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14/11/2016

TRUMP, un nouveau virage dans l'économie mondiale...

Donald Trump.jpgLe prix Nobel 2016, la querelle sur les inégalités, moteur de progrès (Tirole), l'utilisation à outrance des mathématiques dans l'économie, les "transactions", comme moteur de progrès...

 

Voici un ensemble de questions (très américaines aujourd'hui), qui risquent d'être remises en cause par la "nouvelle" politique économique mondiale des Etats Unis !

La théorie "efficace" de l'échange (17ème siècle) serait donc une mauvaise chose pour la première économie du monde... le système "Apple", sans usine, avec une conception américaine serait remplacé par le système "Tesla", très automatisé, intégrant conception et fabrication sur le territoire local !

On peut imaginer les conséquences révolutionnaires sur le transport maritime, le commerce international et l'économie chinoise, devenue l'usine du Monde ! et par conséquent le déplacement, en peu de temps, de la main d'œuvre correspondante...

La politique "gaz de schiste" d'Obama est déjà responsable de la faillite de groupe des économies "moyen orientales", en jouant indirectement sur le prix d'offre et les quantités offertes. C'est certainement la tentative la plus aboutie d'une politique de changement mondial des alliances, tendant à faire baisser la pression du chaudron au Moyen Orient !

En relocalisant les activités aux Etats Unis, tout l'édifice du commerce mondial risque de s'effondrer, créant indirectement un "séisme monétaire" de grande ampleur et plaçant la première économie mondiale en position forte de négociation de la valeur du Dollar !

Les premières conséquences pourraient augmenter les flux migratoires (des pays limitrophes), ce qui est contraire à la "doxa" exprimée par le nouveau Président !

L'équilibre (?) subtil de l'économie mondiale devient aujourd'hui très incertain !

 


De la pauvreté au bien-être, la leçon d'Angus Deaton

Les Echos du 23 septembre 2016

Julien Damon, Professeur associé à Sciences po

 Riches et pauvres chez Angus Deaton.jpg

De la pauvreté au bien-être, la leçon d'Angus Deaton

Oui des inégalités subsistent. Mais, d'une façon générale, le monde ne s'est jamais aussi bien porté. En témoignent ces millions d'humains sortis de la misère.

Le prix Nobel Angus Deaton propose ici un grand livre d'économie. Une fresque sur l'origine des inégalités et le combat infini de l'être humain pour sortir de la pauvreté. Profondeur historique et emploi méticuleux de la donnée sont omniprésents dans cet ouvrage. La critique aussi, notamment celle qu'il adresse à nos systèmes d'aide au développement.

Angus Deaton l'écrit sans modestie inutile : il veut « conter l'histoire du bien-être humain ». Il tire le titre de son ouvrage du film « La Grande Evasion ». Steve McQueen et ses comparses s'y échappaient d'un stalag. Pour Deaton, le monde ne s'est jamais aussi bien porté, délesté des centaines de millions de personnes qui ont échappé à la pauvreté et à la faim. Mais, comme dans le film, certains n'arrivent pas à s'extraire de leurs difficultés. D'autres sont rattrapés. En un mot, si tout va globalement mieux, tout n'est pas rose. Loin de là.

L'humanité connaît sa « grande évasion », avec ses gagnants et ses perdants, ceux qui sont encore prisonniers de la pauvreté et de la mauvaise santé. De 1981 à 2008, alors que la population des pays pauvres augmentait de 2 milliards d'individus, 750 millions de personnes sont sorties de la pauvreté extrême. Alors que 40 % de la population mondiale vivaient avec une équivalence de moins de 1 dollar par jour, ce taux est passé à 14 %. Les deux géants démographiques indien et chinois, devenus des géants économiques, comptent pour une large part dans cette « évasion ». L'Afrique sub-saharienne reste à l'écart de ces progrès spectaculaires. Environ 1 milliard de laissés-pour-compte sont loin de l'évasion.

