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23/10/2010

Retard à l'allumage !

Conseil d'État
N° 330216
Inédit au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Martin, président
Mme Marie-françoise Lemaitre, rapporteur
M. Guyomar Mattias, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du vendredi 22 octobre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS






Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet et 29 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL, dont le siège est 26-28 rue de Londres à Paris (75009) ; la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à ce que soient adoptés les décrets d'application de l'article 1369-8 du code civil ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre ces décrets dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIÉTÉ DOCUMENT CHANNEL,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIÉTÉ DOCUMENT CHANNEL ;



Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite refusant de prendre les décrets de mise en oeuvre de l'article 1369-8 du code civil :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre assure l'exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire sous réserve de la compétence conférée au Président de la République pour les décrets en Conseil des ministres par l'article 13 de la Constitution ; que l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect d'engagements internationaux de la France y ferait obstacle ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1369-8 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 16 juin 2005 : Une lettre recommandée relative à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat peut être envoyée par courrier électronique à condition que ce courrier soit acheminé par un tiers selon un procédé permettant d'identifier le tiers, de désigner l'expéditeur, de garantir l'identité du destinataire et d'établir si la lettre a été remise ou non au destinataire. (...) / Lorsque l'apposition de la date d'expédition ou de réception résulte d'un procédé électronique, la fiabilité de celui-ci est présumée, jusqu'à preuve contraire, s'il satisfait à des exigences fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Un avis de réception peut être adressé à l'expéditeur par voie électronique ou par tout autre dispositif lui permettant de le conserver. / Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

Considérant que ces dispositions ne permettent de présumer la fiabilité des informations relatives à l'identité de l'expéditeur et du destinataire et à la remise d'un courrier électronique afférent à la conclusion d'un contrat ou à ses modalités d'exécution, que dans la mesure où le procédé électronique utilisé est conforme à des prescriptions réglementaires fixées par décret en Conseil d'Etat ; que si l'absence de mesures réglementaires ne fait pas obstacle à la faculté, prévue par l'article 1369-8 du code civil, d'employer un procédé électronique afin d'envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception relatif à un contrat, elle ne permet toutefois pas de satisfaire à la présomption instituée par le législateur ; qu'en dépit des difficultés techniques éventuellement rencontrées par l'administration dans l'élaboration des textes dont l'article précité prévoit l'intervention, son abstention à les prendre à la date de la décision attaquée s'est prolongée au-delà d'un délai raisonnable ; que, dans ces conditions, la décision implicite née le 31 mai 2009, par laquelle le Premier ministre a refusé d'édicter le décret prévu par les dispositions précitées de l'article 1369-8 du code civil méconnaît l'article 21 de la Constitution et doit, par suite, être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre le décret d'application de l'article 1369-8 du code civil en tant qu'il est relatif aux procédés techniques permettant d'établir une présomption d'envoi et de réception d'un courrier recommandé électronique, implique nécessairement l'édiction de ce décret ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner au Gouvernement d'édicter ce décret dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé d'édicter le décret prévu par les dispositions de l'article 1369-8 du code civil est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre de prendre, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, le décret en Conseil d'Etat nécessaire à l'application de l'article 1369-8 du code civil.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DOCUMENT CHANNEL, au Premier ministre et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Code Civil, l'article 1369-8, qui institue "la lettre recommandée électronique"

Le progrès "informatique" a du mal à entrer dans la réglementation française ! L'ordonnance de 2005 prévoyait pourtant le recours à des décrets en Conseil d'Etat pour préciser qu'elles étaient les exigences sur le procédé d'envoi des lettres recommandées électroniques en matière de date d'expédition et de date de réception !

La "lettre recommandée" en droit français est en effet souvent le point de départ des litiges de tous ordres. La date d'expédition et la date de réception par le destinataire revêtent donc une importance considérable dans la suite judiciaire !

Cette question techniquement "complexe" est résolue aujourd'hui dans le domaine du paiement des impôts par Internet, même dans les départements français d'Outre Mer. Sur le plan technique elle est assumée par différents procédés (horodatage par un tiers de confiance...).

Cinq ans après son apparition, la lettre recommandée électronique selon l'article 1369-8 du Code Civil n'est toujours pas "parfaitement" définie !

Commentaires

En"guerre électronique" , il y a en "Comint", une partie qui s'appelle "l'intrusion" de manière à pratiquer ce que l'on nomme en anglais otanesque la "deception" ou la "transception": Quand c'est bien fait on n'y voit que du feu! alors la lettre recommandée "électronique" bon courage! Je n'y crois pas!

Écrit par : Padrig | 23/10/2010

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