Les Secrets de Saint Pierre

Patrimoine, l'orgue Cavaillé-Coll de Sainte-Anne d'Auray
Télégramme du 15 août 2014
Vincent Varron

L'instrument, classé aux Monuments historiques en 1997, dispose de 41 jeux, trois claviers manuels de 56 notes, et on ne compte plus les tuyaux....

Avant leur concert de musique sacrée et profane, ce soir, Philippe Bataille et André Le Meut sont venus accorder leurs instruments dans la basilique de Sainte-Anne. L'occasion de nous parler du grand orgue classé aux monuments historiques. Rencontre...

Philippe Bataille et André Le Meut emboîtent le pas de Céline Baum-gartner-Belliot, chargée de communication à l'Académie de musique et d'arts sacrés. L'organiste et le joueur de bombarde (le talabarder) disparaissent derrière une porte. Traversent le cloître, montent des escaliers, s'engouffrent dans un couloir sombre, avant de lever les yeux au bout du labyrinthe : un monstre bardé de tuyaux argenté !

« Un des joyaux de la Bretagne »
Au pied de la grande tour, dominant le choeur de la basilique, sommeille tout le mécanisme du grand orgue de Sainte-Anne d'Auray : les sommiers, les soufflets et les deux machines pneumatiques Barker qui permettent de diminuer la résistance des touches... Philippe Bataille joue peut-être sur les instruments de Notre-Dame de Paris ou de Saint Roch, n'empêche que cela lui fait toujours autant d'effet. Ce Cavailllé-Coll, du nom de son fabricant, un des plus grands facteurs d'orgue du XIXe siècle, a été construit dans la capitale, en atelier, avant d'être monté clé en main dans la basilique, en 1879. « C'est un des joyaux de la Bretagne, avec sa facture parisienne, la marque d'un savoir-faire unique », ne tarit pas d'éloges le spécialiste, aussi titulaire du grand orgue historique de Carnac et de la basilique de Tours.

Un son dénaturé
Les deux compères se sont installés pour une ultime répétition. « On est venu prendre nos repaires, nous accorder », explique le sonneur. « Il faut dompter l'acoustique, c'est le plus difficile. Plus il fait chaud, plus le diapason augmente avec le jeu des tuyaux... », ajoute l'organiste. Ces tuyaux, un vrai roman... Ou un cauchemar de musicien. « Au milieu du XXe siècle, le son d'origine n'était plus apprécié, certains tuyaux ont donc été coupés », renseigne André Le Meut. Le grand orgue a en effet subi deux opérations. Il lui poussera une grande soufflerie primaire en 1902, ainsi qu'un troisième clavier et 47 jeux en 1947, à la place de 25 jeux sur deux claviers et deux pédaliers à son origine ! De quoi s'enrouer un peu... « Le son s'en est trouvé modifié, moins incisif, plus romantique et néo-classique », confirme Philippe Bataille.

Une restauration style XIXe
À la suite, la tuyauterie, la soufflerie, la mécanique et tout le toutim vont se dégrader. Or, tout orgue qui se respecte doit faire peau neuve au minimum une fois par siècle. Ce monument historique (1997) trouvera son sauveur en la personne de Nicolas Toussaint (Nantes) de la Manufacture bretonne d'orgue. Entre 2007 et 2010, la restauration minutieuse, comme le remplacement de huit jeux fabriqués en copie de ceux de Cavaillé-Coll, redonnera au joyau son esthétique d'origine, « son esprit XIXe et sa sonorité plus ronde ». Et c'est vrai qu'aux premiers accords, le mutant n'effraie plus, il envoûte au contraire.

Pratique

Audition le vendredi 15 août à 17 h 30 avec André Le Meut, bombarde, et Philippe Bataille, orgue. Concert de 45 minutes. Participation libre aux frais. Visite commentée de l'orgue le 20 septembre pour les journées du patrimoine.