Chacun, sa boussole ?
28/11/2012
Les droits de douane ont toujours permis de réguler les marchés !
Même si le marché des briquets jetables n'est pas aussi important que celui des équipements de la téléphonie mobile, on voit bien que les entreprises agissent en fonction de leurs marchés... Bic, qui emploie des bretons à Redon, renonce à un investissement en France, Alcatel Lucent se rapproche du marché des gros clients américains... A coup sûr, du moins en vue pour le marché de l'emploi en France !
La fixation des droits de douane était une fonction "régalienne" de l'Etat... transférée à l'Europe, elle échappe aux intérêts des industriels européens, qui n'ont qu'une seule porte de sortie, investir ailleurs...
Redon, Villarceaux, mêmes effets !
Bic revoit ses projets à la baisse à Redon après la claque de Bruxelles
Les Echos du 28 novembre 2012
Stanislas Du Guerny
L'industriel annule un projet de création de 80 à 100 emplois.
Après la préconisation de Bruxelles de supprimer sa taxe antidumping sur les briquets chinois, François Bich, directeur général en charge de l'activité briquets du groupe éponyme, ne décolère pas. « Initialement, nous avions l'intention d'augmenter la production de notre usine située à Redon de l'ordre de 150 millions de briquets par an pour répondre à la hausse de la demande européenne. Avec la suppression de la taxe, ce marché est perdu, le projet est donc impossible à tenir », explique-t-il aux « Echos ».
Si l'emploi, dans cette usine composée de 300 salariés, est maintenu, « les 80 à 100 postes supplémentaires que nous avions prévu de créer sont annulés », continue le dirigeant. Quant aux investissements sur le site, ils vont être réduits et seront loin des « dizaines de millions d'euros » annoncés avant la préconisation de la Commission européenne.
95 % des briquets exportés
Cette usine qui est la plus importante du groupe - Bic possède trois autres unités de fabrication de briquets au Brésil, en Espagne et aux Etats-Unis - va cependant bénéficier d'une extension de plus de 4.000 m 2 pour le stockage des briquets jetables. Chaque année, elle produit de l'ordre de 650 millions de briquets, soit plus de la moitié du milliard de briquets vendus par Bic. 95 % des volumes issus de Redon sont exportés, 30 % en Europe, 65 % ailleurs dans le monde. « C'est consternant, insiste encore François Bich, la Commission européenne fait un véritable cadeau aux importateurs chinois, je suis scandalisé ». Depuis plus de vingt ans, chaque briquet chinois qui entre sur le continent européen est taxé à hauteur de 6,5 centimes, ce qui limite très sérieusement les importations. La Commission considère que cette mesure antidumping n'a plus lieu d'être, l'ouverture de ce marché ne devant pas causer de dommage à l'industrie européenne. La décision définitive sera prise le 12 décembre, François Bich est persuadé que les autorités bruxelloises vont l'entériner. « Ce type de mesure est très inquiétant pour le tissu industriel européen, n'oublions pas que si nous voulons vendre nos briquets en Chine les droits de douane sont de 25 % pour entrer dans ce pays », continue le directeur général de Bic.
Le groupe a réalisé l'an passé 1,8 milliard d'euros de chiffre d'affaires, le quart de cette somme grâce à ses ventes de briquets. La papeterie génère 32 % des activités, les rasoirs jetables 18 % et les articles promotionnels 17 %.
Alcatel-Lucent se détache peu à peu de la France
Les Echos du 28 novembre 2012
Solveig Godeluck
Le centre de gravité de l'équipementier se déplace vers les Etats-Unis.
Des dirigeants stratégiques sont incités à s'installer outre-Atlantique.
La nouvelle organisation du groupe fait la part belle aux Américains.
Chaque jour, Alcatel-Lucent devient un peu plus Lucent, un peu moins Alcatel. Plusieurs signaux montrent que le centre de gravité de l'équipementier de télécoms français, basé au pied de la tour Eiffel, glisse vers les Etats-Unis. Pas question de délocaliser l'activité ni le siège social, et le directeur général Ben Verwaayen reste à Paris. Mais des dirigeants importants se voient proposer de s'installer Outre-Atlantique, au plus près des clients. A Noël, le patron des réseaux, Philippe Keryer, va ainsi quitter la France pour le New Jersey - même s'il garde un bureau à Villarceaux.
Cette décision personnelle répond aux souhaits des clients du groupe, les opérateurs américains ATT et Verizon. « La puissance américaine se met en position de sécuriser les emplois stratégiques si jamais les problèmes d'Alcatel-Lucent devaient s'aggraver », explique un proche du dossier. La machine s'est mise en branle au deuxième trimestre, lorsque le groupe a lancé un avertissement sur ses résultats. « Comme ATT et Verizon nous ont choisi pour déployer leurs réseaux 4G, ils sont inquiets de notre situation financière », souligne une source chez Alcatel-Lucent. ATT, qui pèse 8 à 10 % du chiffre d'affaires de l'équipementier (15 millliards d'euros par an au total), a publiquement volé au secours de son fournisseur : cinq jours après la publication de mauvais chiffres par le groupe français au troisième trimestre, l'américain a communiqué sur un investissement de 14 milliards de dollars sur trois ans dans son infrastructure fixe et mobile.
Il est vrai que les opérateurs américains, qui ne veulent pas contracter avec les chinois, ont intérêt à maintenir un vivier de fournisseurs occidentaux. Ils sont également attachés à Lucent et à ses Bell Labs. A l'inverse, Alcatel-Lucent ne cesse de perdre des parts de marché dans le mobile en France, où il n'existe pas de partenariat aussi fort. Orange ne représente que 500 à 700 millions d'euros de chiffre d'affaires pour l'équipementier dans le monde, soit moitié moins qu'ATT. Et la France, lourdement touchée par les restructurations (1.430 postes sur 5.490), n'est que le quatrième employeur du groupe, dont elle ne pèse que 5 % du chiffre d'affaires.
Outre Philippe Keryer, le directeur financier Paul Tufano, un Américain considéré comme le successeur naturel de Ben Verwaayen, devrait retourner aux Etats-Unis. Son contrat d'expatriation arrive à échéance prochainement et il risque de quitter Paris, « ne serait-ce que parce que ces contrats coûtent cher », souffle une source au sein du groupe. La direction financière reste officiellement à Paris. Mais depuis septembre, l'américain dirige aussi les opérations. Il supervise les achats, la logistique, et les activités susceptibles d'être cédées : entreprise et câbles sous-marins.
En septembre, le groupe a par ailleurs revu son organisation pour réduire ses coûts... et mieux refléter le poids des Etats-Unis. Ainsi, Robert Vrij, le patron de la zone Amériques, a été promu à la tête des ventes dans le monde. Un mouvement décisif car désormais, ce ne sont plus les régions qui fixent les prix et les marges : elles sont centralisées à Plano (Texas), où Vrij est basé. Les autres activités stratégiques sont aux Etats-Unis depuis la fusion : il s'agit de la R&D avec les Bell Labs de Jeong Kim (New Jersey), ou encore de l'IP, cette technologie au coeur de tous les réseaux de demain, que supervise en Californie Basil Alwan. Quant au président du conseil, Philippe Camus, il vit aux Etats-Unis. L'Europe des télécoms a du souci à se faire.
Guillaume de Calignon
Solveig Godeluck
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