Vote de la généralisation du tiers payant en médecine libérale !
18/12/2015
La vocation d'un médecin est-elle soluble dans un système administratif de la Santé ?
Fréderic Bizard résume parfaitement l'évolution du système libéral français vers un horizon "administratif"... sous la pression de la hausse des dépenses.
La suppression de tout paiement enlève au consommateur son pouvoir de choix et de régulation. En économie théorique, la demande de soins ne peut que tendre vers l'infini, sans aucune limite... et la course "permanente" après les recettes en France depuis 1945 pour équilibrer le système ne risque pas de s'arrêter !
Au fond, la valeur n'existe plus dans la chaine de "santé", les mauvais médecins seront payés comme les meilleurs !
Ce qui mène tout droit à la pénurie et à la fin des vocations !
Un ministre, qui reste "au maximum" 5 ans dans ses fonctions, peut perturber "durablement" tout le système de santé !
La Loi de santé une étatisation sans vision
La Nouvelle République.fr du 18 décembre 2015
Frédéric Bizard
Interview de l’économiste Frédéric Bizard sur notre système de santé inadapté à notre monde moderne.
Le modèle de santé français est reconnu pour sa qualité et pourtant, il n'est plus adapté. Pourquoi ?
C'était en effet un modèle reconnu puisqu'on a eu en 2000, la consécration par l'OMS, en étant consacré meilleur système de santé du monde mais ça a été un peu le chant du cygne. Ce modèle a été construit sur la base d'un monde qui n'existe plus, celui de la moitié du XXe siècle, avec des inactifs qui sont devenus plus nombreux que la génération des moins de 20 ans, ce qui pèse sur les finances, avec un monde des pathologies aiguës qui est devenu un monde des pathologies chroniques et avec des innovations technologiques (nanotechnologie, biotechnologie, numérique…) qui n'existaient pas. Or, ces trois transitions-là changent radicalement la donne. Ce n'est pas que notre modèle devient mauvais, c'est qu'il est inadapté au monde qui l'entoure.
La Loi de santé de Marisol Touraine est censée répondre à ce changement. Or, vous êtes très critique…
D'une façon générale, la loi 2015 est en continuité avec la loi 2009, 2004 en matière d'étatisation du système. Depuis la loi Juppé, on a un État qui est convaincu qu'on a des difficultés, notamment dans la maîtrise des dépenses de santé parce qu'il y a trop de liberté chez les soignants et les soignés. C'est une erreur qui a été faite dans les années 1990. La loi 2015 donne fonction à un organe qui a été créé par les lois précédentes qui sont les agences régionales de santé (ARS), qui sont une émanation de l'État auxquelles on donne un pouvoir d'organisation de l'offre de soin. Elles avaient déjà le pouvoir pour le système hospitalier public, et maintenant, elles l'ont pour la médecine libérale. Le reproche qu'on peut faire, c'est qu'il s'agit d'une étatisation sans vision, sans stratégie. C'est une étatisation qui se fait avec tout le corps médical, privé et public, contre lui. Cela ne correspond pas au modèle français qui est basé sur le triptyque républicain, Liberté, Égalité, Solidarité.
Vous prévoyez la disparition des mutuelles de santé. Vous pensez qu'elles ne sont pas indispensables…
Non, ce n'est pas ça. Je ne suis pas défavorable à l'intervention d'opérateurs financiers privés dans le système de financement. Notre système de complémentaires santé, géré par plus de six cents opérateurs privés, est une véritable jungle. Il n'y a aucune régulation, aucune gouvernance qui permet d'assurer un bon fonctionnement de ce secteur économique qui doit permettre à l'assuré de faire jouer la concurrence avec efficacité. Par exemple, vous avez des tableaux de garantie qui utilisent éhontément l'assurance-maladie pour faire croire à une prise en charge généreuse lorsqu'on vous dit que vous êtes pris à 100 % pour l'orthodontie. Mais en fait, ce contrat vous rembourse 0 € parce que les 100 %, c'est la base des remboursements de l'assurance-maladie, c'est 193,50 € remboursés sur 900 €, le coût moyen d'une dépense en orthodontie. Je ne remets pas en cause ce système mais est-ce que ce système à deux étages, pensé en 1945 avec un premier étage solidaire public de protection des Français par rapport à la couverture du risque santé avec un deuxième étage de mutualisation des restes à charge pour les gros consommateurs de soin, est encore aujourd'hui pertinent ? Il faut repenser ce système-là qui est inefficace parce qu'il y a des renoncements en soins dentaires et optiques, pris en charge majoritairement par ce système. Que disent les assureurs ? C'est la faute des professionnels de santé qui ne pensent qu'à s'enrichir, il faut les maîtriser et faire des réseaux de soins pour les contrôler. Il faut effectivement les réguler, il faut repenser ce modèle, mais il faut surtout réguler les opérateurs financiers privés qui sont livrés à eux-mêmes. Je propose de garder tout le monde mais j'ai un système à un seul étage avec un seul financeur par soin, avec un panier de soins solidaires que je différencie du panier de soin individuel. Pour les mutuelles et les autres, je propose un contrat homogène standard qui soit défini par la loi. Il s'agit de définir dans le panier standard ce qui est indispensable à chaque Français. Libre aux mutuelles qui ont un panel d'actions sociales, d'enrichir ce contrat-là pour se différencier. La variable sera le prix et j'aurai une vraie concurrence. Et au-dessus, j'ai un système de souscription libre de l'assurance santé pour ceux qui veulent une meilleure couverture. Je passe ainsi d'une assurance santé complémentaire à une assurance santé supplémentaire.
