Travail or not travail ?
12/05/2016
Luc Ferry s'insurge contre l'allocation universelle...
Sujet éminemment d'actualité, quand la comparaison s'effectue avec nos voisins, l'Allemagne et les Pays Bas (la Suisse est un cas particulier). Et même l'Alsace, qui garde des caractéristiques originales...
L'erreur économique est de croire que le partage sans condition est la solution au recul des inégalités !
Karl Marx, beaucoup plus fin que nos politiques actuellement au pouvoir, dénonçait plutôt la "capture" de la plus-value, donnée par le travail et demandait la juste rémunération du travail...
La prospérité dans nos sociétés est fragile !
Giscard d'Estaing fit ainsi l'erreur de croire que la redistribution des plus-values était arrivé. Avec les erreurs de son premier économiste de France, Raymond Barre, il fit le lit de François Mitterrand, qui s'empresse dans ses premiers mois de règne de réduire la durée du travail et d'augmenter la durée des congés. Une hausse immédiate en octobre 1981 de 11% des coûts du travail, suivie de deux dévaluations successives.
Erreur funeste de croire qu'en travaillant moins, on gagne plus ! L'écart des commerces extérieurs de la France et de l'Allemagne devient inquiétant. Fort heureusement, la monnaie commune européenne sert de paravent aux différences de productivité !
Depuis 1981, la France se berce dans la fainéantise et accuse l'Allemagne de travailler trop !
Depuis 2012, les mesures en faveur des chômeurs, des jeunes, le non-alignement entre secteur privé et secteur public, le rabotage des retraites, ajoutées aux fondamentaux des 35 heures, des RTT et des arrêts de travail n'ont pas fait progresser la productivité du travail...La hausse des impôts a fait partir les plus jeunes et les plus actifs...
La situation économique de la France vit de la perfusion "obligée" des allemands et des populations du Nord de l'Europe... une reprise de la hausse des taux d'intérêt et du prix des matières premières risque de créer un nouveau cas "grec"...
Travail, travail, la seule solution de sortie de crise !
Luc Ferry, contre l'allocation universelle
Le Figaro du 12 mai 2016
LA CHRONIQUE DE LUC FERRY
Le principe de l'allocation universelle est absurde et immoral car il fabrique une société d'assistés et de feignants, d'individus hors sol, totalement déconnectés du collectif dont ils reçoivent tout sans rien donner en échange.
J'ai toujours pensé que Marx avait raison au moins sur un point, avec sa fameuse théorie de la valeur des marchandises. Oui, c'est bien en dernière instance le travail qui toujours crée la richesse. La loi de l'offre et de la demande peut bien expliquer pourquoi une denrée rare et désirable devient chère, mais elle n'explique jamais la création de valeur en tant que telle. On voit mal, par exemple, comment une terre non cultivée pourrait durablement nourrir une population, comment des matières premières non transformées, du fer ou du cuivre, pourraient par miracle devenir des objets de consommation. Dans ces conditions, j'avoue ne pas percevoir pourquoi ceux qui travaillent et créent les richesses qui nous permettent de vivre voudraient payer un loyer mensuel à ceux qui ne veulent pas travailler. Du reste, au nom de quoi devraient-ils le faire?
Comprenons-nous bien: ceux qui travaillent acceptent de payer, via l'impôt, pourles retraités ou les chômeurs, parce qu'ils supposent qu'on ne peut décemment demander aux premiers de travailler et que les seconds ne sont privés de travail que contre leur gré.Mais s'agissant d'individus qui veulent se la couler douce aux frais des autres sans vouloir participer financièrement à l'effort collectif, j'aimerais bien qu'on me dise au nom de quel principe moral nous devrions les prendre en charge. Que celui qui ne travaille pas parce qu'il ne souhaite pas travailler ne gagne pas d'argent me semble une excellente chose, tout dispositif qui irait dans le sens contraire me paraissant profondément immoral.
Que celui qui ne travaille pas parce qu'il ne souhaite pas travailler ne gagne pas d'argent me semble une excellente chose.
Car il faut bien comprendre le principe de l'allocation universelle, qu'on ne doit surtout pas confondre avec un revenu minimum alloué aux seuls nécessiteux, à ceux qui pour une raison indépendante de leur volonté sont dans le dénuement. L'allocation universelle consiste à offrir une certaine somme d'argent - certains parlent de 850, voire de 1000 euros mensuels - à tous les citoyens, quel que soit leur revenu, qu'ils soient clochards ou milliardaires, et ce sans aucune condition, ni de ressource ni de travail.
Un tel dispositif me semble à la fois profondément absurde et immoral. Absurde car je ne vois aucune raison de donner une telle somme à quelqu'un qui dispose d'un compte en banque garni de milliards d'euros. Immoral car on déconnecte le revenu non seulement du travail, mais de toute obligation de réciprocité envers la société, qui en fait ainsi cadeau gratuitement à tous ses membres. Sauf que rien n'est gratuit, que cet argent ne tombe pas du ciel, qu'il provient inévitablement, comme je l'ai dit en commençant, du travail de ceux qui ont choisi d'y consacrer leurs forces et leurs talents. L'allocation universelle fabrique donc une société d'assistés et de feignants, d'individus hors sol, totalement déconnectés du collectif dont ils reçoivent tout sans rien donner en échange. Est-ce vraiment ce type de communauté qu'on souhaite favoriser?
Supposons par hypothèse que dans une telle société d'assistés permanents finalement personne ne souhaite plus travailler. Qui paiera alors la fameuse allocation ?
Les partisans de l'allocation universelle objectent que les individus peuvent participer à la vie collective indépendamment de l'emploi. Sans doute, mais pourquoi le feraient-ils si rien ne les y oblige, s'ils ont tous les droits et aucun devoir? Car c'est là que le bât blesse. Avec un tel dispositif, on parachève enfin de manière absolue la création d'une société où l'individu n'a plus que des droits et aucun devoir, sinon ceux qu'il s'impose le cas échéant à lui-même, en quelque sorte pour le plaisir, parce que ça lui convient, mais sans aucune obligation de réciprocité pour les sommes d'argent que l'État lui donne si généreusement, lui qui n'en produit pourtant aucune et qui ne dispose que des richesses accordées sous forme de taxes par le labeur des autres.
Poussons le raisonnement jusqu'à son terme et supposons par hypothèse que dans une telle société d'assistés permanents finalement personne ne souhaite plus travailler. Qui paiera alors la fameuse allocation? Quelle richesse irons-nous taxer? Celle de la nature vierge? Quelle blague! Sans travail, il n'y a pas de richesse naturelle qui vaille! Où l'on voit que ce système n'est pas universalisable, qu'il devient contradictoire dès qu'on le pousse dans ses derniers retranchements. Efforçons-nous plutôt, comme nous y invitait déjà le vieil Hugo, de mieux partager les richesses produites par le travail. Tout reste à faire quand on voit les écarts de fortune insupportables qui engendrent le mépris ou la haine, et réfléchissons-y à deux fois avant de mettre en place un système plus funeste encore que les 35 heures.
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