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22/07/2017

La "grande distribution" exerce un pouvoir oligopolistique sur toute la filière alimentaire !

Le consommateur, au centre du système, pourrait réorienter ses choix vers plus de "qualité" !

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La grande distribution, depuis le premier "Carrefour" en 1960 à Sainte Geneviève des Bois, a profondément modifié les comportements d'achat du consommateur, ainsi que les négociations avec les producteurs... Facilité et rapidité des courses hebdomadaires, standardisation de la qualité au profit de plus gros volumes, libre-service, effaçant totalement le dialogue sur la qualité, la seule référence étant un étiquetage imparfait !

En même temps, les négociations commerciales annuelles mettent la pression sur les producteurs, qui s'ils veulent du volume deviennent des marionnettes en matière de tarification. La seule issue finale est une descente de la qualité du produit vendu et sa banalisation dans les produits transformés.

Aujourd'hui, la pression des importations, la surproduction de certaines filières, la gestion "coopérative" au profit des volumes engendrent des baisses de prix, qui ne couvrent plus les coûts de production et menacent ainsi le niveau de vie des producteurs, ainsi que leur avenir économique.

Les Etats généraux de l'alimentation ne peuvent déboucher que sur une impasse "structurelle" s'ils ne remettent pas en cause le pouvoir oligopolistique et asymétrique de la "Grande distribution" sur la filière alimentaire !

Les tentatives de "vente directe", de montée en qualité et d'augmentation des prix de référence ne sont que marginales et ne menacent pas pour l'instant le "pouvoir" de la Grande Distribution. Cette dernière, comme le rappelle Michel-Edouard Leclerc,  concentre ses efforts sur les "corners" de qualité, avec des rayons spécialisés "traiteur" ou des linéaires, consacrés aux produits Bio ou régionaux. Mais il est quand même plus facile d'afficher les "prix les plus bas" sur de gros volumes, que de se transformer en promoteur de la qualité !

L'avenir de notre "monde paysan" se joue dans les "arbitrages" de nos consommateurs !


Etats généraux de l’alimentation, il faut en finir avec le dogme du prix bas

Réunis à partir de jeudi, les acteurs de la filière agricole française doivent trouver des solutions pour parvenir à un partage équitable de la valeur ajoutée des produits.

LE MONDE du 19 juillet 2017

Feriel Alouti (Propos recueillis par)

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Les états généraux de l’alimentation, lancés jeudi 20 juillet à Paris, ont un objectif : tenter de réconcilier une filière agricole divisée et confrontée à une grave crise. Producteurs, industriels, distributeurs, associations de consommateurs et ONG environnementales se fixent jusqu’à novembre pour dégager des solutions concrètes.

Permettre aux agriculteurs de vivre dignement, freiner la guerre des prix dans la distribution et répondre aux nouvelles attentes des consommateurs à la recherche de qualité seront au menu de ces discussions promises par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.

Comment y parvenir ? Le Monde a posé la question aux principaux acteurs de la filière : Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution ; Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), premier syndicat agricole ; Catherine Chapalain, directrice générale de l’Association nationale des industries alimentaires.

Du paysan à l’assiette, un modèle à revoir

Qu’attendez-vous de ces états généraux ?

Jacques Creyssel : Ils sont une chance pour la filière. Il faut s’occuper du sujet du moment, le revenu des agriculteurs. Comment faire pour qu’ils se portent mieux ? Pour cela, il faut mettre les sujets sur la table, sans tabou. A commencer par la réorientation de la Politique agricole commune (PAC). Elle est devenue trop libérale et ne permet pas d’aider suffisamment les agriculteurs en cas de crise conjoncturelle. Pour qu’ils puissent faire face aux accidents conjoncturels, qui existeront toujours, il faut leur donner la possibilité d’avoir accès à des mécanismes pour se protéger, comme des assurances.

