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11/05/2015

Presqu'île de Quiberon, un "paradis fiscal" !

Une "douane" au Bégo ! A l'imitation de Jersey, la presqu'île pourrait devenir un beau paradis fiscal !

Stabulation libre.jpg

L'évolution de Jersey est assez étonnante...des banques et des centaines de trusts, qui occupent  quand même 12.000 personnes sur 100.000 habitants, avec un niveau de vie, qui n'a rien à voir avec celui des habitants classiques.

Ce que l'on sait moins ici, c'est l'histoire des frères des écoles chrétiennes de Kerplouz. Réfugiés sur Jersey pendant la dernière guerre, ils y ont  appris les techniques d'élevage anglo-saxonnes de pointe, la stabulation libre.

Revenus à Kerplouz à la libération, ils ont formé des centaines d'agriculteurs bretons...à ces nouvelles techniques...et contribué ainsi "à la révolution verte" de la Bretagne ! 

Il n'y a pas que l'argent, qui compte !


Île de Jersey, l'enfer du décor

Télégramme du 10 mai 2015

Didier Déniel

En trois décennies, l'île anglo-normande de Jersey, au large de Saint-Malo, est devenue l'un des plus beaux paradis fiscaux de la planète.

 Mais vivre sur l'île est devenu très difficile pour la classe moyenne et les plus modestes qui payent toujours plus d'impôts. Contrairement aux entreprises qui, en majorité, en sont exemptées. Nous sommes au centre de l'île, loin de Saint-Hélier, la petite capitale de Jersey. Dans le champ de ce commissaire-priseur, sur lequel planent des nuages menaçants, une drôle de vente aux enchères vient de débuter. Objet de toutes les convoitises, une vieille Hyundai rouge qui serait probablement partie à la casse en France. « 8.000, 9.000 livres, s'époumone le commissaire-priseur. Adjugé vendu pour 15.000 livres ! ». La vieille bagnole vient de trouver preneur à 20.400 euros ! « Les gens s'en foutent de la voiture, commente Paul Ferger, un Paimpolais qui habite l'île depuis de longues années. Ce qu'ils veulent, c'est la plaque d'immatriculation à trois chiffres, qui pourra servir sur un autre véhicule, une Ferrari ou une Lamborghini de préférence ». Un symbole de puissance. « L'autre jour, une plaque à deux chiffres est partie à 50.000 livres (68.000 euros).

 Les gens perdent complètement la tête ici, poursuit l'ancien agriculteur. Il n'y a plus que l'argent qui compte.

 » Paul n'est pas le seul à estimer que Jersey a perdu le nord depuis que l'île est devenue un des paradis fiscaux les plus courus de la planète. Ici, l'évasion fiscale et le secteur bancaire emploient 12.000 personnes sur les 100.000 habitants de l'île. Une cinquantaine de banques internationales y ont pignon sur rue. « Sans compter des centaines de trusts qui gèrent, dans la plus grande opacité, des milliards et des milliards de livres », explique John Heys, un militant d'Attac, qui, dans son pays, a déclaré la guerre à la finance offshore.

 Un lourd déficit public

 John et son ami Maurice Merhet, qui se connaissent depuis soixante-dix ans, n'ont vraiment pas le profil de militants altermondialistes habituels. John était ingénieur dans la Royal Air Force. Et son ami, agriculteur et boucher, possédait, il y a quelques années, deux commerces sur l'île. Il employait une dizaine de personnes. « Ce qui nous révolte, c'est que les groupes financiers font la pluie et le beau temps ici. Sans participer directement à l'économie de l'île qui est chancelante.

 Dernièrement, le déficit public a atteint 135 millions de livres (184 millions d'euros). Une honte. » Les entreprises offshore ne sont plus imposées à Jersey. Exceptées les sociétés résidentes et financières, à hauteur de 10 %.

 Paradisiaque.

 « À côté de ça, les habitants sont continuellement ponctionnés. L'État prélève à la source 20 % de nos revenus, s'indignent John et Maurice. La TVA est passée de 3 % à 5 %. Les services sociaux estiment que plus de 8.000 personnes ont réellement du mal à joindre les deux bouts. Plus de 80 familles reçoivent des bons alimentaires. Du jamais vu depuis la Libération. »

Acheter une maison sur l'île est devenu illusoire pour la classe moyenne.

 « La finance a attiré des centaines de personnes extrêmement riches. Les prix de l'immobilier ont flambé. Même ceux qui ont un travail régulier, et des salaires honorables, ont toutes les peines du monde à se loger. » Un rapide coup d'oeil dans les agences immobilières suffit à se faire une idée de la situation : la moindre maison mitoyenne de trois chambres se négocie plus de 600.000 livres, soit 820.000 euros. Oups !

 Les ménages de plus en plus sollicités

Plus les mois passent, et plus la situation empire pour l'homme de la rue. Comme l'annonce la Une du Jersey Evening Post, le journal local : « Les impôts de 80 % des ménages augmenteront prochainement ». Autre mesure envisagée pour rééquilibrer les finances publiques : la création d'une nouvelle taxe pour financer la politique de santé. Les années passent et les choses ne changent guère. Il faut dire que les Jersiais ne font pas montre d'un grand intérêt pour la politique locale. Seul un tiers des électeurs se sont rendus aux urnes lors des dernières élections des 51 membres du Parlement. « Ils ne prennent pas leur destin en main », se désole John qui, quand même, voit scintiller au loin une petite lueur démocratique. Il y a peu, de nouveaux et jeunes députés ont donné naissance à Reform Jersey. Premier mouvement structuré comme un parti politique.

 « Ici, il ne faut pas se leurrer, c'est l'argent qui a pris le pouvoir, ajoute Paul le « Paimpolais à la double nationalité.

