22/03/2014
SFR entre Numéricable et Bouygues Télécom ?
15 milliards d'euros pour réparer les "dégâts" d'une politique trop libérale...
La politique de l'Etat français en matière de stratégie industrielle est "out" ! Seule la voix d'Arnaud Montebourg est encore audible, mais malheureusement pour constater, qu'il ne tient plus "les ficelles" de la négociation...
Le plan "numérique" est aujourd'hui dépassé. Il est dépendant de la puissance financière des opérateurs, donc du jeu classique, vers la réduction du nombre d'opérateurs. Après avoir propulsé FREE dans l'arène des communications mobiles, la marche "arrière" des politiques est impressionnante !
Devant l'incapacité de faire bouger ORANGE dans le fibrage "trop lent", la naissance d'un deuxième groupe (SFR + X) permet aux pouvoirs publics de s'abstenir dans le financement de ce fibrage, demandé pourtant par les leaders politiques !
Au fond le "retour au privé" des réseaux de télécommunication est en marche en France, avec un marquage "à la culotte" d'ORANGE !
Bouygues fait une offre sur SFR et promet de limiter le poids de la dette
Les Echos du 6 mars 2014
Solveig Godeluck et Romain Gueugneau
Les synergies entre les deux groupes atteindraient 10 milliards d’euros.
Bouygues laisse à Vivendi 46 % du nouvel ensemble.
Le groupe présidé par Martin Bouygues ne mettra pas de cash lui-même dans l'opération. Sa filiale, Bouygues Telecom, s'en chargera. - Photo Hamilton/REA
Vivendi va pouvoir choisir entre deux offres concrètes de rachat de sa filiale SFR. Alors que l’offre de Numericable était déjà sur la table depuis plus d’une semaine, n’attendant plus que d’être mise en forme par les avocats, Bouygues est sorti du bois et a déposé la sienne hier soir. Le groupe a indiqué jeudi que son offre valorise la filiale télécoms de Vivendi à 14,5 milliards d’euros, qu’elle n’implique « aucun départ contraint » et prévoit « une redynamisation de l’emploi.
Bouygues prend par ailleurs soin de laisser à Vivendi une place plus importante au capital du nouvel ensemble. Dans un communiqué dévoilant les détails de son projet, la maison mère de Bouygues Telecom indique offrir à Vivendi « 10,5 milliards d’euros en numéraire et 46% du capital du nouvel ensemble » contre 32 % offerts par Numericable. Altice, maison-mère de Numericable et seul autre prétendant à SFR, qui n’a pas encore officiellement rendu public son projet, offrirait 11 milliards d’euros en numéraire pour une opération qui valoriserait l’opérateur à 15 milliards d’euros, selon certains médias.
Bouygues juge son offre « attractive » pour les actionnaires de Vivendi puisqu’elle « valorise SFR à 14,5 milliards d’euros présynergies et à 19 milliards d’euros post synergies », indique le communiqué. Le groupe entend introduire le nouvel ensemble en Bourse « dès la réalisation de la fusion ». A cette occasion, Vivendi se verrait offrir la possibilité de céder 15 % supplémentaires du capital. « Vivendi sera par la suite libre ed rendre liquide le solde de sa participation dans le calendrier de son choix », précise le communiqué de Bouygues.
Synergies importantes
Sur le volet des synergies, l’offre de ¬Bouygues se veut mieux-disante. Le groupe les estime à 10 milliards d’euros pour des coûts de mise en œuvre d’environ 800 millions sur cinq ans. Mais Numericable, qui tablait initialement sur au moins 6 milliards d’euros de synergies, n’hésitait plus à parler mercredi soir de 12 milliards.
