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23/11/2014

La "danseuse" d'un homme d'affaire en fâcheuse posture...

Universalis dépose son bilan... après de nombreuses encyclopédies !

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L'informatique a profondément changé le monde de l'information encyclopédique, qui était essentiellement produit jusqu'en 2000 sur papier. Les grandes maisons françaises, Larousse et Hachette, ont équipé les familles françaises de séries incontournables, que l'on retrouve aujourd'hui dans les vide-greniers !

Microsoft, pour des raisons de justification culturelle, a produit une encyclopédie sur CD-ROM (une technologie pratiquement éteinte aujourd'hui), Encarta, destinée aux scolaires de 12 à 16 ans (Lycées essentiellement), qui connut un succès remarquable (800.000 exemplaires par an). De 2000 à 2009, 8 équipes nationales, de 50 à 400 rédacteurs, ont fabriqué une encyclopédie pédagogique, un atlas géographique et en France un dictionnaire de Français, toujours utilisé dans le correcteur orthographique de Word ! L'atlas géographique est aussi réutilisé aujourd'hui par le moteur "Bing" ! Le passage vers le Net, sous la pression de Wikipédia, fut négocié trop tard ! L'encyclopédie Encarta de Microsoft sombre donc en 2009 !

Wikipédia, encyclopédie sur le Net, propose un modèle "gratuit", avec une rédaction bénévole... la qualité n'est pas garantie, mais le contenu aujourd'hui est gigantesque, bien au delà des moyens, rémunérés par un système payant. La pérennité "financière" est aujourd'hui en question et l'appel aux dons (10€ seulement !) est devenu permanent !

Universalis est issu d'une encyclopédie d'adultes et d'étudiants, avec un contenu universitaire de haut niveau ! Le marché n'est pas le même, car dans ce monde d'étudiants l'informatique y est d'usage quotidien ! Le passage du papier à l'informatique devient périlleux, face à Wikipédia...

Le marché des Encyclopédies et des dictionnaires se rétrécit donc aux champions d'autrefois !


Universalis en dépôt de bilan
Le Monde du 22 novembre 2014
Denis Cosnard

C’est une faillite très symbolique. Un exemple parfait des difficultés que rencontrent les vieilles entreprises pour s’adapter au nouveau monde numérique. La société Encyclopædia Universalis, qui édite depuis quarante-cinq ans la célèbre encyclopédie, vient de déposer son bilan. Le tribunal de commerce de Nanterre a placé la PME en redressement judiciaire le 30 octobre pour une première période de six mois.

« Il n’est pas question de liquider la société, assure Isabelle Didier, l’administratrice judiciaire. Universalis a une marque forte, une base documentaire de qualité, des clients. Cette procédure peut constituer un bon outil pour réussir la transformation nécessaire. »

Une restructuration semble inéluctable. L’entreprise emploie 45 personnes
Mais peut-être faudra-t-il de nouveaux actionnaires. L’entreprise française et sa maison mère Britannica appartiennent actuellement à Jacqui Safra, un homme d’affaires membre d’une grande famille de banquiers d’origine libanaise. C’est le neveu du milliardaire Edmond Safra, mort en 1999 à Monaco dans un incendie criminel. « Ces dernières années, M. Safra a investi 14 millions d’euros dans Universalis et ses activités européennes, surtout pour apurer les dettes, précise Mme Didier. Est-il prêt à accompagner un plan de développement ? Sinon, je suis certaine que nous trouverons d’autres partenaires. »
D’ici là, une restructuration semble inéluctable. Universalis emploie 45 personnes. « Avant de rebondir, il faut mettre en adéquation l’effectif avec le chiffre d’affaires possible », reconnaît Hervé Rouanet, le directeur général. Cette année, les ventes devraient se limiter à 6 millions d’euros, avec une perte d’environ 400 000 euros.

