Casser le thermomètre ?

Bruxelles s’attaque aux grandes firmes d’audit
Le Figaro du 1er décembre 2011

Le commissaire européen Michel Barnier a suscité hier un tollé en présentant sa nouvelle réforme.

Après sa réforme controversée des agences de notation le mois dernier, le commissaire européen Michel Barnier récidive. Il a dévoilé hier une proposition visant notamment à réduire le poids des géants de l’audit, les fameux Big 4 - Deloitte, Ernest & Young, KPMG et Pricewaterhousecoopers -, qui révisent les comptes de plus de 85 % des entreprises cotées en Europe. « La confiance des investisseurs dans l’audit a été secouée par la crise. Je pense que des changements sont nécessaires », justifie le commissaire européen au Marché intérieur, citant Lehman, Anglo Irish Bank ou encore BAE Systems comme autant de cas où les experts du chiffre ont failli.

Un système de rotation
Mais, comme pour les agences de notation, Michel Barnier a dû céder sur une mesure phare de son dispositif, face à l’opposition des autres commissaires. Il a renoncé in extremis à imposer un co-commissariat aux Comptes dans l’ensemble de l’europe, une formule qui existe de longue date en France. À la place, il propose un système de rotation : un cabinet ne pourra pas auditer les comptes d’une entreprise plus de six ans, sauf si elle est en co-mandat ; elle gagne alors trois ans de plus. « Nous aurions préféré une obligation de co-commissariat aux comptes dans toute l’europe. Cela nous aurait permis de financer des investissements lourds à l’international », regrette Jean-louis Mullenbach, associé du cabinet Bellot Mullenbach & Associés.

Cette retraite n’empêche pas la colère des Big 4.
« Bruxelles a lancé une réflexion qui visait à renforcer la sécurité financière. Les réponses apportées n’ont rien à voir avec cet objectif, s’agace Jean-luc Decornoy, le PDG de KPMG France. Au contraire, ce texte, et en particulier la mesure visant à avoir des cabinets d’audit pur, risque d’avoir pour conséquence de dégrader la qualité du contrôle sur les grandes firmes, car nos cabinets auraient alors beaucoup de mal à attirer les meilleurs talents. » En ligne de mire, l’interdiction faite à un cabinet certifiant les comptes d’une entreprise de réaliser pour elle des missions de conseil, histoire de prévenir d’éventuels conflits d’intérêt. En outre, les grandes firmes devront placer ces deux métiers dans des entités juridiques séparées. « Bruxelles confond concentration et concurrence. J’attends qu’on m’explique pourquoi la concentration est un problème quand il s’agit des auditeurs, mais pas quand il s’agit des avionneurs ou des aciéristes », conclut Jean-luc Decornoy. Sachant qu’il faudra trois à cinq ans pour appliquer le projet, la bataille est loin d’être achevée.