La qualité "en Bretagne" ?
04/06/2012
L'agroalimentaire "bretonne" est malade de la "grande distribution" !
Le consommateur français, pourtant fin mangeur à table, est trompé depuis les années 60 sur la qualité des produits, offerts par la Grande distribution. La course "aux prix les plus bas" tord le cou progressivement à tous les industriels, qui mettent le doigt dans le système.
Car, prix bas, veut fatalement dire recherche de productivité à tous les niveaux : élevage des volailles, abattage et éventuellement transformation. C'est ainsi que l'on découvre aujourd'hui des sachets contenant 10 cuisses de poulet !
Le prix d'une volaille repose essentiellement sur le coût de sa nourriture : le soja d'importation (célèbre par son récent transporteur, le TK Bremen) est moins cher que le blé "local". Quand les cours flambent à la hausse, il est en général impossible de les répercuter à la vente.
Ajouter à ces éléments une implantation délicate au Brésil (le principal concurrent sur les marchés juteux du Proche-Orient), une réglementation coûteuse de mise à niveau des élevages (le confort des volailles), une gestion traditionnelle de quasi-monopole, après la chute de Bourgoin, un endettement progressif détenu par une Banque anglaise...
Un changement politique majeur déclenche alors naturellement une révision de la politique de crédit du principal créancier, et met l'entreprise au pied du mur !
En France les politiques pensent pouvoir régler ces problèmes financiers d'un coup de pouce ! C'est méconnaître le droit commercial, qui impose au chef d'entreprise sous peine de poursuites pénales de déclarer la cessation de paiement avant une échéance difficile ou impossible à honorer !
Les banques y sont favorables, car leurs garanties en général bien fournies leur permettent de sauver les meubles pendant la période de redressement judiciaire, où l'endettement est "gelé"...
Proposer la majorité du groupe Doux à un banque anglaise est une "faute politique" majeure envers les bretons et les éleveurs de volailles.
La seule voie d'évolution : la "qualité", standard ou Bio, et la recherche de marchés en dehors de la Grande Distribution !
Alimentation, Doux réveille les antagonismes
Télégramme du 2 juin 2012
La mise en redressement du groupe Doux s'est invitée dans les débats du conseil de Quimper- Agglomération, hier soir, à l'occasion d'une subvention au festival «À Table!». La manifestation fait une part trop belle à l'agriculture productiviste, aux yeux de l'écologiste Martine Petit.
Le Festival «À Table!» est, rappelons-le, la tête de pont, la vitrine d'un futur pôle public de vulgarisation scientifique autour de l'Alimentation. Quimper Communauté a adopté hier soir une participation de 80.000 € sur un budget prévisionnel de 118.000 € pour la prochaine édition, prévue du 21 au 23septembre à Quimper.
«Doux capte la moitié des aides de la PAC»
André Guénégan (Nouveau Centre) s'est étonné de «l'inégalité» flagrante entre la subvention de Quimper Co et celle du conseil général (5.000 €) et plus encore du conseil régional (500 €). «Très très petit, le financement des partenaires», remarque-t-il. Mais sa flèche est éclipsée par la prise de parole de Martine Petit. la candidate EELV aux législatives met les pieds dans le plat: «La menace de faillite plane sur le numéro un de la volaille européenne, sur 3.400 emplois et la disparition possible de 700 éleveurs. C'est l'impasse d'une agriculture productiviste et industrielle qui poursuit un projet d'après-guerre totalement dépassé. Ce modèle profite avant tout aux géants de l'agrochimie et de l'agroalimentaire et seulement en apparence au consommateur. Il est en revanche coûteux pour le contribuable en terme d'aides publiques agricoles et de coûts de réparation sanitaires et environnementaux. Notre volailler, si doué pour l'export, capte, à lui seul, quasiment la moitié des aides de la PAC - 55M€ l'an dernier - sans pour cela traiter correctement ses salariés et ses éleveurs, sans parler des dizaines de milliers de familles ruinées au Brésil suite à l'installation de ses structures!».