La concurrence du gratuit
Fondé en 1968 par le Club français du livre et l’Encyclopædia Britannica, la plus réputée des encyclopédies américaines, Universalis a longtemps connu le succès. La recette ? Des articles solides, écrits par des auteurs reconnus, souvent des universitaires. Des éditions peu fréquentes, sept en quarante ans, mais un volume annuel de mise à jour assurant un chiffre d’affaires régulier. Un système commercial à part, assis sur la vente au porte-à-porte et par correspondance.

Une belle mécanique mise à mal par l’essor d’Internet. En particulier de Wikipedia, une encyclopédie en ligne riche, de plus en plus fiable, actualisée en permanence, et surtout gratuite. Face à une telle concurrence, comment justifier les 3 000 euros demandés pour l’ensemble de la collection ? Au début des années 1990, les ventes se mettent à fondre.

En 2004, l’entreprise est secouée par un violent conflit entre ses deux actionnaires, et la justice doit nommer un administrateur provisoire. Britannica, la société de M. Safra, devient finalement seule maître à bord.

En 2012, Universalis se résout à supprimer son édition papier, qui ne s’écoulait plus qu’à quelques milliers d’exemplaires par an. « Sans doute aurait-il fallu anticiper davantage, cela aurait préservé la trésorerie », suggère Mme Didier.

L’entreprise revoit alors sa stratégie en profondeur. Pour le grand public, l’encyclopédie reste disponible sur un site Internet payant, consulté par 10 millions de visiteurs uniques par an, parfois plus, en fonction de la façon dont Google référence ses articles. Universalis exploite aussi son fichier historique de clients pour diffuser des livres d’autres éditeurs, comme le Grand Robert.

« Le secteur ne peut attendre plus longtemps, sous peine de mettre en péril emplois et perspectives de développement »
Mais surtout, Universalis cherche à commercialiser son précieux fonds auprès des collèges et des lycées. Un marché en principe très prometteur. L’« école numérique » fait partie des priorités de François Hollande, et un des 34 plans industriels lancés par le ministre de l’économie, Arnaud Montebourg, avant son départ de Bercy lui est consacré. « De 20 millions d’euros en 2013, les crédits publics pour l’acquisition de ressources numériques par l’éducation nationale devaient monter à 40 millions en 2015, et 200 millions au bout de cinq ans », précise M. Rouanet. En octobre, la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem, promet encore « un investissement sans précédent » en faveur du numérique éducatif.

Mais il y a loin des discours aux réalités. « En pratique, les crédits n’ont pas monté : ils ont au contraire baissé de 40 % cette année, pour tomber à 12 millions d’euros, peste le directeur général d’Universalis. Cela représente seulement 1 euro par élève et par an. » Une situation qui inquiète tous les professionnels. « Le secteur ne peut attendre plus longtemps, sous peine de mettre en péril emplois et perspectives de développement », alerte depuis des mois l’Association française des industriels du numérique dans l’éducation et la formation.

Dans un tel contexte, les sociétés les plus fragiles explosent en vol. « Nous, nous avons choisi d’aller au tribunal pour avoir le temps de nous réorganiser », commente M. Rouanet. Monétiser les contenus éditoriaux est difficile, reconnaît-il. « Mais notre marque garde de la valeur, surtout dans le monde éducatif. Nous allons sortir de cette crise par le haut. »

Un actionnaire acteur et producteur de Woody Allen

Jacob, dit Jacqui, Safra n’est pas un homme d’affaires comme les autres. Propriétaire depuis 1996 de l’Encyclopaedia Britannica et de sa petite sœur française Universalis, cet investisseur domicilié en Suisse détient également un vignoble en Californie et un hôtel de luxe en Irlande, acquis en 2013. Avec sa compagne Jean Doumanian, longtemps une grande amie de Woody Allen, M. Safra a aussi produit une quinzaine de films, dont huit du réalisateur new-yorkais. Il apparaît même dans Radio Days et Stardust Memories, sous le pseudonyme de J.E. Beaucaire.

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