum) qui peuvent quand même poser de grosses difficultés respiratoires. Les premiers soupçons exprimés par cet organisme dépendant de l'OMS remontent à 1988. « II est difficile de dire que les émissions de diesel sont les plus dangereuses », pondère Agnès Lefranc, directrice adjointe du département santé-environnement de l'InVS. « Plusieurs études mettent en évidence les effets nocifs produits par le mélange d'autres particules très fines ».
Quoiqu'il en soit, les experts en toxicologie font tous un lien entre les épisodes de pollution aux particules et l'accélération des décès. « Dans les deux ou trois jours qui suivent un pic, on assiste systématiquement à une recrudescence des hospitalisations et des morts à la suite de défaillances cardiovasculaires», ajoute Agrès Lefranc. La vie est plus courte pour les populations vivant dans les zones exposées aux particules fines, du fait d'un nombre de cancers de poumons plus important qu'ailleurs. En Ile-de-France, où 3 millions de personnes sont concernées, la perte d'espérance de vie est de six mois, selon Airparif.
Les filtres pour les diesels sont-ils un remède ?
Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, estime clairement que oui, mais Delphine Batho, son homologue à l'Ecologie, est beaucoup plus réservée. « En fait, cela dépend de beaucoup de facteurs, notamment de la technologie et de la durée de trajets qui joue sur la température du moteur », indique un expert. Certains de ces filtres qui équipent les véhicules neufs depuis janvier 2011 peuvent, paradoxalement, se révéler nuisibles en émettant des oxydes d'azote, dont les particules, inférieures ou égales à un micron, sont très nocives.
En juin dernier, le CIRC, pourtant très critique, s'était gardée d'enterrer le diesel. « Il est clairement important de considérer les évolutions qu'a connues la technologie Diesel en particulier dans le domaine de la dépollution avec, par exemple, l'introduction du filtre à particules », indiquait son étude.