Le montage financier est conçu de telle sorte que la nouvelle entité puisse se financer à des taux raisonnables (catégorie investissement). Afin de ne pas inquiéter les investisseurs, il ne mettra pas de cash ¬lui-même dans l’opération. Sa filiale, ¬Bouygues Telecom, s’en chargera. La dette du nouvel ensemble, intégralement garantie par HSBC, couvrira le financement de l’acquisition et ses besoins opérationnels, précise le communiqué. Une augmentation de capital est par ailleurs « envisagée au moment de l’introduction en Bourse, renforçant encore ses capacités d’investissement ».
Catégorie spéculative
« Bouygues a tout intérêt à blinder son offre au niveau financier, car c’est justement le point faible de la proposition Numericable », indique un observateur. L’opération Numericable-SFR comporte quant à elle une composante cash (3 milliards d’euros), de la dette (8 milliards d’euros), et donc des actions (32 %). Le ratio dette sur Ebitda devrait atteindre 3,4 ce qui n’interdit pas d’emprunter, mais classerait le nouvel ensemble dans la catégorie spéculative. L’entourage de Martin Bouygues a beaucoup critiqué l’aspect endettement du ¬projet concurrent, notamment auprès des pouvoirs publics.
« Il s’agit d’une offre offensive sur le plan industriel et non défensive, détaille une source proche du dossier. Nous ne voulons pas seulement rééquilibrer le marché du mobile mais aussi être offensifs sur le numérique, les nouvelles technologies, la fibre ¬optique et les services associés. » Bouygues a promis des « engagements extrêmement forts sur le social », avec « zéro départ ¬contraint », ainsi que des cessions d’actifs pour maintenir le niveau de concurrence. Outre la cession d’un réseau mobile et de fréquences à Free, déjà évoqués, l’opérateur pourrait également vendre des activités à Numericable. Ce qui permettrait d’alléger la dette.
Interrogée hier sur le rachat de SFR, la porte-parole du gouvernement Najat ¬Vallaud-Belkacem a rappelé que celui-ci n’avait « pas de candidat privilégié » , et qu’il s’appuierait « avant tout sur trois critères : l’emploi évidemment, la capacité à investir dans l’outil industriel et la qualité du service qui pourra être fourni aux consommateurs ».
Téléphonie mobile, Montebourg pousse l’offre de Bouygues sur SFR
Propos recueillis par Daniel Rosenweg
Le Parisien du 9 mars 2014
Chantre du made in France, Arnaud Montebourg était plutôt discret jusque-là sur le dossier SFR, même s’il a rencontré il y a dix jours durant deux heures chacun des candidats au rachat. Maintenant que Numéricable-Altice et Bouygues ont déposé leur offre de reprise, le ministre du Redressement productif veut «faire monter les enchères».
Dans une interview exclusive au «Parisien Dimanche» - «Aujourd'hui en France», il marque sa préférence pour un secteur de la téléphonie mobile avec trois opérateurs. Une manière de pousser l’offre de Bouygues sur SFR.
Que demandez-vous aux opérateurs ?
Arnaud Montebourg. L’arrêt de la guerre des prix, la stabilisation du secteur, la reprise des investissements notamment dans la fibre où il faut injecter 30 Mds€ et la relocation des centres d’appels.
Qu’attendez-vous des candidats au rachat de SFR ?
La ligne rouge est claire : ce sera zéro plan social, zéro plan de départs volontaires, zéro licenciement. Et engagement de patriotisme économique, c’est à dire cotation à la Bourse de Paris, siège social en France, recherche et developpement en France, relocalisation de call-centers et achat des équipements télécoms chez le français Alcatel. Je demande donc à voir. Mais nous souhaitons déjà que les candidats améliorent ces offres au regard de nos exigences.
Quelle est alors votre position sur les offres présentées ?