Sans critique béni-oui-oui à l'encontre du PIB, Deaton analyse diverses dimensions du bien-être. Il insiste sur le niveau de vie matériel et la santé, deux composantes principales du progrès humain. Il s'intéresse aux entrelacs du progrès et de l'inégalité. Les inégalités, comme la Force dans « La Guerre des étoiles », ont un côté obscur lorsqu'elles asphyxient le progrès, généralement par accaparation d'une élite prédatrice. Elles ont leur côté positif lorsqu'elles encouragent le progrès.

Une aide détournée dans des systèmes corrompus

Deaton, qui a contribué à l'élaboration des seuils de pauvreté à l'échelle mondiale (une « idée cosmopolite »), rend compte des dynamiques à l'oeuvre et des méthodes suivies pour mesurer ces évolutions. Allant de la révolution néolithique à la révolution numérique, il synthétise les avancées médicales comme les redoutables débats sur la qualité des seuils de pauvreté (qui, dans son esprit, doivent être relatifs).

Notre prix Nobel ne nourrit pas une admiration démesurée sur la façon dont les nations développées aident les pays démunis face à la pauvreté, 134 milliards de dollars d'aide des pays riches, en 2011, représentent un peu moins de 1 dollar par jour en pouvoir d'achat pour les pauvres des pays pauvres. Sur le papier, le flux d'aide serait suffisant s'il était versé directement aux intéressés, pour les sortir statistiquement de la pauvreté. Or ce n'est pas le cas et cela ne saurait l'être. La lutte contre la pauvreté ne relève pas de la plomberie. L'aide est souvent détournée dans des systèmes corrompus qui en vivent totalement (l'aide extérieure représenterait le quart des dépenses gouvernementales au Kenya, la moitié en Zambie). Selon Deaton, qui se montre par ailleurs réservé sur la généralisation des expérimentations contrôlées, l'aide financière peut saper ce qui est essentiel : des institutions efficaces. L'aide médicale, elle, passe par les canaux du savoir. « La meilleure façon d'aider les pauvres de la planète est de ne plus leur apporter une aide massive », écrit Deaton, nourrissant des polémiques ouvertes avec Oxfam ou Bill Gates.

La connaissance et ses bienfaits

Il déclare faire confiance, non pas aveuglément à la croissance, mais raisonnablement dans la science et les institutions. Plus que le revenu, ce sont les connaissances qui améliorent le bien-être. Avec des courbes accessibles, un recours agréable aux anecdotes et aux métaphores, mais aussi une certaine propension à la flèche critique contre d'autres économistes, cet expert des parités de pouvoir d'achat (PPA) insiste sur l'impérieuse nécessité, la faible disponibilité et la fiabilité discutable des données. L'ouvrage contient une mine d'observations, sur les effets néfastes du tabac, les liaisons entre taille et richesse des individus, le « vieillissement de la mort » (quand les enfants meurent moins que les personnes âgées), les inégalités qui se nichent dans tous les recoins de l'existence et des politiques publiques, la situation générale des Etats-Unis avec pouvoir syndical déclinant et pouvoir montant des personnes âgées. Il en ressort un ouvrage empreint de considérations philosophiques sur ce qui fait qu'une vie vaut d'être vécue. Le résultat, en tout cas, c'est un livre qui vaut très largement d'être lu.

 

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/livres/0211309106651-de-la-pauvrete-au-bien-etre-la-lecon-dangus-deaton-2029529.php?SCIFp2e1xkyoDR5w.99#xtor=EPR-3038-%5Bnl_ideesdebats%5D-20160925-%5BProv_%5D-892631%402

 

Le recul de la pauvreté mondiale menacé par les inégalités

Le Monde du 3 octobre 2016

 Los Angeles, sans-abris.jpg

 

Sans-abri à Los Angeles, en Californie, le 9 février 2016. FREDERIC J. BROWN / AFP