Il faut aller de la fourchette à la fourche et pas le contraire

La deuxième priorité est de partir du besoin des consommateurs : ils veulent du bio, sans gluten et des produits locaux. La production agricole française ne correspond pas toujours à ces besoins. Le porc bio, par exemple, est payé 3,50 euros le kg contre 1,60 euro en conventionnel et, pourtant, on importe 80 % du porc bio. On importe aussi la totalité des pêches plates, on ne fait pas de raisin sans pépin. Il faut aller de la fourchette à la fourche, et pas le contraire.

Il faut aussi faire en sorte que les industriels tiennent compte des coûts de production, ce qui n’est pas suffisamment le cas. En même temps, ils ne doivent pas être déconnectés des marchés mondiaux. Pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement, il faut aussi qu’ils puissent se regrouper pour négocier avec les distributeurs. C’est le cas pour le lait mais pas pour les fruits et légumes.

Enfin, on a la chance en France d’avoir des PME agroalimentaires positionnées sur tous les marchés en croissance. Mais notre droit commercial est le plus instable au monde, pas moins de six lois ont été votées en treize ans. Il faut simplifier, clarifier les règles.

Christiane Lambert : Ces états généraux étaient une promesse du candidat Macron et c’est bien qu’ils arrivent vite. Le premier objectif est de poser la question du prix. Depuis deux ans, l’agriculture française enchaîne les crises graves, et les prix payés sont inférieurs aux coûts de production. Les industriels ne payent pas suffisamment les producteurs dont les revenus se sont dégradés. La moitié vit avec moins de 350 euros par mois, ça ne peut plus durer.

Pour améliorer leurs revenus, il faut mettre autour de la table producteurs, industriels, distributeurs et consommateurs. Il faut, par exemple, un encadrement des promotions pour en éviter un usage abusif. Quand des côtes de porc sont proposées à 1,90 euro le kg et la semaine d’après à 6 euros en rayon, le consommateur ne comprend pas. Il faut en finir avec le dogme du prix bas qui est imposé par les distributeurs et tue les paysans.

La plupart des distributeurs reconnaissent que l’on va dans le mur si rien ne change

Catherine Chapalain : Nous sommes dans un état d’esprit constructif et très déterminé pour redonner de la valeur à notre alimentation et renforcer la confiance des consommateurs. Il y a une urgence sur le plan économique. L’ensemble de la filière (agriculture, agroalimentaire, distribution) représente 2,5 millions d’emplois et 650 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Notre potentiel à l’exportation est important. Mais, aujourd’hui, seules deux entreprises françaises sur huit exportent. En Allemagne, c’est huit sur dix.

En même temps, le secteur traverse une crise sans précédent avec un vrai décrochage de la compétitivité. La guerre des prix a également détruit de la valeur. La plupart des distributeurs reconnaissent que l’on va dans le mur si rien ne change. Il faut changer d’état d’esprit et encadrer les promotions, qui font perdre la notion du prix juste aux consommateurs.

Depuis 1960, le nombre d’exploitations agricoles n’a cessé de diminuer. Que faut-il faire pour y remédier ?

Christiane Lambert : Pour freiner la disparition des exploitations, il faut arrêter de bétonner le foncier mais il faut aussi que les agriculteurs aient des revenus. C’est de la responsabilité des consommateurs et des distributeurs. Le maintien du pouvoir d’achat des consommateurs s’est fait au détriment des agriculteurs. Les consommateurs veulent des produits plus locaux, plus bio, mais plus c’est vert, plus c’est cher. Il faut payer le prix pour maintenir une agriculture en France.

Ce n’est pas faux de dire que les agriculteurs doivent répondre aux besoins des consommateurs, mais les pêches plates, ce n’est pas ce qu’on mange le plus. Prenez les abricots et les melons, beaucoup viennent d’Espagne parce que c’est moins cher. Quant au porc conventionnel, 80 % est importé.

Catherine Chapalain : Il faut avant tout mieux répondre aux attentes des consommateurs et maintenir une diversité de l’agriculture. Il faut, par exemple, dynamiser le bio, filière dans laquelle nous ne sommes pas autosuffisants. Les 17 000 entreprises de l’agroalimentaire sont aussi une richesse à maintenir.

Lire aussi : Un rendez-vous pour réconcilier agriculture et environnement

Quel modèle agricole défendez-vous ?

