35 heures à jamais ?

Les cinq thèmes de campagne qui se sont imposés en quinze jours
Les Echos du 25 novembre 2011

Les candidats à l'Elysée n'ont pas encore dévoilé leur programme, mais plusieurs problématiques émergent depuis quinze jours comme des thèmes importants en vue de la présidentielle.
• Isabelle FICEK

Nucléaire
C'est peu dire que Nicolas Sarkozy en fait déjà un sujet de campagne. Le chef de l'Etat - qui se rend aujourd'hui à la centrale de Tricastin, dans la Drôme -en parle, désormais, dans chacune de ses interventions. Pour dénigrer François Hollande et le PS, accusés de « brader » l'industrie et les emplois pour un accord électoral avec les Verts. Le sujet était revenu sur le devant de la scène après le drame de Fukushima, en mars dernier, poussant les écologistes à l'offensive. Il a été ravivé par l'accord conclu la semaine dernière, dans la douleur, entre le PS et Europe Ecologie-Les Verts, qui prévoit la fermeture de 24 réacteurs nucléaires d'ici à 2025, mais continue de susciter de fortes tensions entre les deux partis, les écologistes plaidant toujours pour une sortie du nucléaire. Nicolas Sarkozy est persuadé de tenir là un filon politique. D'autant que c'est un sujet sur lequel il n'a pas varié d'un iota. « Refuser le développement des nouvelles filières nucléaires, je pense que c'est une erreur », avait-il souligné lors du débat de l'entre-deux tours en 2007, s'affrontant avec Ségolène Royal sur ce dossier.

Vote des étrangers
C'est le PS qui a remis le sujet sur la table avec une proposition de loi qui doit être discutée au Sénat le 8 décembre. Il s'agit en réalité d'un texte déjà adopté en 2000, sous Lionel Jospin, par l'Assemblée nationale, mais jamais inscrit à l'ordre du jour de la Haute Assemblée. Même si les sénateurs votent la loi, elle ne pourra pas être adoptée conforme, les numéros d'articles auxquels le texte d'origine fait référence ayant changé entre-temps. Il faudra donc une nouvelle lecture à l'Assemblée, qui devrait rejeter le texte. La proposition de loi, qui vise à donner le droit de vote aux élections municipales pour les étrangers non communautaires, a été mise à profit par la droite pour se démarquer de la gauche. Nicolas Sarkozy, pourtant personnellement favorable à cette réforme en 2001, s'y est dit opposé mercredi « pour ne pas diviser les Français ». Et la Droite populaire a lancé début octobre une pétition contre cette idée.

TVA sociale
Evoquée en 2006 par Nicolas Sarkozy, cette mesure avait disparu dès les premières semaines du quinquennat. La TVA sociale fait aujourd'hui son retour à droite, mais dans une version très édulcorée pour ne pas rouvrir la boîte de Pandore. Sans en prononcer le nom, le chef de l'Etat a évoqué la semaine dernière à Bordeaux la nécessité de « repenser le système de notre protection sociale » pour ne plus faire peser tout le coût de la protection sociale sur le travail. Et dans son projet, l'UMP préfère parler d'un « mix fiscal » destiné à lutter contre les délocalisations. Cela signifierait « en réalité 3 à 4 points de TVA en plus », a fustigé Pierre Moscovici, le directeur de campagne de François Hollande. Le PS est opposé à toute TVA sociale, estimant qu'elle pénaliserait surtout les ménages modestes. Avec une exception notable : Manuel Valls. Pendant la primaire socialiste, le député-maire d'Evry avait défendu une hausse de la TVA de 1 point en échange d'une baisse des charges sociales, parce que « c'est 10 milliards tout de suite dans les caisses ».

