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20/09/2014

Nomenclature binomiale ou version anglaise ?

Brésil et Chine publient leurs découvertes botaniques dans leur langue !

Dénomination des plantes en latin.jpg

La nomenclature botanique de Linné a vécu ! Les apports scientifiques de l'ADN et de l'histoire de l'évolution mettent en cause les structures, imposées au XVIIIème siècle.

L'anglais, autorisé dans la dénomination en botanique à l'égal du "latin", introduit une "universalité" déjà conquise dans d'autres disciplines scientifiques (informatique, astronomie...)... la maîtrise de la langue anglaise devient ainsi un autre élément de "culture" !

"Genre-espèce", un binôme descriptif ancien, ne sera plus exclusivement édité en latin !


Les plantes perdent leur latin
Le Figaro du 18 septembre 2014

Les botanistes peuvent les décrire en anglais, mais la dénomination reste dans la langue morte.
Jean-Luc Nothias


La nomenclature binominale associant genre et espèce a été développée par le Suédois Carl von Linné au XVIIIe siècle. Fotolia

Il n’y a pas que dans les écoles et lycées que le latin est en recul. Cette langue dite morte, mais qui a toujours refusé de disparaître, a perdu une bataille dans le domaine de la botanique : elle n’est plus la langue unique de descriptions des espèces nouvelles. L’anglais est désormais autorisé. Pour autant, le latin résiste encore. Et la botanique a bien d’autres problèmes à résoudre.

« Depuis des décennies, chaque Congrès mondial de botanique (ils ont lieu tous les cinq ans, NDLR ) a vu des propositions pour mettre un terme au monopole du latin. Mais elles avaient toutes été repoussées, raconte le Pr Vincent Demoulin, président de la Société botanique de Liège, jusqu’au dernier congrès, en 2011 à Melbourne. Bien qu’ayant toujours été partisan de l’obligation du latin, j’ai estimé cette année-là qu’il fallait admettre la possibilité d’utiliser également l’anglais pour les descriptions originales. Le risque en effet était grand de voir la porte s’ouvrir à l’utilisation de n’importe quelle langue. » Avec une langue morte, aucun groupe linguistique n’est favorisé.

Ils sont quelques-uns aujourd’hui à avoir profité de la possibilité qui leur est offerte depuis 2013. De nouvelles espèces ont été récemment décrites uniquement en anglais. « Toutefois, un certain nombre de personnes, même des Anglais, assurent qu’ils s’efforceront de fournir à la fois une description en latin en plus de la langue de l’article (souvent l’anglais) », précise le scientifique.

« Il reste difficile de quantifier la proportion de description originale en anglais sur les quelque 2 000 nouvelles espèces recensées chaque année, sans compter les 2 000 reclassements (révisions) supplémentaires d’espèces », estime de son côté Valéry Malécot, botaniste à l’Agrocampus Ouest d’Angers.

D’autant que, pour complexifier les choses, il y a une très forte poussée de pays comme le Brésil ou la Chine. Les botanistes, très actifs dans ces zones encore inexplorées, publient souvent dans leur langue.
« II ne faut pas oublier, insiste Valéry Malécot, que l’usage du latin ne vient pas en droite ligne de Carl Von Linné, le naturaliste suédois du XVIIIe siècle qui a fondé les bases du système moderne de la nomenclature binominale (genre, espèce, comme Ficus carica, le figuier). Jusqu’au Congrès mondial de Vienne, en 1905, les descriptions d’espèces se faisaient au minimum en cinq langues. Ce sont les Russes qui avaient alors fait pencher la balance vers l’exclusivité du latin. »

Seule certitude : la dénomination des espèces et des genres ne va pas changer. « Il n’en a jamais été question, affirme Vincent Demoulin. D’ailleurs, les zoologistes, qui de leur côté autorisent toutes les langues pour les descriptions, n’ont jamais remis en cause la forme latine des noms. »

Ces changements montrent que la botanique reste un domaine scientifique bien vivant, bouillonnant, loin des images d’Épinal du bucolique collectionneur de fleurs. « Pour l’arrivée de l’anglais dans la description première d’une espèce nouvelle, il faudra voir dans dix ans où l’on en est », estime Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle et président de la Société botanique de France (1)

. « Mais peut-être est-ce le signal d’un renouvellement majeur de la botanique. Car au-delà de ces descriptions originales et de la nomenclature, il y a un grand renouvellement dans les méthodes et les règles de classification, s’appuyant sur l’ADN et sur la prise en compte de l’histoire de l’évolution. » Les défis de la botanique du XXIe siècle sont ailleurs, estime pour sa part Marc-André Selosse : « Elle fleurit, si j’ose dire, dans de nombreux secteurs de la société, la pharmacie, les études d’impact menées avant les grands chantiers, les aménagements de sites… »

Outre la définition des espèces protégées, les plantes indiquent les potentialités agricoles ou forestières d’un milieu. Elles permettent aussi l’étude des répercussions déjà visibles des changements climatiques… « La botanique peut apporter des diagnostics et des solutions, par exemple à des pollutions de sols industriels. Elle n’est pas seulement une liste d’espèces, mais aussi celle des fonctions qui s’y rapportent.

Son enseignement devrait d’ailleurs être un peu plus soutenu. Qu’est un cours de botanique lorsque l’on ne peut aller sur le terrain ? s’interroge le chercheur. L’université n’a que de trop faibles moyens. Nous payerons un jour le prix d’un savoir-faire trop peu transmis. »

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