Jacques Creyssel : Ce n’est pas notre rôle de le définir mais je pense qu’il n’y a pas de modèle unique. Il faut réfléchir filière par filière, produit par produit. Certains produits haut de gamme doivent être fabriqués dans de petites exploitations, les produits plus standardisés dans des exploitations plus grandes pour des coûts plus compétitifs.

Dans la filière laitière, la stratégie ne peut pas être la même si l’on produit de la poudre de lait, du camembert, du comté ou du lait à la consommation. Il faut faire en sorte que notre agriculture soit la plus efficace, performante et compétitive possible.

L’agriculture française est diversifiée et c’est une chance

Christiane Lambert : Tous les modèles. L’agriculture française est diversifiée et c’est une chance. Le bio représente 5 %, les labels de type AOC, AOP, 25 %. Le reste, c’est de l’agriculture plus classique. Mais les prix bas risquent de tuer cette diversité.

Catherine Chapalain : On défend une filière compétitive. La France doit redevenir le premier exportateur mondial – aujourd’hui, nous sommes quatrièmes. Mais pour exporter, il faut d’abord être rentable dans son propre pays car il est nécessaire d’avoir une marge pour investir et innover. Pour jouer à armes égales avec les autres pays européens, il faut une harmonisation des règles fiscales et sociales. Les contraintes imposées en matière de qualité de l’environnement doivent aussi être les mêmes pour tous, sinon on part avec des semelles de plomb.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/07/19/etats-generaux-de-l-alimentation-il-faut-en-finir-avec-le-dogme-du-prix-bas_5162558_3234.html#Kwgk6e5CQcvExVeL.99

 

Combien pèse l'assiette dans le budget des Français ?

Ouest France du 20 juillet 2017

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Alors que l'État lance des états généraux de l'alimentation, les Français modifient leur façon d'acheter et de consommer leur nourriture | AFP

Depuis les années 60, les Français ont sans cesse réduit la part de leur budget consacré à l'alimentation mais ces dernières années sont marquées par un léger réveil des papilles.

Le budget alloué à l'alimentation représente près de 20% des dépenses en 2014 contre 35% dans les années 60, selon la dernière enquête de l'Insee sur le sujet (2015). Cette tendance à la baisse depuis 50 ans s'explique par une hausse du pouvoir d'achat.

Calculé en valeur (en prenant en compte l'inflation), ce pouvoir d'achat a augmenté "de 10,7% entre 1960 et 1990", indique Lorraine Aeberhardt, chef de la division synthèse des biens et des services de l'Insee. La part du budget consacrée à l'alimentation a "quasiment perdu un point chaque année jusqu'en 1990, date à laquelle on a atteint la limite de saturation". En effet, "ce n'est pas parce qu'on gagne deux fois plus qu'on va manger deux fois plus", explique Mme Aeberhardt.

Un peu plus d'argent pour manger

Les Français dépensent alors pour le logement, les loisirs, les transports... Toutefois, selon les chiffres actualisés de l'Insee, "la part du budget allouée à l'alimentation a augmenté de 0,33% entre 2012 et 2016", indique Mme Aeberhardt, s'appuyant sur un calcul comprenant produits alimentaires à domicile, boissons et restaurants.

Les Français seraient-ils disposés à inverser la tendance ? Les réponses des spécialistes divergent.

"Du jamais vu"

Pour Mme Aeberhardt, cette "légère hausse" entre 2012 et 2016 montre une "stabilisation du budget alloué à l'alimentation, qui ne décroît plus depuis les années 90". "Il serait vraiment dangereux de parler d'un retournement de situation."

Mais pour Pascale Helbel, directrice du pôle consommation et entreprise du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), "c'est du jamais vu". Cette augmentation "inédite" serait due à plusieurs facteurs marquants selon Mme Helbel, dont le centre réalise des baromètres sur les préférences alimentaires des Français tous les trois ans.