Ecole
Avec la suppression de plus de 60.000 postes sur le quinquennat et une école qui échoue à diminuer le nombre des élèves en difficulté et à réduire les inégalités sociales, l'éducation, plus que d'habitude, est déjà au coeur de la campagne. A gauche, François Hollande en a fait la colonne vertébrale de son projet via la jeunesse. Et, en pleine primaire socialiste, il a marqué les esprits avec sa proposition de recréer 60.000 postes dans l'éducation. A droite, Nicolas Sarkozy, comme en 2007, veut aussi en faire une « priorité ». Si au PS comme à l'UMP, on parle de « refonder l'école », cette refondation passe, selon Vincent Peillon, chargé du dossier auprès de François Hollande, par « de grandes réformes », avec le rétablissement « d'une formation initiale et continue », un meilleur encadrement à l'école primaire pour lutter contre l'échec scolaire dès le CP et accueillir à la maternelle les plus jeunes, une refonte des rythmes scolaires, une redéfinition du métier d'enseignant pour « travailler mieux et différemment ». La convention UMP pour l'éducation a, elle, dessiné un système esquissé lors de ce quinquennat avec plus d'autonomie des établissements, une évolution des rythmes scolaires et du statut des enseignants sur le principe du « travailler plus pour gagner plus », des évaluations publiées par établissement pour permettre aux parents de les situer et la remise en cause du collège unique.

35 heures
C'est redevenu à droite, et en particulier à l'UMP, un thème de clivage privilégié avec la gauche. D'autant que d'autres candidats montent, eux aussi, au créneau. A l'image d'un Hervé Morin au Nouveau Centre, qui propose de faire passer la durée légale du travail à 37 heures, sans hausse de salaire. Ou même d'un François Bayrou prenant ses distances avec la gauche, affirmant récemment que les 35 heures étaient « une erreur tombée absolument du ciel, [...] une mesure idéologique et déstabilisatrice. » Mais les charges les plus lourdes viennent régulièrement de Nicolas Sarkozy, sur le mode de l'irresponsabilité du PS. « Une folie », avait asséné le chef de l'Etat lors de son intervention télévisée fin octobre sur TF1 et France 2, qui a « ruiné la compétitivité de la France ». Même s'il pense que le problème central des 35 heures réside plus dans son application dans le secteur public -les hôpitaux -que dans les grandes entreprises. Passée à l'offensive, l'UMP veut aller plus loin que les successives lois « d'assouplissement » des 35 heures. L'idée serait d'inciter les branches et les entreprises à les remettre en cause en conditionnant les allégements de charge à des négociations sur la durée du travail. Une solution qui n'enthousiasme pas l'Elysée, mais qui participe d'une petite musique selon laquelle les Français devront faire des efforts. Et c'est peut-être là l'essentiel.

Le chômage atteint un niveau record en France
Le Monde.fr du 29 novembre 2011

Le chômage a poursuivi son envolée en octobre, avec 34 400 demandeurs d'emplois supplémentaires, sur fond de crise aggravée
et de récession attendue, une descente aux enfers qui risque de se poursuivre en 2012. Le nombre de demandeurs d'emploi sans activité progresse de 1,2 % à 2,814 millions, à un niveau inégalé depuis décembre 1999, selon les données du ministère du travail publiées hier. Depuis le début de cette année, 91 500 demandeurs supplémentaires se sont inscrits au Pôle emploi. Avec les départements d'outre-mer, la France compte en octobre 4,459 millions de demandeurs d'emploi, avec ou sans activité réduite. Cette dégradation frappe toutes les classes d'âge. A cinq mois de la présidentielle, le gouvernement a fait une croix sur son objectif de faire reculer le chômage de masse sous la barre des 9 % en fin d'année. De plus, l'OCDE prévoit une progression du taux de chômage à 10,4 %, fin 2012. Pour Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, le plus grave est qu'un "scénario de risque récessif s'annonce alors qu'on n'a pas annulé les stigmates de la première crise [de 2008], ce qui fait que les nouveaux chômeurs s'ajoutent aux anciens".