L’extrême pauvreté a reculé sur le globe, mais son éradication est bloquée par l’aggravation des inégalités économiques, affirme un rapport de la Banque mondiale (BM) publié dimanche. Ainsi, 767 millions de personnes vivaient encore avec moins de 1,90 dollar par jour en 2013, dont quasi la moitié en Afrique subsaharienne, selon les données les plus récentes dévoilées dans ce rapport. Sur un an, ce chiffre révèle un recul de 12 % de l’extrême pauvreté sur le globe qui a profité à plus d’une centaine de millions de personnes en dépit du ralentissement de la croissance, se réjouit la Banque. « L’extrême pauvreté continue de refluer dans le monde malgré une économie mondiale léthargique », est-il écrit dans le rapport publié avant l’assemblée annuelle Fonds monétaire international-Banque mondiale à Washington. Le déclin est encore plus marqué sur le long terme. Les populations les plus défavorisées ont ainsi vu leur nombre fondre de plus de moitié par rapport aux près de deux milliards recensés en 1990.

« Le nombre de personnes privées d’un revenu décent reste néanmoins bien trop important », estime le président de la BM, Jim Yong Kim, cité dans un communiqué. La Banque mondiale, qui ambitionne d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici à 2030, prévient que cet objectif ne sera pas atteint sans s’attaquer aux inégalités économiques. « Le message est clair : nous n’y parviendrons qu’en faisant en sorte que la croissance profite aux plus pauvres. Et, pour cela, il faut absolument s’atteler aux fortes inégalités, surtout dans les pays qui concentrent un grand nombre de pauvres », a détaillé M. Kim. Entre 2008 et 2013, les revenus des 60 % les plus riches ont ainsi augmenté plus vite que ceux des 40 % les plus pauvres dans près de la moitié des 84 pays couverts par le rapport. Afin de réduire ces inégalités, la BM appelle notamment les pays les plus touchés à investir dans la petite enfance, à garantir une couverture médicale universelle ou à mettre en œuvre des paiements en liquide aux plus démunis. « Certaines de ces mesures peuvent avoir un impact rapide sur les inégalités de revenus. D’autres porteront leurs fruits plus graduellement. Aucune n’est une recette miracle », rappelle M. Kim.

 

Quand deux économistes pointent les nouvelles inégalités

Le Figaro du 12 septembre 2016

Cécile Crouzel

 Pierre-Noel Giraud et Philippe Frocrain.jpg

La mondialisation met bas les anciennes grilles d’analyse. Dans une étude publiée par le think-tank La Fabrique de l’industrie, Pierre-Noël Giraud, professeur d’économie à Mines Paris Tech et à Dauphine, et Philipe Frocrain, doctorant en économie, soulignent que « l’imbrication de l’industrie manufacturière et de services marchands est devenue si forte qu’elle rend de moins en moins pertinente la distinction traditionnelle » entre les deux. La ligne de partage passe désormais entre les secteurs exposés à la concurrence mondiale, qui représentent 27 % de l’emploi en France, et ceux qui en sont abrités.

Si l’industrie appartient à la première catégorie, c’est également le cas de nombreux services (informatique, sièges sociaux, centres d’appels, conseil, etc.) et du tourisme - les clients pouvant choisir les destinations. En France, plus d’un emploi exposé sur deux se trouve dans le tertiaire.

Cette nouvelle donne pose des problèmes d’inégalités, souligne l’étude. Les salaires dans le secteur exposé à la concurrence internationale sont de 25 % supérieurs à ceux des secteurs abrités, bien que le niveau de qualification y soit équivalent. En effet, les secteurs publics et associatifs, peu rémunérateurs, appartiennent au secteur abrité et, par ailleurs, la concurrence mondiale étant un stimulant puissant, « la productivité de la main-d’œuvre est supérieure chez les exposés ».

Pour maintenir leur compétitivité, l’industrie et les services exposés à la concurrence mondiale ont besoin que les prix du secteur abrité n’augmentent pas trop. Car ils lui achètent des prestations. Reste que contenir les prix en comprimant les salaires dans les services à la personne, le gardiennage d’entreprises, le petit commerce, les associations ou administrations ne ferait qu’accroître les inégalités. Bref, les politiques se retrouvent face à un dilemme, entre compétitivité et justice sociale. Les deux auteurs proposent d’en sortir par le haut, en stimulant la productivité des métiers des secteurs abrités.