La concurrence par la destruction s’arrêtera si nous revenons à trois opérateurs mobile tout en maintenant des prix bas. Elle ne s’arrêtera pas si Numéricable conquiert SFR puisque la concurrence restera à quatre dans le mobile. Et au final, soit Free soit Bouygues, sera à ramasser à la petite cuillère avec des milliers d’emplois perdus. Se pose aussi la question des investissements : est-ce que le repreneur privilégiera le Plan fibre très haut débit du gouvernement ? Le câble, c’est du bon débit, alors que la fibre c’est du très haut débit et la France a besoin de haute performance, c’est vital dans la compétition mondiale. Nous demandons que le rachat de SFR se traduise par une accélération du plan fibre. Nous attendons des engagements clairs.
Où va votre préférence ?
Au mieux disant en matière d’emploi, d’investissement et de patriotisme économique. (...) Si on revient à trois on est plus fort que si on subsiste à quatre !
Télécom, Free Mobile grand gagnant de la consolidation en France
Solveig Godeluck
Les Echos du 9 mars 2014
Le quatrième opérateur mobile est entré en négociations exclusives avec Bouygues pour acheter le réseau de ce dernier et des fréquences au prix de 1,8 milliard d’euros. Le groupe de BTP joue son va-tout pour avoir le droit d’acquérir SFR.
C’est Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom, qui le dit dans le Journal du Dimanche ce matin : son groupe est entré en négociations exclusives pour vendre un réseau mobile de 15.000 antennes plus des fréquences, dont de la 4G, pour un montant de 1,8 milliard d’euros. Les négociateurs des deux camps ont discuté intensivement pendant trois jours et trois nuits, Maxime Lombardini et Thomas Reynaud, côté Free ; Olivier Roussat et les représentants de la maison-mère Bouygues, de l’autre côté. Grâce à l’entregent du banquier de Rothschild Grégoire Chertok, ils sont parvenus à discuter en bonne intelligence, alors que jusqu’à présent ils s’ignoraient superbement.
L’objectif pour Bouygues est de montrer patte blanche face au gendarme de la concurrence . Le groupe a en effet dévoilé mercredi son projet pour racheter SFR , ce qui ferait passer de 4 à 3 le nombre d’opérateurs mobiles sur le marché. Une éventualité qui fait débat, quatre ans après la décision de faire entrer un nouvel acteur sur le marché, et deux ans après l’ouverture des services de Free Mobile.
Free, grand gagnant ?
En fin de compte, si l’offre Bouygues l’emporte, le grand gagnant pourrait bien être Free. Pour commencer, l’iconoclaste fondateur de Free, Xavier Niel, va pouvoir tenir à distance un autre entrepreneur atypique, Patrick Drahi, qui a lui aussi fait une offre sur SFR. Son câblo-opérateur Numericable est tout petit, mais allié au géant SFR il aurait les moyens de fabriquer un opérateur dynamique.
Ensuite, les conditions qui sont faites à Free sont exceptionnelles. Bouygues vient de payer 911 millions d’euros pour acheter des fréquences 4G aux enchères, et Free n’a pas réussi à remporter des fréquences basses 800 MHz lors de cet appel d’offres. Il va pouvoir se rattraper. On ne sait pas exactement de quelles fréquences Xavier Niel va hériter, mais on sait qu’il y aura de la 2G (précieuse puisqu’aujourd’hui il n’en a pas du tout, alors qu’un grand nombre de clients sont encore équipés de vieux téléphones), de la 3G et de la 4G.
15.000 antennes pour Free
Quant au réseau, Free va récupérer l’intégralité de celui de Bouygues Telecom, soit 15.000 antennes. Foin du minutieux découpage réalisé dans le cadre du partage de réseau Bouygues/SFR, signé en février : les deux partenaires commerciaux jetteraient tout pour fonctionner avec le réseau unique de SFR. Bouygues Telecom gardera toutefois son cœur de réseau et ses abonnés. Quant aux pylônes, ils ont déjà tous été vendus à TDF ou à FPS, des spécialistes de l’infrastructure qui les louent à qui veut. Cela n’enlève rien à la valeur des équipements actifs, et des travaux qui ont été effectués depuis des années pour régler les antennes, mailler le territoire, dénicher et négocier les sites, les raccorder aux grandes artères de l’Internet.