«La décision de Quimper Co tarde!»
Martine Petit fait le parallèle entre les 80.000 € de subventions et le projet d'abattoir public multi-espèces du Faou, dont le projet est estimé à 4M€. «C'est un outil indispensable à la structuration d'une filière en circuits courts et en viande bio. Notre département ne compte plus que trois abattoirs publics, permettant aux éleveurs et aux bouchers de rester indépendants de la grande distribution. Beaucoup de communautés de communes se sont déjà engagées en attendant que Quimper Co se prononce favorablement. Cette décision tarde malgré la mise peu élevée de 150.000 € nécessaire à la poursuite de la démarche. Et 80.000 € pour le festival "À Table!", c'est la moitié de l'apport pour un outil de travail dont les professionnels ont besoin pour gagner leur vie!». Denez L'Hostis estime à son tour que «les orientations du futur pôle public sur l'alimentation sont insuffisamment claires». Il juge également le développement durable insuffisamment présent.
«Quels sont les emplois de substitution ?»
Bernard Poignant «entend les critiques mais Doux a des milliers de salariés. Quels sont les emplois de substitution en Bretagne à notre production agroalimentaire? Tout le monde est pour l'agriculture bio mais il faut des voies et des moyens pour trouver des emplois. Le renversement du mode de production doit garantir les emplois». Quant à l'abattoir du Faou, il rappelle qu'il a fait une proposition. «J'aimerais qu'elle soit examinée». Marc Andro, conseiller communautaire, par ailleurs chargé à Quimper de l'économie, reviendra sur cette proposition, révélant que le projet d'abattoir peut capter jusqu'à 40% de subventions s'il est porté par de petites communautés de communes, «et le reste doit être investi sous forme d'emprunt. Le Pays de Brest travaille sur la question. Nous sommes en contact avec eux. Ce projet doit pouvoir se concrétiser». Quant à «À Table!», qui est un peu son bébé, Marc Andro écarte ce qu'il voit comme une manoeuvre politicienne de Martine Petit à l'approche des législatives. «Qui aurait dit, il y a cinq ans, que le président du Crédit Agricole serait un agriculteur bio, qu'un industriel emblématique de notre région comme Guyader irait vers les productions bio ? Notre projet est de faire avancer tout le monde», a-t-il ajouté.
• Thierry Charpentier
La journée de dupes qui a conduit au dépôt de bilan de Doux
Le Monde du 2 juin 2012
On ne veut renoncer à rien, on fait tout pour qu'il n'y ait pas de dépôt de bilan." Invité vendredi 1er juin au matin sur BFM-TV à réagir aux difficultés du groupe breton Doux, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, semblait sûr de lui. Le numéro un européen de la volaille, plombé par une dette de 430 millions d'euros, pouvait encore être sauvé, estimait alors le premier ministre. D'ailleurs, une réunion n'avait-elle pas eu lieu jusqu'à 3 heures du matin, au ministère du redressement productif d'Arnaud Montebourg, pour trouver un arrangement entre la famille Doux, propriétaire de 80 % du volailler, et la banque Barclays, détentrice d'une créance de 140 millions d'euros sur le groupe ?
Las ! Charles Doux, on l'apprendra plus tard, avait déposé une déclaration de cessation de paiement de son entreprise dès jeudi soir, à 17 heures, au tribunal de commerce de Quimper. Sans prévenir le gouvernement... qui continuait de négocier pour rien vendredi matin. "Charles Doux a pris la décision de refuser [une] solution qui garantissait l'apport de 35 millions d'euros au groupe", ont dénoncé Arnaud Montebourg et Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, dans un communiqué publié vendredi soir, lorsqu'ils découvrirent le pot aux roses. "Il a décidé de rompre ces négociations et de déposer le bilan. Cette décision relève de sa seule responsabilité." Dans le langage feutré des cabinets, on appelle ça une soufflante.
