06/10/2010
Plaisancier, un "décimètre" !
Bar, part égale entre le métier et le loisir
Télégramme de Brest du 5 octobre 2010
Il y a quelques jours, Le Télégramme évoquait les tensions entre plaisanciers et professionnels sur le bar, au large du Conquet. Les mêmes frictions ont parfois lieu en Cornouaille. Le point sur un poisson qui suscite bien des convoitises, vu du côté «loisir».
Paul Vinay, président finistérien et régional de la Fédération des pêcheurs plaisanciers. «On peut accepter le principe que les prélèvements de bars s'équilibrent entre professionnels et plaisanciers», dit-il. Combien? La réponse est incertaine. Ifremer donne dans un document diffusé en janvier dernier, une estimation de 5.600t de bars pêchés par les plaisanciers en France, soit légèrement plus que la part professionnelle (voir ci-dessous). L'Institut estime le nombre de pêcheurs de bar «loisir» à 229.215 dont 30.418dans le Finistère. Ces chiffres résultent d'une «extrapolation» à partir d'une enquête téléphonique réalisée en 2009 auprès de 15.000 foyers. «Ce n'est pas crédible, estime Paul Vinay. Au total ce sont seulement 460pêcheurs de bar qui ont été interrogés. On ne peut pas faire des moyennes». Entre le pêcheur qui sort tous les jours avec son canot de 3,50m mouillé dans un abri du Cap-Sizun et le plaisancier de Bénodet qui navigue pour le plaisir et ramène une cinquantaine de maquereaux à l'année et «accidentellement» un ou deux bars, il y a un monde de statistiques. «Les revendeurs de poissons, tout le monde les connaît, nous comme l'administration», ajoute-t-il. £
Stéphane Tiercelin, skipper de pêche sportive aux Glénan et dans le raz de Sein.
«Il y a une diminution des populations de bars, 20% à 25% peut-être depuis que je me suis installé à la pêche sportive, il y a six ans. Mon activité peut continuer car le matériel, les techniques nous permettent de pêcher de mieux en mieux. Il nous faut évoluer en permanence: le poisson s'habitue à nos appâts et nos leurres. Je travaille d'avril à la fin octobre entre les Glénan et Audierne jusqu'à 20 milles au large. L'an dernier fut exceptionnel. La météo a été pourrie, ce qui est bon pour nous. Le poisson était là. Cette année, il y a eu une belle météo et le poisson n'est pas resté près du bord. Du bar, il y en a quand même.J'en pêche tous les jours. Depuis le début de la saison, je suis revenu bredouille deux fois. Quand nous pêchons, nous gardons trois poissons maximum selon la taille. La taille réglementaire, c'est 36cm. Les plaisanciers les gardent en général à partir de 42cm. Pour mon activité j'ai fixé la limite à 45cm. Il faudrait fixer un nombre maximum pour les plaisanciers, ne pas dépasser la portion alimentaire du jour pour remplir le réfrigérateur. Lors de nos sorties nous cherchons le poisson record pour la photo, pas les grosses quantités. On essaie de les sortir proprement et on les remet à l'eau».
Denis Christien, organisateur de l'Open Labrax des Glénan, concours de pêche au bar qui se déroule mi-juin (1).
«Cette année a été particulière. Il y avait du poisson jusqu'à un coup de vent début juillet. À la mi-juin pour le concours, les gars ont très bien pêché. Cette année, on a sorti un bar de 82cm. Les quantités ont été stables. Ensuite, nous avons eu beaucoup de mal à en sortir. La température de l'eau était basse cet été aux Glénan. L'eau était à 15 ºC alors qu'à la même époque autour de Chausey elle était à 18 ºC. Il y a moins de poissons, mais c'est difficile de dire que c'est à cause de la surpêche. Il y a des facteurs biologiques, climatiques». «Je n'avais jamais vu des moyennes de bars pêchés par manches, en centimètres, aussi grandes, commente une participante sur son blog. 78cm pour les Crenn! 68cm pour les Houssais/Lavion. L'an dernier les moyennes avaient atteint 80cm. En tout à la première manche, 242 bars ont été pêchés. À la deuxième manche, 215bars sortis leurrés...»
(1) Le classement de ce concours en deux manches, se fait par points. Ils représentent les centimètres cumulés des poissons sortis et relâchés vivants. La taille minimum est de 42cm.
Propos recueillis par Ronan Larvor
Morbihan Plaisance, il n'y aura pas de permis de pêche en mer
Télégramme de Brest du 6 octobre 2010
Une charte pour la pêche de loisir en mer a été signée à Paris, en juillet. Paul Vinay, président pour la Bretagne de la Fédération des pêcheurs plaisanciers, pointe les avancées et les difficultés du document.
Vous avez participé à la préparation de la charte avec le ministèrede l'Écologie?
Il a fallu forcer des portes pour être accepté aux réunions du Grenelle de l'environnement puis de la mer. La fédération des pêcheurs plaisanciers n'était pas invitée. Nous avons réussi et l'idée de la charte est sortie des débats.
Pourquoi avez-vous été oubliés?
Peut-être parce que nous posons des questions qui peuvent gêner. Par exemple, quand nous mettons en doute des données d'Ifremer sur le bar où il est annoncé 30.000 pêcheurs de bar en loisir dans le Finistère et 5.600 tonnes pêchées en France par les plaisanciers, à la suite d'extrapolations. La seule donnée que nous pouvons admettre, c'est un équilibre entre le prélèvement des plaisanciers et des professionnels.
Quel est le premier avantage de cette charte?
Elle met un point d'arrêt aux débats et disputes comme celles que l'on pouvait justement avoir avec Ifremer. Il y a eu un accord autour de cinq points fondamentaux. Les principes du permis de pêche et des quotas pour les plaisanciers qui étaient encore à l'ordre du jour au début des discussions ont été abandonnés.
Y aura-t-il un permis de pêche?
Jusqu'à la fin, il y a eu des tentatives au ministère de l'Écologie pour rajouter ce permis. Pourtant, on sait qu'il ne résoudra pas le problème de la pêche plaisance qui est d'évaluer et de traiter la pression sur les stocks et de lutter contre le braconnage.
Êtes-vous contre les quotas?
Si on nous dit qu'une ressource est en danger et qu'il faut mettre une espèce sous quota, personne n'ira contre. La réglementation doit évoluer sur les taillesminimales de capture, les périodes de repos biologique, la limitation des prises journalières pour certaines espèces en danger.
La charte prévoit-elle une déclaration obligatoire du pêcheur et un marquage de poissons pêchés?
La déclaration du pêcheur doit être précisée et affinée. Ce n'est pas encore opérationnel. Quant au marquage d'une nageoire, c'est la mesure qui suscite le plus d'interrogations. Pour empêcher la revente du bar ou du lieu, oui, mais faudra-t-il marquer le maquereau, la vieille? Aujourd'hui, tout le monde, y compris l'administration, connaît les braconniers. Il faut surtout renforcer les contrôles et les sanctions. Mais pour cela, il faut des moyens.
Cette charte est-elle applicable?
Pas actuellement. Il faudra des textes officiels pour qu'elle soit opérationnelle. Ce n'est sans doute pas pour demain.
Comme à Lanildut, les frictions entre plaisanciers et professionnels continuent-elles?
C'est une situation problématique locale qui n'est pas nouvelle. Il y a toujours eu des frictions dans la gestion de l'espace. Le sujet a été abordé au conseil de gestion du parc marin où je siège. Il n'est pas question de cantonnement à usage professionnel. Avec une bonne information et du bon sens, on peut avancer.
Propos recueillis par Ronan Larvor