Métropoles gagnantes

L’autre problème vient du creusement des inégalités entre territoires. Plutôt bien rémunérés, les emplois industriels étaient répartis dans de nombreuses régions. Mais ils sont en forte baisse. Les emplois bien payés qui relèvent des services exposés se concentrent, eux, sur 58 des 304 zones d’emploi françaises : les grandes métropoles, la façade méditerranéenne et les zones touristiques. La France se retrouve donc avec une masse de territoires vivant des secteurs abrités où les salaires sont moindres et quelques zones dynamiques, concentrant les hauts revenus.

Malgré ces écueils, les deux auteurs estiment que l’Hexagone a intérêt à développer les secteurs exposés à la concurrence internationale. Parce qu’ils sont plus productifs et rémunérateurs, mais aussi parce que la création de 100 emplois exposés dans une zone en crée 64 dans les secteurs abrités. Les cadres de sièges sociaux par exemple ont de nombreux loisirs, souhaitent une nourriture de qualité… Problème : du fait de la crise industrielle, l’emploi exposé a diminué en France, passant de 7,5 millions de personnes en 1999 à 7,3 millions en 2013. D’où l’urgence de mener une politique de compétitivité, tout en traitant les questions d’inégalités.

Pierre-Noël Giraud et Philipe Frocrain les emplois exposés et abrités en france Les synthèses de La Fabrique (www.la-fabrique.fr)

 

Nobel d’économie, Oliver Hart et Bengt Holmström, deux économistes au plus près de l’entreprise

LE MONDE ECONOMIE du 10 octobre 2016

Antoine Reverchon

Bengt Holmström, Nobel économiste 2016.jpg

Le « prix d’économie de la Banque de Suède en hommage à Alfred Nobel » remis au Finlandais Bengt Holmström et à l’Américano-Britannique Oliver Hart récompense leurs travaux théoriques sur le fonctionnement de l’entreprise, considérée comme un ensemble de contrats, implicites ou explicites, entre les parties prenantes (employeur et employé, donneur d’ordre et sous-traitant, collaborateur et manager, actionnaire et dirigeant, etc.).

Le prix Nobel d’économie décerné à Oliver Hart et Bengt Holmström

L’essentiel de ces travaux date de la fin des années 1970 et des années 1980, mais, « quoique inconnus du grand public, ils ont ouvert la voie à quarante années de recherche en microéconomie », estime Thomas-Olivier Leautier, chercheur à l’Ecole d’économie de Toulouse, dont l’un des directeurs de thèse était M. Holmström. Ce dernier a ainsi cosigné plusieurs articles avec Jean Tirole et a été l’un des rares invités d’honneur du Français lors de la remise de son propre prix Nobel à Stockholm, en 2014.

Tous deux sont partis de la mise en évidence, par les économistes américains Robert Akerlof et Joseph Stiglitz dans les années 1970, de l’asymétrie de l’information dont disposent les acteurs de l’économie dans leurs transactions. Une mise en évidence qui a mis fin au dogme de l’information « parfaite » décrite jusqu’alors par la théorie.

Un réseau de transactions

Ce constat étant également valable à l’échelle de l’entreprise, celle-ci peut être considérée comme un réseau de transactions, de « contrats » tenant compte de cette asymétrie, et non pas comme le résultat d’un « équilibre optimal » entre ces parties, explique Philippe Askenazy, de l’Ecole d’économie de Paris. Par exemple, un employeur, lorsqu’il recrute un employé, ne sait pas quels efforts celui-ci fournira pour assurer la tâche qu’il lui confie, tout comme l’employé ne sait pas quels moyens l’employeur mettra réellement à sa disposition. De même, ni l’un ni l’autre ne peuvent prévoir les événements exogènes à leur relation mais susceptibles de l’impacter, comme une maladie (de l’employé) ou les difficultés économiques (de l’entreprise).