Xavier Niel avait beau jeu de clamer qu’il n’avait pas besoin de réseau, ayant déjà couvert 60% de la population, et passé commande pour 30% supplémentaires - en réalité, c’est un coup de maître s’il parvient à acheter, pour moins de 1,8 milliard d’euros, cette infrastructure dans laquelle Bouygues a investi des milliards d’euros pendant des années. Surtout si l’on rapporte cette somme au tarif de son contrat d’itinérance, qui lui permet d’utiliser les antennes d’Orange là où il n’a pas déployé son propre réseau : quasiment 700 millions d’euros versés en 2013, et probablement autant en 2014. Avec le réseau de Bouygues, ce coût va disparaître, et Free, avec ses 8 millions d’abonnés, n’aura plus qu’à remplir un réseau capable d’en contenir 20 à 25 millions pour accroître ses profits…
Au demeurant, Free ne reprendra pas le personnel de Bouygues Telecom en charge de l’entretien et de la maintenance. Une condition sine qua non pour l’opérateur qui a réussi à diviser les prix par deux dans le mobile en grande partie grâce à une structure de coûts très faible. Free a aussi une culture d’entreprise «do it yourself», difficile à marier avec le fonctionnement d’un opérateur classique.
Choix de Vivendi dans les prochains jours
Vivendi va faire son choix dans les jours qui viennent entre le projet de Numericable et celui de Bouygues, qui est poussé par le ministre Arnaud Montebourg, par Free et par Orange, tous ravis de voir la concurrence se réduire. Si jamais il opte pour Bouygues, il y a encore l’inconnue de l’Autorité de la concurrence, qui pourrait se montrer sévère. La transaction avec Free est sous condition d’accord de l’Autorité, et aussi du régulateur des télécoms pour la vente des fréquences.
Ultime victoire de Free si jamais Bouygues emporte le morceau : Bouygues et SFR vont mettre du temps à fusionner et à s’organiser, d’autant plus que Martin Bouygues a promis de ne pas licencier et de ne pas ouvrir de plan de départ alors qu’il y aura de nombreux doublons. Ce sera le moment d’aller à la pêche aux abonnés…
SFR, l'ingérence inopportune de l'Etat
Le Monde du 15 mars 2014
L'affaire Vivendi-SFR montre sans doute jusqu'où la puissance publique ne doit pas – et ne peut pas – aller. On ne peut que se réjouir que l'Etat cherche à redonner sa noblesse à l'industrie. Pendant trop longtemps – une quinzaine d'années –, le tissu économique et social français a été livré à lui-même, les gouvernements, de droite comme de gauche, estimant qu'ils n'avaient pas à intervenir, à quelques exceptions près, dans les stratégies de groupes industriels privés.
Arnaud Montebourg, le bouillonnant ministre du redressement productif, après des débuts émaillés d'éclats souvent contre-productifs, a réussi à redonner du crédit à l'action de l'Etat sur ce terrain. L'Etat stratège industriel, c'est une bonne idée. Mais encore faut-il avoir une stratégie. Or l'intervention volontariste de M. Montebourg dans le processus de vente du second opérateur mobile français, SFR, a manqué de clarté quant à ses motivations. Son échec prend l'allure d'un camouflet pour le gouvernement.