 Moi, je me bats depuis des années pour faire construire une petite maison sur mes terres. Juste à côté, un richissime étranger a fait bâtir une énorme villa de 19 millions de livres (soit 25 millions d'euros), en quelques mois. Et sans aucune difficulté. »

 En complément

 Jersey. L'enfer du décor

 Le manuel du petit fraudeur Ouvrir un compte dans un paradis fiscal n'est pas illégal. À condition de le faire dans les règles de la transparence. À savoir, la plupart du temps, une déclaration au fisc de son pays de résidence. Ceux qui ne veulent pas s'embarrasser avec ces formalités peuvent se rapprocher d'une des officines spécialisées dans l'aventure fiscale offshore.

Sur la toile, elles proposent le manuel du parfait petit fraudeur. Au fil des pages, on y apprend comment « constituer un capital non saisissable par d'éventuels créanciers », « créer sa société offshore » ou « organiser son expatriation fiscale ». On y trouve aussi de précieux conseils pour doubler le fisc français avec l'aide d'un avocat fiscaliste. On y découvre aussi qu'il ne faut jamais ouvrir un compte bancaire offshore personnel en catimini, au risque d'être très vite démasqué. Pour brouiller les pistes, on conseille à l'évadé fiscal de confier ses biens à un trust, de se créer un nouvel e-mail, de choisir un numéro de téléphone dédié à cette nouvelle activité, et, enfin, de changer de logo sur les courriers. Il est aussi conseillé de veiller à ce que tout signe d'enrichissement personnel ne devienne pas ostentatoire : achat de voitures de luxe, de bijoux.

 Et de ventiler les plus grosses dépenses...

 Au royaume des paradis fiscaux, le cynisme est roi

Ted Vibert, ancien sénateur : « L'économie offshore est immorale » Ted Vibert, ancien journaliste, a siégé une dizaine d'années comme sénateur à Jersey. Il plaide pour une activité bancaire normale. Pour lui, l'économie offshore, « honteuse et immorale », fera sombrer son île. La finance offshore est, selon vous, une activité dangereuse pour l'île. Pourquoi ?

D'abord, cette activité a fortement porté ombrage au tourisme qui, ici, faisait vivre beaucoup de gens avant. En l'espace de quelques années, une trentaine d'hôtels ont fermé.

 L'activité financière étant menée par des gens sans scrupule, on peut très bien imaginer que, demain, ils quitteront l'île pour d'autres horizons plus prometteurs. Laissant sur le carreau des milliers de personnes. Je ne suis pas opposé aux activités bancaires normales, loin de là. Quand elles sont bien menées, en toute transparence. Ici on nage dans l'absurde. Savez-vous qu'à Jersey sont domiciliées trois grosses compagnies internationales de recherche pétrolière. Le seul pétrole qui existe ici, c'est celui des stations-service. À de nombreuses reprises, vous avez pris la parole au Parlement pour dénoncer le business de l'évasion fiscale. Comment vos discours étaient-ils reçus ? On me demandait de me taire. Certains tentaient de m'intimider. Plusieurs fois, j'ai interpellé le représentant de l'Église au Parlement sur l'aspect honteux de cette activité. Lui expliquant que des masses d'argent provenant de l'étranger, qui échappaient au fisc, auraient dû être consacrées à l'éducation ou à la santé, et au bien-être des populations dans les pays concernés. Je lui ai communiqué des documents à ce sujet. Il ne m'a jamais répondu. Vous dites avoir subi des pressions. De quel ordre ? Avant les élections, on m'a fait clairement comprendre qu'il fallait que je me taise. Je sais aussi que, dans une banque de Saint-Hélier, la direction a réuni ses 200 salariés pour leur demander de ne pas voter pour moi. Je reste persuadé que de telles initiatives ont été prises ailleurs.

 Steve et Mike, deux jeunes financiers décomplexés

 Steve et Mike (*), 23 et 27 ans, sont originaires de Jersey. Tous deux travaillent dans la finance. Un métier qu'ils disent adorer. Témoignage sous couvert de l'anonymat. Des retombées énormes Les deux jeunes hommes, que nous avons rencontrés à la pause de midi, ne veulent pas, pour l'instant, vivre ailleurs. « Nos parents et grands-parents sont nés ici. La vie sur l'île est très agréable. Après le travail, on peut profiter de la plage, de la nature, des restaurants et des pubs. » Steve et Mike estiment que la société jersiaise a évolué ces dernières années. « Avant, il n'existait pas de loi qui punissait les propos racistes ou sexistes. C'est le cas maintenant, et on s'en félicite. » Concernant l'activité financière offshore, les deux jeunes hommes sont moins progressistes. « Les retombées sont énormes pour l'île. Les gens qui travaillent dans ce secteur gagnent très bien leur vie. C'est notre cas. Il est facile de trouver un job dans ces organismes. Car il y a beaucoup de turn-over. Et pas mal de concurrents qui tentent de vous débaucher. » « On gagne deux à trois fois plus que certains amis, continuent Mike et Steve. Ça crée parfois des tensions. On le reconnaît. Mais on travaille beaucoup, environ douze heures par jour. L'argent gagné par des gens comme nous continue de circuler au niveau local. C'est ça qui est bon. Le jour où ça s'arrêtera, Jersey sera perdue. »

 Le logement, un vrai problème

Les deux amis considèrent que leur métier est très intéressant. « On ne fait jamais la même chose. Un jour, je peux travailler sur l'achat d'une galerie commerciale. Le lendemain, sur tout autre chose. Dans les banques, c'est l'inverse. Le travail est ennuyeux. » Pourtant, tout n'est pas rose au large de Saint-Malo. « Le problème, ici, reste le logement. Même avec nos salaires, on aura du mal à devenir propriétaire. » *.

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