"Charles Doux nous a menés en bateau", s'énerve-t-on dans l'entourage d'un des ministres. "Il y avait deux équipes, comme dans le Rainbow-Warrior", reconnaît, un brin amusé, Me Maurice Lantourne, l'avocat de Bernard Tapie, mandaté par Charles Doux pour négocier le sauvetage de son groupe au côté, notamment, de Matthieu Pigasse, banquier chez Lazard et actionnaire à titre individuel du Monde.
"Il n'y a pas eu d'entourloupe, se défend Guillaume Foucault, l'un des dirigeants de FTI Consulting, un cabinet de communication de crise recruté par la famille Doux. Tout le monde a vraiment essayé de trouver une solution toute la journée. La décision du tribunal de Quimper de déposer le bilan n'a d'ailleurs été prise qu'à 17 heures vendredi alors que l'audience avait eu lieu à 9 heures." La preuve, selon lui, que les négociations qui se déroulaient à Paris, sous l'égide du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), pouvaient encore changer le cours des choses...
À QUOI A DONC JOUÉ CHARLES DOUX ?
Une version que réfute la banque Barclays : "Cette décision a été prise unilatéralement, sans consultation des parties prenantes travaillant au sauvetage de l'entreprise", a-t-elle dénoncé elle aussi dans un communiqué rageur vendredi soir.
Alors, à quoi a donc joué Charles Doux ? Selon plusieurs personnes de son entourage, le patron de 75 ans, qui a succédé à son père à la tête de l'entreprise familiale fondée en 1955 et qui vient de porter son fils Jean-Charles à la direction générale, n'a jamais vraiment eu l'intention de négocier. "L'accord qui était proposé par Barclays passait par une prise de contrôle du groupe, où tout au moins par une remise en cause de sa gouvernance, ce qui n'était pas acceptable par M. Doux", assure un proche du volailler.
Arnaud Montebourg aurait bien tenté, selon son cabinet, de le convaincre dans un ultime appel téléphonique, vendredi après-midi. Rien n'y a fait. Charles Doux, considéré comme l'une des plus grosses fortunes de Bretagne, a tout refusé, voulant garder la main sur son affaire devenue pourtant exsangue.
L'étau financier se resserre en effet depuis des mois, voire des années, sur le groupe Doux. Quand la Barclays a repris une partie du fardeau financier en 2007, la société de Châteaulin (Finistère) était déjà dans le rouge. Les restructurations se sont multipliées, mais le constat est toujours le même. Les activités de produits frais, poulets et dindes sans label, pour le marché français, attaquées par la concurrence et sous la pression de la grande distribution, perdent de l'argent
.
Quant à l'aventure brésilienne, censée donner au champion du poulet industriel une nouvelle source d'approvisionnement bon marché, elle a tourné court. Pis, elle est source de contentieux multiples et contribue pour moitié à l'endettement du groupe breton. En 2010, l'entreprise a bien tenté une émission obligataire de 350 millions d'euros pour rétablir sa situation financière. Sans succès.
Au début de l'année, des discussions s'étaient également ouvertes avec le Fonds stratégique d'investissement (FSI) pour une entrée au capital de Doux. La rupture fut là aussi brutale, et le FSI accusera le volailler de l'avoir instrumentalisé - déjà, en ne le tenant pas au courant d'un accord négocié avec le géant brésilien de la viande JBS qui se traduira par un contrat de location de ses sites industriels locaux.
En attendant, la pression monte. Un grand nombre des 800 éleveurs qui alimentent le groupe en volailles ne serait plus payé depuis des mois. Certains auraient même des arriérés de plus de 140 jours ! De même, les salaires de mai des employés de Doux ne seront payés que le mardi 5 juin par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS).