Vendredi 14 mars, Vivendi, société privée, a choisi de vendre SFR à Altice, une société d'investissement cotée à la Bourse d'Amsterdam qui détient notamment le câblo-opérateur français Numericable. C'est son droit et son choix, même si certains le jugent contestable. Jusqu'à la dernière minute, M. Montebourg a soutenu bec et ongles l'offre concurrente déposée par Bouygues et appuyée par Free. Il a même fait preuve de légèreté en déplorant, vendredi matin sur Europe 1, le choix que s'apprêtait à faire Vivendi avant même que la décision soit connue…
Cette prise de position tranchée est d'autant plus étonnante que les deux offres concurrentes étaient toutes deux porteuses d'incertitudes sur l'emploi et l'investissement, n'en déplaise aux protagonistes – et à la surenchère de promesses à laquelle ils se sont livrés. Le projet Numericable est sans doute financièrement le plus périlleux. Celui présenté par Martin Bouygues était socialement le plus risqué.
Faute d'avoir énoncé une politique industrielle claire en la matière, des réflexes que l'on croyait d'une autre époque ont resurgi en quelques semaines. Dans ce mariage, il semble que les relations personnelles aient joué un rôle plus important que les raisons de fond.
Si l'idée sous-jacente de l'Etat stratège était de sauver le soldat Bouygues Telecom, l'opérateur le plus affaibli par la guerre des prix, c'est raté. Cela aurait mérité d'être explicité. Surtout, cela aurait justifié d'explorer différentes alternatives en amont, sans attendre que surgisse le projet Numericable-SFR, quasiment bouclé d'avance.
Tétanisé par l'audace interventionniste du ministre du redressement productif, le gouvernement s'est jeté tête baissée dans la gueule du loup. Vivendi en a profité pour faire monter les enchères. Au passage, ce résultat va alourdir encore un peu plus la dette qui entravera le nouveau groupe.
Ce fiasco ministériel est d'autant plus dommageable qu'il a rendu totalement inaudible une autre initiative, beaucoup plus constructive. Les plans de la « Nouvelle France industrielle », pour lesquels M. Montebourg a beaucoup œuvré, étaient lancés en grande pompe ce même 14 mars à Matignon. Il s'agit de concrétiser les projets d'avenir dans 34 secteurs industriels où l'Etat et les entreprises ont choisi de travailler main dans la main. Un projet qui dessine, là, une vraie stratégie.
Bouygues lance une surenchère pour rafler SFR
Les Echos du 21 mars 2014
Solveig Godeluck, Romain Gueugneau et Sharon Wajsbrot
Le groupe de BTP propose 13,2 milliards d'euros pour rompre l'exclusivité avec Numericable.
La participation de Vivendi dans le futur ensemble est considérablement réduite.
Cette nouvelle offre de Martin Bouygues a été formulée pour répondre aux critiques des administrateurs de Vivendi qui avaient préféré l'offre de Numericable. - Photo Sipa
Martin Bouygues ne s'avoue pas vaincu. Hier soir, après un conseil d'administration extraordinaire, le propriétaire du troisième opérateur mobile a présenté une troisième offre sur SFR. Le grand patron, qui n'a pas froid aux yeux, revient à l'attaque, alors que Numericable est entré en négociations exclusives vendredi dernier avec Vivendi. Cette exclusivité de trois semaines court jusqu'au 4 avril mais les négociations peuvent être interrompues sans pénalité.
Cette nouvelle offre de Bouygues a été formulée pour répondre aux critiques des administrateurs de Vivendi qui avaient préféré l'offre de Numericable. La part de numéraire augmente ainsi considérablement, passant de 11,3 milliards d'euros, entièrement en dette, à 13,2 milliards d'euros avec de l'argent frais. Le conseil de Vivendi avait estimé que les 450 millions d'euros de cash en plus proposés par Numericable étaient décisifs ? Bouygues renverse l'écart et propose trois fois plus de cash : sa nouvelle offre comporte 1,4 milliard de numéraire de plus que l'offre Numericable.
Autre argument choc de Bouygues : la liquidité. Vivendi s'inquiétait de devoir conserver une participation de 43 % dans le nouvel ensemble en cas de mariage avec Bouygues. La proposition de Numericable, de 32 %, était plus alléchante. C'est pourquoi Bouygues, aidé de sa banque-conseil Rothschild, s'est débrouillé pour faire tomber ce pourcentage à 21,5 % lors du bouclage de l'opération.
