15/06/2011
Centralisation des données ?
Les "créateurs" du réseau "Internet" auraient aujourd'hui de sérieux cauchemars !
Lorsqu'Arpanet est créé en 1969 (la toile qui sera vite appelée Internet), l'objectif était de créer un réseau "inoxydable", qui pourrait fonctionner en toutes circonstances malgré la destruction de plusieurs "noeuds" ! De quelques Centres de calcul de l'époque, Internet relie aujourd'hui des milliers de noeuds et d'installations électroniques à travers le monde entier !
IBM est le premier à avoir préconisé les "gros systèmes", qui centralisaient toutes les données d'une entreprise multi-nationale. Puis l'avènement du PC individuel donne la liberté du stockage au plus près de l'utilisateur, sa multiplication étant conforme aux principes de dispersion des données.
Aujourd'hui le "Cloud", proposé par Amazon, Microsoft et les autres, est à nouveau une concentration en quelques "datacenters" bien protégés des données individuelles, avec quelques dollars à la clé ! La sécurité est-elle assurée "à nouveau" ?
Des "résistants" à la centralisation ont fondé leur réputation sur la gestion de "réseaux dispersés" : Google, le plus connu, Akamai, le plus utile car il assure la redondance à travers le monde entier pour un accès plus rapide... leur gestion est une véritable prouesse technique ! Les "réseaux pirates", type "botnet", ont la même structure !
La "sagesse" de 1969 sera-t-elle oubliée ?
TOM LEIGHTON COFONDATEUR ET DIRECTEUR SCIENTIFIQUE D'AKAMAI
Internet , le patron d'Akamai craint un accident lié au « cloud »
Les Echos du 14 juin 2011
D'après Tom Leighton, les datacenters sont la « pire place au monde » pour distribuer les données. Cet ex-professeur de mathématiques au MIT a conçu un réseau de 90.000 serveurs disséminés dans le monde, doublé d'une architecture logicielle complexe, afin de rendre l'Internet plus fluide et plus rapide pour ses clients. Akamai concurrence aujourd'hui les grands opérateurs qui veulent eux aussi « accélerer » le trafic pour la vidéo.
L'américain Akamai a conçu un réseau de 90.000 serveurs disséminés dans le monde, doublé d'une architecture logicielle complexe, afin de rendre l'Internet plus fluide et plus rapide pour ses clients. La société concurrence aujourd'hui les grands opérateurs qui veulent eux aussi « accélérer » le trafic pour la vidéo.
En 1998, lorsque vous avez créé Akamai, imaginiez-vous que le réseau arriverait à ce niveau de saturation ?
C'est pour cela que nous avons créé la société ! Aujourd'hui, il est parfois difficile de téléphoner durant un événement sportif parce qu'il y a trop de monde connecté simultanément. En 1999, c'était déjà la même histoire : on a dit que la firme de lingerie Victoria's Secret avait à elle seule « crashé l'Internet »... En 1995, j'ai commencé à travailler au MIT sur des solutions pour que les sites Web puissent absorber les pics de trafic et que les pages chargent plus vite - la sécurité n'était pas encore une priorité à l'époque. Nous avons mis au point des algorithmes et une architecture informatique distribuée qui ont été le fondement technologique d'Akamai.
Vous aviez donc des « nuages » de serveurs avant la mode du « cloud » ?
Notre « cloud » est beaucoup plus authentique que celui des nouveaux acteurs de ce marché. Alors qu'ils se concentrent sur quelques « data centers », nous avons 90.000 serveurs répartis dans des milliers d'endroits différents. Ils disent qu'il est plus rentable de rassembler toutes leurs ressources dans quelques endroits, ce qui est faux. Cela nous coûte moins cher de poser un serveur chez un petit fournisseur d'accès qui paiera lui-même l'électricité, la climatisation, parce qu'il a vraiment envie d'avoir ce serveur. Certains seraient d'ailleurs prêts à payer pour ça ! Encore faut-il savoir gérer l'ensemble : répartir les charges de travail, prendre en compte l'arrivée de nouveaux serveurs... Nous avons passé dix ans à y travailler avec des centaines de développeurs. Nous avons créé nos propres protocoles de communication qui se superposent à ceux d'Internet, plus des algorithmes pour collecter et traiter les données autour du monde. Toute cette intelligence ne tiendrait pas dans un ordinateur unique. Nous avons construit notre propre Internet imaginaire, un réseau virtuel encore plus décentralisé qu'Internet.
Que pensez-vous de l'engouement actuel pour l'informatique dans les nuages ?
Les énormes « data centers » sont juste la pire place au monde pour distribuer des données. Des serveurs vont être inaccessibles, des « data centers » vont tomber, le système dans son ensemble va crasher. Regardez les soucis qu'a pu créer la panne du service de « cloud » d'Amazon en avril, la rupture d'un câble au Moyen-Orient, une inondation dans les « data centers » londoniens. Et puis à cause de la centralisation, les données des entreprises deviennent une cible pour les attaquants. En 2010, les cyberattaques sur l'e-commerce ont été multipliées par dix. Pourtant, les grandes entreprises continuent à mettre toutes leurs ressources au même endroit. Nous connaissons ce réflexe. Avant de créer Akamai, quand nous avons présenté notre projet du MIT aux grands opérateurs, ils nous ont ri au nez : « Tout le monde sait que l'informatique distribuée, ça ne marche pas ! » L'histoire ne leur a pas donné raison.
Pourquoi n'améliore-t-on pas tout simplement l'Internet pour éviter les problèmes d'engorgement ? Si vous l'avez fait, c'est possible...
Effectivement, on devrait réparer ça. Le problème, c'est qu'Internet est constitué de 20.000 réseaux. Il faudrait changer des millions de routeurs et en racheter d'autres. Qui prendrait la décision ? Aucune entité n'a la légitimité pour le faire. Ca fait vingt ans qu'on parle du « DNS Sec », un protocole qui permettrait de sécuriser de façon basique le réseau. Mais personne ne se lance. C'est très dur de changer l'Internet. Croyez-moi, dans dix ou vingt ans, on parlera encore des vieux protocoles d'Internet.
Les opérateurs télécoms veulent devenir des diffuseurs de vidéo en ligne, en stockant les contenus dans leurs propres serveurs. Craignez-vous ces nouveaux concurrents ?
Cisco raconte aux opérateurs qu'il suffit d'acheter ses routeurs pour faire comme Akamai, ce qui n'est pas vrai. De plus, cela ne fonctionne que sur leur propre réseau, alors que nous couvrons 1.000 réseaux différents. Les fournisseurs de contenus n'ont aucune envie de discuter avec 1.000 opérateurs pour être bien distribués. Quant à créer une fédération d'opérateurs, ce n'est pas évident. De notre côté, nous voulons travailler avec les opérateurs. Nous avons compris qu‘ils voulaient garder la maîtrise des serveurs. Nous sommes en discussions avancées avec plusieurs d'entre eux, y compris en France, pour leur vendre notre solution de diffusion de contenus [« content delivery network »] et les laisser l'opérer eux-mêmes. Nous sommes également prêts à payer l'accès à leur réseau.
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