Les « contrats » reflètent ces incertitudes que les deux économistes ont, chacun de leur côté, cherché à modéliser. Leurs travaux ont ainsi des implications concrètes en matière de gestion des ressources humaines, et plus généralement de gestion économique et financière, dans la mesure où leurs modèles peuvent aussi s’appliquer aux multiples transactions de l’entreprise (avec le régulateur, l’autorité publique, les banquiers, les assureurs, les investisseurs, les fournisseurs, etc.).

  1. Holmström a ainsi travaillé sur les rémunérations des dirigeants d’entreprise par les actionnaires ; M. Hart sur les partenariats public-privé, modélisant les situations dans lesquelles, par exemple, il est plus efficace pour la collectivité publique d’avoir deux opérateurs différents pour construire puis gérer un hôpital ou une prison, ou au contraire d’avoir un seul et même opérateur.

Incitations réciproques

« Ces travaux ont fourni des outils permettant d’inciter les entreprises à révéler leur véritable capacité productive et de limiter ainsi l’asymétrie d’information entre privé et public, et donc de parvenir à un contrat optimum pour les deux parties », précise Philippe Gagnepain, professeur à Paris-I et membre de l’Ecole d’économie de Paris.

 

 

Pour Bengt Holmström, né en 1949 et professeur au Massachusetts Institute of Technology depuis 1994, un contrat contient donc par nature des incitations réciproques des deux parties destinées à limiter l’incertitude qu’elles font peser l’une sur l’autre. Il montre par exemple que, pour s’assurer que l’employé réalisera bien les efforts nécessaires, l’employeur utilise soit une augmentation de salaire soit une promotion, mais que les effets en seront différents en fonction des circonstances. Il s’inspire de la théorie des jeux pour s’efforcer à modéliser le « contrat optimum » en montrant que, si celui-ci peut améliorer, grâce aux incitations, les comportements des acteurs, il ne peut cependant envisager tous les facteurs exogènes.

Le rôle de la confiance

Oliver Hart, né en 1948 et professeur à Harvard, s’est efforcé quant à lui de modéliser les « contrats incomplets ». Dépassant la conception classique de l’entreprise, qui y voit, avec l’économiste Ronald Coase, un nœud de coûts de transaction générant l’équilibre entre les parties, Oliver Hart y voit l’institution qui permet de « faire tenir ensemble » les parties alors que tous les éléments et événements de leurs relations ne peuvent être connus d’avance et envisagés. Il soulignera ainsi le rôle de la confiance, de l’autorité d’un acteur sur l’autre ou de la présence éventuelle d’un tiers influent sur la nature du contrat. Il s’efforce de modéliser les formes de contrats les plus « robustes » possibles en admettant l’impossibilité d’y intégrer l’immense champ des possibles.

 

Pour l’un comme pour l’autre, les contrats reflètent le monde tel qu’il est et non tel que la théorie économique voudrait qu’il soit. Certes, ils proposent tous deux, en bons théoriciens, des modèles simplificateurs visant à optimiser ces contrats.

« Ils ont écrit des équations extrêmement simples, précises et robustes, mais ils se sont bien gardés de donner des valeurs précises aux variables qu’ils mettaient en évidence », observe Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP. Ces modèles ont donc surtout ouvert la voie à d’innombrables travaux de microéconomie permettant de les croiser avec les données disponibles. « Je teste leurs modèles théoriques dans le domaine des transports publics, pour lesquels on dispose d’immenses bases de données », explique par exemple Philippe Gagnepain.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/10/10/nobel-d-economie-oliver-hart-et-bengt-holmstrom-deux-economistes-au-plus-pres-de-l-entreprise_5011402_3234.html#XxdmY2Br8gM5g8Po.99

 

Economistes au bord de la crise de nerfs

Bernard Russell, John Maynard Keynes et Lytton Strachey, 1917.jpg

Economistes au bord de la crise de nerfs

LE MONDE ECONOMIE du 9 octobre 2016

Antoine Reverchon

 

Il n’est pas de bonne science sans controverse. Mais l’économie est-elle une science ? Le livre de Pierre Cahuc et André Zylberberg (Le Négationnisme économique. Et comment s’en débarrasser, Flammarion, 240 pages, 18 euros) a relancé le débat en défendant l’idée d’une science « objective », autour de résultats incontestables, parce que issue des méthodes expérimentales qui prévalent en médecine ou en biologie.