Reste à savoir ce que va devenir l'entreprise et ses salariés. Seule certitude : il faudra restructurer, et vite. Le tribunal a fixé la période du redressement judiciaire à six mois et nommé comme administrateur judiciaire Régis Valliot. Un homme qui n'ignore rien du marché de la volaille. C'est lui qui, il y a douze ans, avait oeuvré lors du dépôt de bilan de Bourgoin, alors numéro trois de la filière avicole française. La déconfiture et la vente à la découpe de la société fondée par Gérard Bourgoin, qualifié alors de "roi du poulet", avaient fait grand bruit. Bis repetita ?
Laurence Girard et Cédric Pietralunga
Doux, les émissaires du gouvernement au travail
Télégramme du 4 juin 2012
Dès ce matin, deuxreprésen- tants du gouvernement, «animateurs de la cellule d'appui àla filière volaille», seront au chevet du volailler Doux, placé en redressement judiciaire.
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé que «deuxanimateurs de la cellule d'appui à la filière volaille» se rendraient, dès aujourd'hui, au chevet du volailler Doux, le leader européen du secteur, placé, vendredi, en redressement judiciaire. «J'enverrai, dès demain (aujourd'hui), les deux animateurs de la cellule d'appui à la filière volaille que j'ai créée à Nantes et à Rennes» pour «veiller au respect des droits et à la préservation de l'avenir» des éleveurs, a-t-il déclaré dans une interview au Parisien/Aujourd'hui en France. Le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) jouera lemême «rôle pour les salariés etl'outil de production», a-t-ilprécisé.
«Situation d'urgence»
Groupe familial basé à Châteaulinet connu pour sa marque «Père Dodu», Doux a été placé, à sa demande, vendredi, enredressement judiciaire par letribunal de commerce de Quimper, faute d'accord avec ses créanciers. Plombé par une dette estimée à plus de 430millions d'euros, le groupe emploie 3.400 personnes en France. Selon Stéphane Le Foll, qui parled'une «situation d'urgence» etannonce d'autres «initiatives» du gouvernement, les salariés et les éleveurs risquent d'être «bernés» par la décision de la direction de Doux de déposer son bilan sans plus attendre. «Tant que la cessation de paiement n'était pas constatée et, surtout, que le redressement judiciaire n'était pas prononcé, le rôle des pouvoirs publics était de tout faire pour que d'autres solutions soient mises en place», fait-il valoir, assurant que «d'autres solutions existaient».
«Il s'agit d'éviter la catastrophe»
«Aujourd'hui, le choix de déposer le bilan est de la seule responsabilité de Charles Doux», a insisté leministre, en campagne pour leslégislatives dans la Sarthe. Il s'agit «d'éviter une catastrophe tant économique que sociale», poursuit-il, rappelant que, «derrière le cas de cette entreprise, il y a l'enjeu d'une partie de la production avicole française et 800 éleveurs». Le gouvernement avait déjà déploré, vendredi, la «décision personnelle» de Charles Doux qui a refusé un «apport de 35millions d'euros». L'entreprise estimait, pour sa part, que les plans de refinancement proposés «reposaient sur des solutions à court terme qui n'offraient pas de garanties suffisantes». Numéro cinq mondial à l'exportation, Doux devait voir son chiffre d'affaires stagner à 1,4milliardd'euros en 2011, selon des prévisions datant de novembre. En 2010, il s'était élevé à 1,406milliard d'euros. Selon les analystes, le groupe, marqué par une faible rentabilité, a souffert de la guerre des prix dans le secteur de la volaille industrielle et de la hausse des coûts de l'alimentation
2 commentaires
Ah les portes ouvertes !!!
Vous nous expliquez un mécanisme que de nombreux programmes de télévision nous ont démonté au cours des 20 dernières années.
Et côté agro alimentaire malade, l'ancien patron de feu Berty SA sait de quoi il parle.
Pour une fois!
Les commentaires sont fermés.