La baisse de la participation de Vivendi - Bouygues monte, lui, à 62 % - sera rendue possible par l'entrée au capital de trois nouveaux actionnaires - trois poids lourds. Il y a là Artémis, le holding de François Pinault, vieil allié de Martin Bouygues : il investira 150 millions d'euros. JCDecaux, qui figure déjà au capital de Bouygues Telecom (9,5 %), injectera 100 millions. Surtout, la Caisse des Dépôts entre dans la danse.
Son directeur général, Jean-Pierre Jouyet, avait laissé entendre dans une interview aux « Echos » lundi que la lutte n'était pas finie. Elle investira 300 millions en cash, ce qui devrait porter sa participation à 3 ou 3,5 % du capital après la mise en Bourse programmée du nouvel ensemble. « Si le deal se fait, la Caisse sera donc dans une posture d'investisseur institutionnel classique », explique une source proche de l'institution. Autrement dit, il s'agira d'une ligne de portefeuille parmi d'autres.
A l'Elysée, on fait savoir qu'il ne s'agit pas d'une commande présidentielle. La Caisse confirme avoir été sollicitée en direct par Bouygues, qui avait essuyé un refus de bpifrance vendredi, juste après la décision du conseil de surveillance de Vivendi de choisir Numericable. Si l'on ajoute les participations de la Caisse des Dépôts, de CNP Assurances et des fonds d'épargne de la Caisse, l'institution possède déjà environ 4 % du capital de Vivendi et 4 % de Bouygues (dont 3,3 % pour la Caisse en direct). Elle est investisseur de longue date dans la modernisation des réseaux télécoms du pays, depuis la création du réseau téléphonique cuivre jusqu'aux réseaux d'initiative publique en fibre optique. Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance de la Caisse, a défendu le projet Bouygues et a déclaré aux « Echos » : « Le projet était plus intéressant sur le plan industriel, sur le volet social. Nous avons été particulièrement attentifs aux aspects de couverture du territoire - une question sur laquelle Numericable n'a pas toujours fait ses preuves jusqu'à présent. »
Aussi décidée soit sa direction, la Caisse des Dépôts n'y serait pas allée sans le soutien d'investisseurs de long terme, qui comptent rester au capital de l'opérateur. Par ailleurs, du côté de Bouygues, on espère bien faire monter au capital d'autres investisseurs qui pourraient se substituer totalement à Vivendi. « Si nous avons été capables en une semaine de trouver trois actionnaires de ce poids, nous pourrions en convaincre d'autres de monter à bord d'ici à la finalisation du deal », explique une source proche de Bouygues.
L'accord Bouygues-Free demeure valide et inchangé
L'accord trouvé il y a près de deux semaines entre Bouygues et Free demeure valide et inchangé : Bouygues lui cédera l'intégralité de son réseau mobile et une partie de ses fréquences pour 1,8 milliard d'euros, ce qui lui permettra d'accroître la part en cash de son offre et surtout de répondre aux préoccupations de l'Autorité de la concurrence.
Chez Numericable, on ne se prononce pas sur une éventuelle surenchère et on fait remarquer que la valeur totale est tombée à 17,4 milliards d'euros avec synergies contre plus de 19 milliards dans la proposition initiale. « Nous sommes en négociations exclusives encore deux semaines. Depuis l'annonce de vendredi, nous travaillons de manière étroite et efficace avec les équipes de SFR et de Vivendi », commente Numericable.
La porte-parole des petits actionnaires Colette Neuville a écrit hier une lettre à Jean-René Fourtou, le président du conseil de Vivendi, pour relayer les inquiétudes de certains actionnaires qui préféraient l'offre initiale de Bouygues à celle de Numericable. Elle demande la publication des offres, des analyses indépendantes et un vote en assemblée générale.
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