Une charge contre ceux qui pensent le contraire et se qualifient eux-mêmes d’« hétérodoxes » mais qui cache un autre clivage, moins scientifique celui-là, le politique. Depuis les débuts de la discipline, au tournant du XIXe siècle, l’économiste, engagé dans la vie de la cité, conseille les puissants.

Une infinité d’approches

C’est pourquoi, entre ceux qui prônent le tout-marché (à droite) et ceux qui rêvent du tout-Etat (à gauche), entre les théoriciens purs et les adeptes de la donnée brute, le paysage intellectuel français révèle une infinité d’approches qui illustre le foisonnement exceptionnel de l’économie française et sa bonne santé intellectuelle, comme l’a montré le prix Nobel accordé, en 2014, à Jean Tirole.

A la veille de la campagne pour l’élection présidentielle,revue de détail de la galaxie française.

Celle-ci est d’abord le résultat d’un « big bang », l’explosion du paradigme de « l’équilibre général », la théorie économique de Léon Walras (1834-1910) qui posait les dogmes de « l’efficience des marchés », où acheteurs et vendeurs aboutissent de façon rationnelle à un « prix d’équilibre » grâce à l’« information parfaite » dont ils disposent. Trop simple.

Daniel Cohen : « Un nouveau Keynes ne serait pas de trop"

Dans le sillage de John Maynard Keynes (1883-1946), nombre d’économistes ont mis en pièces ces principes pour mettre en évidence les phénomènes de rationalité limitée, d’information asymétrique, de marché incomplet ou de déséquilibres multiples.

« Ce triomphe de l’incomplétude a provoqué la dispersion de la profession, permettant à chacun de partir dans une direction différente », analyse Pierre Dockès, professeur à l’université Lyon-II, qui va publier Le Capitalisme et ses rythmes (Les Classiques Garnier), une monumentale histoire de la pensée et des faits économiques.

Les uns rêvent de retrouver le paradigme perdu. A travers la théorie des jeux, la science des comportements ou du cerveau, ou encore le traitement de millions de données permettant de repérer des enchaînements de causalité, ils tentent de retrouver, à partir de l’irrationalité du monde, les lois de l’équilibre général et de l’efficience des marchés. D’autres tentent de modéliser les imperfections et les déséquilibres pour formuler de nouvelles théories de la dynamique de l’économie.

Une chose les réunit : le maniement des mathématiques

Les uns et les autres cohabitent dans les principaux centres de recherche français, comme l’Ecole d’économie de Paris, l’Ecole normale supérieure, Polytechnique, la Sorbonne, l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Les sensibilités sont différentes, mais une chose les réunit, France oblige : le maniement des mathématiques et le goût de la modélisation.

Ils cohabitent au sein de l’Association française de sciences économiques (AFSE), l’organisation « professionnelle » des enseignants du supérieur dans la discipline, ou de réseaux plus amicaux qu’académiques comme le Cercle des économistes.

L’Ecole d’économie de Paris regroupe aujourd’hui entre soixante et soixante-dix chercheurs. Après son emménagement dans des locaux actuellement en construction, en février 2017, elle devrait en regrouper 150. « Une plate-forme où convergeront toutes les approches, de la plus mathématique à la plus pluridisciplinaire, et toutes les méthodes, de la plus théorique à la plus empirique », affirme Daniel Cohen, vice-président de l’Ecole (et membre du conseil de surveillance du Monde).

 

Parfois, l’unité est plus forte, comme à l’Ecole d’économie de Toulouse qui s’est construite sur un regroupement de disciples autour d’un maître, Jean-Jacques Laffont puis Jean Tirole, et d’une thématique, la modélisation des comportements des agents sur les marchés.

