Tabarly, entre Saint Pierre et Lorient...

Tabarly, cinq Pen Duick pour un marin d'exception
Télégramme du 19 mai 2014
Yves Madec

Sous un soleil radieux, les cinq Pen Duick ont rallié Lorient, accompagnés par une centaine de plaisanciers.. Photo François Destoc

Sous un temps bien trop clément pour le marin qu'il était, Lorient a rendu hommage, hier, au 50e anniversaire de la victoire d'Éric Tabarly dans la transat anglaise. Ses cinq Pen Duick étaient réunis, tout un symbole.

Comme un seul homme, les centaines de spectateurs massés, hier, sur le parvis de la Cité de la voile se sont tus lorsque l'écran géant a diffusé un document d'à peine 1 mn 20 de l'Ina, montrant un jeune Tabarly déjà peu bavard à son arrivée triomphante à Newport, le 18 juin 1964. « Vous n'avez pas de passeport ? Lui demande un journaliste français ». « Non, c'est comme si j'étais en mission », répond sobrement le militaire de 33 ans, dont la barbe accentue déjà son caractère bien trempé. Une anecdote qui fait encore sourire le navigateur Gérard Petipas, vice-président de l'association Éric Tabarly (800 membres), à l'origine de la Cité de la voile Éric Tabarly, à Lorient, et navigateur attitré des Pen Duick pendant quinze ans. « Vous vous rendez compte que les Américains ne voulaient même pas qu'il débarque, il a fallu que le consul de France intervienne », se remémore-t-il.

Non à De Gaulle
Sa deuxième anecdote est toute aussi savoureuse et relève une fois de plus le caractère d'Éric Tabarly. « En 1967, De Gaulle l'invite à l'Élysée. Éric lui répond qu'il ne peut pas car c'est le jour de la mise à l'eau de Pen Duick II à Lorient. Cela avait fait scandale, il a été rappelé à l'ordre par le chef d'État-major. Quatre mois plus tard, il recevait une nouvelle invitation, avec ce mot du président : j'espère que cette fois la marée vous permettra d'être avec nous ». Sous un soleil radieux, les cinq Pen Duick (petite tête noire pour les non initiés), dont le Pen Duick II de la victoire, ont donc rallié Lorient ensemble en provenance de Groix, accompagnés par une centaine de plaisanciers. L'occasion pour l'ancien directeur de l'école nationale de voile de Saint-Pierre-Quiberon, Jacques Thiolat, de se remémorer ce jour de 1994 lorsqu'il a fallu aller voir Éric Tabarly dans sa longère pour le décider à accepter la rénovation de Pen Duick II qui pourrissait dans la cour de l'école. « Il a peu parlé. Mais on a senti à un moment que c'était gagné ».

« Un défricheur »
La traversée a été commentée par quelques témoins de prestige qui n'ont pas manqué de souligner la qualité de ces embarcations et le côté novateur du marin. À l'image de Jean-Pierre Dick : « Tabarly a été un défricheur extraordinaire pour la voile, il a notamment amené les premiers sponsors. Il a amené la voile à être très populaire, grâce à lui, elle est devenue une discipline à part entière. C'est pour ça que nous, marins, sommes là aujourd'hui ».