profil
Frédéric Bizard
Frédéric Bizard est enseignant à Sciences Po Paris et chercheur en économie de la santé. Expert reconnu des systèmes de santé en France et à l'international, il conseille des gouvernements étrangers sur leur système de santé. Il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et du Master of Business Administration (MBA) de l'Insead, docteur vétérinaire, diplômé de l'École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort et de la faculté de médecine de Créteil. Frédéric Bizard est l'auteur de nombreux livres dont « Complémentaires santé : le scandale » ; « Une ordonnance pour la France » ; « Politique de santé, réussir le changement ».
Recueilli par Jean-François Minot
9 commentaires
Ainsi il existe une "économie théorique" et par conséquent une "économie pratique". Laquelle des deux se révèle avoir raison après coup?
L'économie théorique est-elle celle qui dit comment les choses auraient dû fonctionner, comme la météo prédit le temps qu'il aurait dû faire?
Toi, qui fait carrière dans la technique, c'est presque ça !
Tu peux développer une nouvelle machine à partir d'un plan... mais ensuite il faudra mettre la main dans le cambouis pour la mettre au point.
L'économie théorique est utile pour comprendre un mécanisme complexe (c'est le cas du système de santé français). Nos politiques, englués dans leurs certitudes (surtout à gauche !), ne connaissent pas les fondements économiques...
Pour ce que j'en sais, une théorie se construit à partir de l'observation de faits semblables (exemple : tous les objets lâchés pas trop loin du globe terrestre se rapprochent de lui). A partir de ces observations on a construit la théorie de la gravitation selon laquelle tous les corps s'attirent les uns les autres à cause de leur masse. Mais comme il y a des corps qui tournent autour de la Terre sans jamais y tomber, il faut Copernic, Kepler et Newton pour élaborer la théorie complète.
Et ce qui valide une théorie, c'est qu'elle est PREDICTIVE, c'est-à-dire qu'elle permet de prévoir les phénomènes à venir, par exemple les éclipses ou le passage de météorites.
Sur quelles données contrôlables et reproductibles l'économie théorique est-elle fondée ? A-t-elle permis de prévoir la crise des années 1920 et celle plus récente des années 2000 ? A-t-elle vu venir la baisse actuelle des coûts de pétrole ? pourquoi tous les économistes ne sont-ils pas d'accord dans leur interprétation de ce qui se passe?
Ce n'est pas qu'une question de machine plus ou moins bricolée !
Peux-tu m'éclairer sur ces points qui me sont totalement étrangers ?
Les économies libérales ont prouvé leur supériorité aux autres formes d'organisation (dirigisme, tyrannie, pouvoir militaire...) par les résultats économiques pour leurs habitants. C'est ainsi qu'aujourd'hui le pouvoir d'achat des Suisses est supérieur au nôtre de 40%, celui des Allemands de 20%, des américains de près de 50% !
La France est un pays étrange sur le plan économique, car sans valeur à long terme ! Le mandat présidentiel est devenu trop court, ce qui pousse les candidats à vouloir en faire 2 ! La politique économique n'est pas vraiment typée, avec un secteur public, beaucoup plus développé qu'ailleurs.
Les "politiques" n'ont aucune formation économique, l'ENA n'étant pas reconnue comme une bonne formation par les économistes les plus réputés !
Désolé mais je ne vois pas là de réponse à ma question sur le bien-fondé de telle théorie plutôt que de telle autre. A l'intérieur de l'économie libérale, s'entend.
Comment peut-il y avoir des Prix Nobel d'Economie dont les théories sont en désaccord?
les économistes sont très doués pour développer des théories obsolètes dès qu'elles sont formulées
Là, je pense que tu ne répondras pas.
Peut-être qu'il n'y a pas de réponse!
Trêve de Noël oblige ! JPD et jean, il serait bon de lire pendant les fêtes des ouvrages récents d'économie ! Rifkin, notre prix Nobel français, Houellebecq...
A plus en 2016 !
Pas Piketty?
Les commentaires sont fermés.