Le plaisir avant l'économie

Économiquement, la crise de 2008 a fragilisé les portefeuilles, ce qui aurait incité les Français à "arbitrer en faveur de l'alimentation" contre des postes de dépenses comme la high-tech. Sanitairement, alors qu'avant la crise les Français "traumatisés par la crise de la vache folle" dépensaient juste ce qu'il fallait pour se nourrir sans tomber malade, "pendant la crise, les Français en ont eu marre de se poser des questions sur leur santé et ont réhabilité le plaisir".

Cette réhabilitation a aussi été portée par une "politique publique de réenchantement par laquelle la gourmandise a été revalorisée" après une série de campagnes nutritionnelles préventives dans les années 80, estime Mme Helbel. Par exemple, l'Unesco a inscrit le repas gastronomique des Français au patrimoine de l'humanité en 2010.

Éviter la panique

Les classes supérieures n'auraient pas réagi de la même manière à la crise de la viande de cheval en 2013 qu'à celle de la vache folle aux débuts des années 90: au lieu de se détourner de leur assiette en dépensant moins, elles auraient alloué une part plus importante de leur budget pour une alimentation saine "en se reportant sur les produits bio, les labels, le circuit court", détaille Mme Helbel.

La consommation bio à domicile par les ménages a augmenté de 21,7% en valeur en 2016 par rapport à 2015, a noté de son côté l'Agence Bio.

L'Insee souligne la modification de la composition du panier depuis 1960.

La viande, toujours la viande

Malgré les polémiques sur ses impacts nutritif et environnemental, la viande reste l'élément pesant le plus sur le budget alimentaire des Français. Avec toutefois une croissance moins rapide qu'il y a cinquante ans.

La viande représente "15% du budget alimentation en 2014" contre "20% en 1960", précise Mme Aeberhardt. "Mais cette croissance moins rapide de la viande achetée chez le boucher traduit en partie le fait qu'on achète plus aujourd'hui des plats préparés ou que l'on mange plus au restaurant".

Ce n'est pas à l'État de décider ce que perçoit chaque acteur du secteur agricole

Le Figaro du 19 juillet 2017

Olivia Détroyat

INTERVIEW - Économiste, Philippe Chalmin est président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges alimentaires depuis 2010. À ce titre, il passe au crible coûts de production agricoles, marges des transformateurs et comptes des distributeurs alimentaires.

LE FIGARO - Le revenu des agriculteurs est une cause nationale. Est-ce un problème typiquement français?

Philippe CHALMIN. - Pas tout à fait. La France a certes conservé des modèles de production familiaux plus poussés qu'ailleurs. Mais rappelons que les prix agricoles français sont aussi les prix européens, voire mondiaux. Cela dit, certains producteurs français ne couvrent pas leurs coûts de production. Il y a ceux pour qui la situation varie selon les années et les récoltes: lait, céréales, porc. Et ceux pour qui les coûts de production sont structurellement plus élevés que leurs revenus: éleveurs de gros bovins et races allaitantes.

Comment s'explique la faible rémunération?

«Les agriculteurs font face à des baisses et des fluctuations de prix qu'ils ont du mal à supporter.»

Chaque exploitation a sa propre histoire. Ce dont on n'a pas conscience, c'est que les règles du jeu ont profondément changé depuis une dizaine d'années. Avant, les prix étaient fixés à Bruxelles, pour le sucre, le lait, les céréales et dans une certaine mesure pour la viande. Tout cela a totalement disparu. D'un côté, les aides directes qui devaient compenser la fin des prix administrés sont de plus en plus contraintes par le «verdissement» de la PAC. De l'autre, les prix administrés n'existent plus. Conséquence: les agriculteurs font face à des baisses et des fluctuations de prix qu'ils ont du mal à supporter. Ajoutez à cela la tendance française à surinterpréter la réglementation bruxelloise, et on comprend mieux pourquoi le malaise du monde agricole se renforce depuis deux ou trois ans.

Pour mieux répartir la valeur, faut-il demander plus d'efforts aux transformateurs et aux distributeurs?

