03/09/2015
France, regarde-toi dans la glace !
Les Conseils de prud'hommes, une justice "d'exception"...
Le cas de Robert Prigent est emblématique de la "lenteur" et de l'inefficacité d'une juridiction française, développée depuis l'après-guerre, sous l'influence syndicale...
Le licenciement "pour faute grave" peut avoir des conséquences financières et affectives, dont on mesure ici l'ampleur !
"Il y a une ligne d'équilibre à trouver", dixit la Sous-Préfète...
La "torture" juiridique est encore présente aujourd'hui en France !
Expulsion, le combat des Prigent
Télégramme du 3 septembre 2015
Armelle Menguy
Robert et Anne Prigent devant la maison qu'ils ne veulent absolument pas quitter.
Le 10 septembre, au tribunal de Guingamp, aura lieu le procès de mesure d'expulsion d'Anne et Robert Prigent.
Depuis 26 ans, dans la campagne de Trédarzec, ils vivent dans une maison qui, légalement, n'est plus la leur.
L'affaire démarre en 1979, quand Le Bételgeuse, pétrolier français, explose dans la baie de Bantry en Irlande, faisant 51 victimes. À l'époque, Robert Prigent, capitaine au long cours, travaille pour la compagnie Total.
En 1976, il avait déjà interpellé sa direction sur la sécurité à bord des bateaux. À nouveau, il l'interroge et pose 70 questions écrites au comité d'entreprise.
En guise de réponse et après moult courriers et rebondissements, il sera licencié en 1981 pour « fautes graves », ce qu'il conteste toujours aujourd'hui.
Dix fois devant les prud'hommes Mais à cause de son licenciement, sa situation financière se dégrade et l'un des deux organismes de crédit, auprès desquels il a souscrit un prêt pour construire sa maison, se saisit de cette dernière. Nous sommes en 1989. Une adjudication est prononcée pour la vente. Et durant toutes ces années, il n'aura de cesse de réclamer que l'on juge son affaire sur le fond.
« J'ai été licencié pour avoir posé des questions sur la sécurité, et les prud'hommes, saisis dix fois, me déboutent à chaque fois. Je me demande si je ne vais pas y aller une onzième fois ! ».
Accusé d'être « jusqu'au-boutiste », voire « dangereux », Robert Prigent va dès lors être de tous les combats contre la compagnie Total.
Pour lui, mais pas seulement. En 2001, il fera partie d'une expédition « punitive » contre la résidence secondaire, basée dans l'Yonne, du PDG Thierry Desmarest, accompagné d'autres Bretons, victimes de l'Erika, comme de Toulousains, concernés par l'explosion de l'usine AZF.
Seul et sans avocat
Dire de Robert Prigent qu'il est opiniâtre est un euphémisme. Depuis plus de 30 ans, il se bat comme un beau diable face à ce qu'il considère être une injustice et continue de vouloir faire la lumière sur « sa » vérité.
Aujourd'hui, à 80 ans, il risque l'expulsion de sa maison vendue en 1989 car le propriétaire actuel veut récupérer son bien. Une situation totalement « kafkaïenne » de par sa durée.
Le 10 septembre, il ira à Guingamp pour obtenir l'annulation de l'adjudication de 1989.
Et il ira se défendre, seul, sans avocat.
« J'en ai eu 24, au cours de toutes ces années, avec pas moins d'une bonne centaine de procédures venues de partout, de l'entreprise, des banques, des huissiers. J'ai fait de la prison, on m'a interné à Bégard parce qu'on me jugeait violent. Vous ne croyez pas que ça suffit ? ». « Je ne partirai pas » « Il nous faut retrouver la paix, car à l'âge que nous avons, ce n'est plus possible », ajoute son épouse, Anne, 77 ans, dans un souffle. Elle qui l'a toujours soutenu. Car un autre combat se mène. Depuis le 31 juillet de cette année, la maison n'a plus l'électricité. Robert Prigent a arrêté de régler ses factures à EDF. « Je ne vois pas pourquoi j'aurais payé un fournisseur qui n'est jamais venu réparer ma ligne convenablement et durablement, après des travaux. Suite à ça, je n'ai plus jamais eu le même service et j'ai perdu de nombreux appareils électroménagers ». Très déterminé, Robert Prigent affirme qu'il ne quittera jamais sa maison. « Il faudrait me tuer ! Et d'ailleurs, je ne sais pas de quoi je pourrais être capable si on m'y oblige ».
Le point de vue de l'État
Sophie Yannou-Gillet, sous-préfète de Lannion, souligne une affaire « profonde et très difficile ». « D'un côté, nous devons mettre en oeuvre le droit et respecter les décisions de justice ; de l'autre, il y a le côté humain à considérer, avec un couple qui fait tout pour rester dans sa maison et qui y est depuis très longtemps. Il y a une ligne d'équilibre à trouver et l'État peut apporter des solutions mais seulement avec le consentement de M. et Mme Prigent ». Quant au propriétaire de la maison, nous avons essayé, en vain, de le joindre.
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