L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), lui, créé en 1981 par Jean-Marcel Jeanneney pour éclairer le pouvoir socialiste néophyte, puis développé par Jean-Paul Fitoussi, est plutôt l’héritier d’une filiation théorique keynésienne.

Le paysage inclut également depuis longtemps une école « critique » née dans les années 1970 autour de brillants mathématiciens sortis de Polytechnique, comme Robert Boyer et Michel Aglietta, passés par l’Ecole nationale de la statistique appliquée à l’économie (Ensae) et néanmoins décidés à emprunter aux autres sciences sociales pour enrichir la compréhension critique de l’économie.

Une économie considérée comme la résultante d’institutions politiques et de structures sociales, selon la tradition marxiste très présente en France depuis l’après-guerre. C’est l’école dite « régulationniste », dont l’héritier, créé en 1967, est le Cepremap, dirigé aujourd’hui par Daniel Cohen et animé par Philippe Askenazy.

Spécificité française

Une autre branche « critique » regroupe des économistes comme Jean-Pierre Dupuy, Olivier Favereau, André Orléan, Robert Salais, dans ce que l’on appelle l’économie des conventions, créée dans les années 1980 en partant de l’analyse de la coopération entre individus.

André Orléan est le fondateur de l’Association française d’économie politique (AFEP), qui se réclame d’une approche « pluraliste » et pluridisciplinaire de l’économie par opposition à ce qu’il dénonce comme le prisme modélisateur et 100 % mathématiques des économistes traditionnels.

Jean-Marc Daniel, professeur à l’Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP) et auteur de Trois Controverses de la pensée économique - travail, dette, capital (Odile Jacob, 174 pages, 18,90 euros), propose une autre généalogie de la diversité des économistes français, qu’il scinde en trois parties.

La première, spécificité française, est « l’économie au pouvoir », celle des experts de la direction du Trésor, de la direction de la prévision, de l’Insee et de la Banque de France. « La production du savoir économique légitime était, dans les années 1950 en France, l’apanage de l’administration publique, là où on faisait “tourner” les modèles », confirme Daniel Cohen.

Les économistes universitaires seraient quant à eux marqués par leur rattachement originel aux facultés de droit : « L’économie est restée pour beaucoup en France une composante de la réflexion générale sur la société. » C’est de cette tradition qu’est née, soutient Jean-Marc Daniel, la participation directe des économistes aux débats politiques à travers les nombreux think tanks qu’ils animent, d’Attac à Génération libre.

La troisième composante est celle des ingénieurs économistes, héritiers de Walras. C’est sous l’égide de Maurice Allais (1911-2010), X-Mines et prix Nobel d’économie en 1988, que des générations d’économistes ont été formées dans les grandes écoles d’ingénieurs françaises grâce au triomphe des mathématiques sur les sciences sociales au sein de la science économique mondiale, américaine en particulier, au début du XXe siècle.

Approches « hétérodoxes » survalorisées

Car un autre élément structure ce paysage. Les pays qui ne sont pas dominants en matière de science économique, affirme Jean-Marc Daniel, survalorisent les approches « hétérodoxes » et « critiques » ; ce fut le cas de l’université française face à la domination anglaise et germanique à la fin du XIXe, et face à la domination américaine à partir de 1945. D’où l’apparition du courant post-marxiste et post-keynésien de la théorie de la régulation dans les années 1960.

« Leur force était d’être des mathématiciens, polytechniciens et normaliens », ce qui leur permettait d’être écoutés par la communauté internationale dans leur volonté de dépasser le marxisme, mais aussi la pensée dominante anglo-saxonne.

Lire aussi :   35 heures : « Pierre Cahuc, Stéphane Carcillo et Francis Kramarz préfèrent le déni et le dénigrement »

C’est sous l’aile protectrice d’économistes comme François Perroux, à l’université, ou Edmond Malinvaud, à l’Insee, que cette approche à la fois mathématique et critique a pu se développer, avec d’un côté, les héritiers des deux Nobel Maurice Allais et Gérard Debreu, comme Roger Guesnerie ou Jean Tirole, et de l’autre, les « régulationnistes » comme Robert Boyer et Michel Aglietta. Car Boyer, Guesnerie et Tirole ont un point commun : ils sont ingénieurs des Ponts, l’école qui produisait alors les économistes les plus prometteurs.