Les prix agricoles, mondiaux, sont une variable exogène qu'on ne peut manipuler. Pour certaines productions comme les céréales cela ne pose aucun problème. Pour d'autres, comme le lait ou la viande dans lesquels la part de marché mondiale est plus faible, il y a un lien plus direct entre le consommateur et le producteur. Dans ces filières, il y a effectivement une plus grande facilité à considérer que les consommateurs, voire les transformateurs ou les distributeurs doivent payer un peu plus pour que le producteur vive correctement de son travail. En tout cas, ce n'est pas à l'État de décider ce que perçoit chaque acteur dans la répartition de la valeur. Là où l'on peut être optimiste, c'est que les relations commerciales en France sont tellement calamiteuses qu'il y a une énorme marge de manœuvre pour travailler sur une relation contractuelle. C'est par ce biais qu'on rétablira la confiance et l'efficacité du système.

Aucun atelier ne s'attaque au manque de productivité des exploitations. Faut-il remettre en cause l'organisation du tissu agricole français?

«Le modèle agricole français, familial, est le plus efficace. Je ne crois pas au modèle capitaliste en agriculture.»

Non. On se réfère souvent à nos voisins européens, où l'on trouve des exploitations plus importantes dont on peut penser que les coûts de production sont plus faibles. Mais le modèle agricole français, familial, est le plus efficace. Je ne crois pas au modèle capitaliste en agriculture. Garder un réseau d'exploitation aussi dense est une richesse, un outil précieux d'entretien de l'espace et d'aménagement du territoire. Ce n'est pas la puissance publique qui doit limiter la taille des exploitations, à 100, 1000 ou 2000 vaches. Le modèle français va évoluer lui-même d'une organisation familiale à un modèle plus associatif, même s'il y a en agriculture un élément irrationnel qui est la relation de l'homme à sa terre. D'ailleurs si la France est aussi belle, c'est grâce aux agriculteurs qui doivent être rémunérés pour ce service rendu.

Les consommateurs sont-ils prêts à accepter des hausses de prix pour que les agriculteurs soient plus justement rémunérés?

Cela me paraît très difficile. Il faut regarder la rationalité du consommateur, qui veut à la fois payer plus cher pour soutenir la rémunération des agriculteurs, mais veut aussi plus de sécurité et de transparence alimentaire, plus de services associés à son produit… Cela ne facilite pas l'équation économique des producteurs.

 

 

Michel-Edouard Leclerc, le moment est favorable pour réécrire une histoire collective

Les Echos du 20 juillet 2017

Philippe Bertrand

A l’heure du coup d’envoi des états généraux de l’alimentation, le patron du groupe Leclerc estime que la filière doit « développer un discours sur la qualité ».

Le Premier ministre, Edouard Philippe, et une bonne partie du gouvernement (mais pas Emmanuel Macron, qui s'est décommandé au dernier moment), donnent le coup d'envoi des états généraux de l'alimentation jeudi. Jusqu'à fin novembre, les acteurs de l'agroalimentaire français vont plancher sur une refondation de la filière, secouée par plusieurs crises agricoles ces dernières années et ébranlée par un contexte de guerre des prix. Le patron du groupe Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, livre ses attentes concernant cette grande messe.

Qu'attendent les Centres Leclerc de ces Etats généraux de l'alimentation ?

D'abord, nous adopterons un attitude résolument positive. Pas question de nous laisser enfermer dans une posture d'opposition aux producteurs ou aux industriels. Le moment est favorable. Il existe une véritable opportunité de réactualiser, moderniser le modèle alimentaire français, notamment celui du «mass market ». Les consommateurs demandent des produits de meilleure qualité, plus sains, plus locaux. De nombreuses enseignes et beaucoup d'industriels sont en train de réaligner leur offre. Fleury-Michon par exemple, ou Danone qui vient d'investir 13 milliards dans le bio et le soja. Nous mêmes aussi, bien sûr, qui avons, notamment, repositionné notre marque Repère. Ce grand rendez-vous qui réunit toute la filière, des producteurs aux consommateurs, est l'occasion de réécrire une histoire collective. Il faut en finir avec le « food bashing ». On est arrivé au bout de l'hyperproductivisme et des productions toujours standardisées.

La FNSEA et les industriels réclament le fin de la guerre des prix dont Leclerc apparaît comme le premier acteur. Qu'en pensez-vous ?

Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs et commencer à vouloir régler les questions corporatistes avant d'établir des objectifs. Ces Etats généraux ne doivent se résumer à un cahier des doléances. On ne décrétera pas la hausse des prix. Les prix à la consommation français n'ont fait que revenir au niveau des prix des autres grands pays européens. D'une façon générale, les prix de marché échappent aux acteurs économiques français et les filières ont du mal à exposer leurs souhaits en matière de régulation. Il faut que les producteurs disent comment ils voient l'après PAC. En 10 ans, on a distribué 100 milliards d'euros de subventions à l'agriculture. Il ne devrait pas y avoir un seul agriculteur pauvre.

Mais tous les agriculteurs ne peuvent pas produire des produits bio ?

A force de dire qu'il s'agit d'une niche, on a loupé le coche du bio. Il faut développer un discours sur la qualité, remarketer les productions, se concentrer sur les allégations liées aux productions. Il faut créer les conditions de la création de valeur. Des groupements de producteurs comme Savéol, Poulets Loué ou Prince de Bretagne y parviennent. Il y a de la place pour une production plus diversifiée. Prenons l'exemple de la viticulture. Il y a 30 ans, les viticulteurs mécontents de la baisse des cours incendiaient les chais de Jean-Baptiste Doumeng à Sète. Depuis, sous l'impulsion des Bordelais, le marché est monté en gamme et s'est segmenté. Ils ont arraché les vignes qui «pissait » de la piquette pour replanter des cépages plus nobles. Preuve que les producteurs peuvent créer de la valeur et la garder.

En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/010150803628-michel-edouard-leclerc-leclerc-sur-les-etats-generaux-de-lalimentation-le-moment-est-favorable-pour-reecrire-une-histoire-collective-autour-de-la-qualite-2102942.php#6J4PHo3pLRq7giMK.99

 

 

 

 

Commentaires

Monsieur Hennel, je dois l'avouer, je ne pensais pas un jour être d'accord avec vous !

Le modèle de production que la chambre d'agriculture plébiscite et les méthodes délictueuses qu'appliquent les GMS font que nos petits producteurs, cherchant à promouvoir la qualité au détriment de la quantité, sont la cause principal du mal être des paysans.
on compte pas moins de 600 suicides par an.mais chut c'est tabou ! faut surtout pas que çà se sache !

Mais en même temps, il appartient au consommateur de se bouger le cul et d’épauler ces producteurs en demande.

Qu'on se le dise, il n'est pas difficile de trouver les produits de première nécessité, autre que le PQ, à proximité des bourgs, encore faut-il les chercher.

Sur notre Presqu’île, nous avons la chance d'avoir un maraicher et bientôt de nouveaux et jeunes petits producteurs en bio.

Mais cela n’empêche pas de voir chaque jour un balai incessant de camion arrivant du MIN de Nantes.

Les questions que je me pose, c'est pourquoi y a-t-il plus de supérettes que de producteurs sur la Presqu'Île ? Pourquoi Plébiscitons-nous le développement de nouveaux quartiers HLM si nous n'avons pas vocation à créer de l'emploi ? (il y a 30 ans on comptait près de 4 maraichers, et de l'elevage bovin).

Que reste-t-il ? Les enfants des cités, que j'ai eu la chance de rencontrer, pensent, que le lait au chocolat provient des vaches marrons.
La jeunesse ne sais plus d'où proviennent les produits qu'elle consomme.

On subis ici et là quelques scandales alimentaires mais on se refuse à prendre le taureau par les cornes.

Bien sur la faute n'est pas entièrement celle du consommateur !
Il serait bien avisé à certains producteurs de montrer les dents, en refusant de produire à perte, telle cette initiative positive invitant à produire et transformer son lait sous forme de coopérative permettant de faire la nique aux gros intermédiaires (lactalis / sodiaal); je veux parler de "LAITIK".

Nous avons les cartes en main pour nous sortir de cette situation merdique mais encore faut-il que nous le voulions !

Écrit par : Waynezedude | 22/07/2017

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