Ces trois milieux vivent en parallèle durant les « trente glorieuses ». Mais l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir (1981-1995), puis son ralliement au « tournant de la rigueur », voit les économistes « ingénieurs » s’approcher du champ de « l’économie au pouvoir » : Jacques Attali (X-Mines, ENA), Serge-Christophe Kolm (X-Ponts, Cepremap), Jean Peyrelevade (X) rallient la haute fonction publique à l’idée d’un choix cohérent : la relance sans l’Europe ou l’Europe avec la rigueur.

« Il n’y a rien à tirer de ces gens-là »

Mitterrand tranchera… pour des raisons essentiellement politiques. A l’issue d’un dîner avec François Perroux et Edmond Malinvaud organisé par Jacques Attali, il aurait déclaré à ce dernier : « Il n’y a décidément rien à tirer de ces gens-là. »

La victoire de la gauche en 1981 permet aux économistes, qu’ils soient « mainstream » ou « critiques », de briser le monopole du savoir économique détenu par la haute fonction publique – dont ils bénéficient d’ailleurs en puisant dans les statistiques de grande qualité cumulées par l’administration – pour produire de la contre-expertise et du débat public.

Les économistes de nouveau à couteaux tirés

Grâce à leur excellence mathématique, ils se font également une place sur la scène internationale en participant à des réseaux européens comme le Center for Economic Policy Research, créé en 1984, ou en séjournant dans les meilleurs départements d’économie des universités américaines : Massachusetts Institute of Technology, Harvard, Berkeley, Stanford, Chicago.

Un domaine échappe néanmoins à cette pluralité, celui de la gestion des carrières, concèdent Pierre Dockès et Daniel Cohen. D’où la querelle de clocher. Les deux institutions majeures sont, d’une part, le jury d’agrégation, d’autre part, la section 5 du Conseil national des universités, qui nomme les professeurs et les maîtres de conférences d’économie. Les membres de la section 5 sont élus par leurs pairs en deux collèges : un pour les professeurs, l’autre pour les maîtres de conférences.

« Mainstream », liste « critique », gauche

La liste qui remporte régulièrement les suffrages du premier collège est dominée, tout comme le jury d’agrégation, par les économistes traditionnels, dits « mainstream » (44 % aux dernières élections), contre la liste « critique » (26 %) et les listes syndicales classées à gauche (13 %). Les résultats s’inversent pour le second collège.

Querelle de chapelles dans l’enseignement de l’économie

L’AFEP avait demandé, en 2014, que soit créée une nouvelle section « Economie et société » afin de rompre cette domination des économistes « mainstream » et d’assurer la promotion d’économistes « critiques » et ouverts aux sciences sociales. Le ministère, d’abord favorable, avait fait volte-face sous la pression du courant dominant, en particulier du Nobel Jean Tirole au nom de l’unicité de la science.

Cet épisode douloureux, mais resté dans l’ombre des querelles institutionnelles, est peut-être l’étincelle qui a mis à nouveau le feu aux poudres jusqu’à déboucher sur le sous-titre vengeur du brûlot de MM. Cahuc et Zylberberg pour évoquer les économistes « hétérodoxes » : « Comment s’en débarrasser ? »

Les économistes ont aussi besoin de concurrence

 

 

 

 

Commentaires

Quelle est la place de l'être humain là dedans?
L'économie doit être à son service, non?

Écrit par : JPD | 15/11/2016

Mais bien sûr ! mais il ne faut pas se tromper dans ses choix !

Écrit par : jeanbart | 15/11/2016

Ce que je vois en lisant tous ces textes, ce sont des constructions théoriques qui donnent l'impression que ce qui compte c'est "Talk, talk, talk" mais que pour l'application pratique ???

Écrit par : JPD | 15/11/2016

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