Développement du Pays d'Auray ?
25/10/2011
De nombreuse idées sur les conditions du développement futur ?
Un élu de Crach, géographe, jette un regard "original" sur le Pays d'Auray ! et le développement de la ville d'Auray, comme de ses voisines bretonnes : il critique fortement les zones commerciales périphériques (on le voit bien à Auray où aujourd'hui il faut un minibus pour se rendre sur la zone "Océane" et où l'on cherche à créer un "hub" autour de la Gare SNCF), il critique de manière virulente l'urbanisme de lotissement sans équipement public, il demande des efforts pour constituer un développement secondaire et l'implantation de réseaux numériques, il dénonce l'aveuglement de nos élus sur les problèmes sanitaires de la Bretagne...
De nombreuses idées, qui pourraient servir de bases plus honnêtes que celles du SCOT du Pays d'Auray, pour l'élaboration des futurs PLU !
Ronan Le Délézir, si on ne se structure pas...
Télégramme du 24 octobre 2011
L'écriture de l'«Atlas de Bretagne», sorti en avril, l'a conduit à revisiter les grandes problématiques de la Bretagne. Le géographe Ronan LeDélézir, parailleurs élu de Crac'h, nous donne son éclairage sur le pays d'Auray.
En quoi la maîtrise de l'urbanisation est-elle la priorité de la Bretagne ?
On ne pourra plus continuer à dévorer le territoire comme on le fait. On annonce 300.000 nouveaux habitants d'ici 2020. On les met où ? Sur une zone comme Auray, c'est extraordinaire. À Brec'h, Pluneret, Pluvigner, Locoal-Mendon, on gagne pratiquement une classe chaque année. C'est de la folie!
Parce que ces communes s'inscrivent encore dans le modèle d'urbanisme galopant ?
Je pense que le message est en train de passer. Un certain nombre de lois, d'outils de planification nous imposent de réfléchir. Il est temps. Je m'inquiète énormément d'un certain nombre de lotissements basiques, avec la petite maison au milieu d'une parcelle et aucun espace public. On verra bien comment ça va vieillir. Ce seront nos barres et nos tours dans 30 ans.
Vous critiquez le zonage de l'espace. Expliquez-vous...
Le zonage, c'est le modèle français: la résidence à un bout et l'activité à l'autre. L'entrée de Vannes par exemple, c'est à mourir. Le même paysage banal, et désert à 20h, qu'on retrouve à Lorient ou à Toulouse. Et après on dit «c'est beau la Bretagne...» Auray n'y échappe pas avec Porte Océane. Quand je vois que le cinéma va y aller... Mais on en reviendra bientôt, de ce modèle. Sur Rennes, les petits supermarchés sont en train de revenir. Les gens commencent à se demander ce que veulent dire les rapports de proximité, les déplacements...
Vous semblez dubitatif sur l'avenir de l'économie résidentielle, si importante ici...
Oui. Il y a du positif, parce qu'il s'agit d'argent qui n'est pas produit sur le territoire mais qui y est redistribué. Tant qu'on a des retraités aisés, ça fait fonctionner le bâtiment notamment. Mais est-ce que ça peut perdurer? Est-ce que demain on aura les mêmes taux de retraite ?.... Ça pose des questions sur notre économie.
De part et d'autre d'Auray, Lorient reste industrielle, Vannes très peu. Conclusion ?
Lorient a moins d'attractivité touristique mais une capacité de développement industriel qui lui permet de rebondir. Le secondaire j'y crois, parce que demain je pense qu'on va revenir à la production au niveau local. Ce que Vannes ne pourra pas faire. Elle restera une ville de services, va développer du high-tech dans sa zone, etc.
Quels sont les grands enjeux pour le pays d'Auray ?
Déjà, développer une stratégie à son échelle. À 24ou 28, peu importe. Face à deux grosses agglomérations structurées, on ne peut pas rester émietté. La zone nord est en lien avec la zone sud. Il faut sortir de cette guéguerre et il y a urgence. Il y a un marqueur très net: très longtemps Auray était une des 18 zones d'emploi de Bretagne pour l'Insee. Aujourd'hui il n'y en a plus que 17. Auray est avec Vannes, à l'exception de Landévant et Landaul qui ont été rattachées à Lorient. Si on ne se structure pas, le territoire éclatera. Notre pôle a 12.000habitants, pas 60.000 comme Vannes et Lorient. Essayons de trouver une autre échelle de développement, basée sur l'attractivité du territoire. Ça demande une vision politique, pas des visions politiques.
Que faire pour que les étudiants ne fuient pas la région ?
Nous les élus, on ne crée pas d'emplois mais on crée les conditions de l'emploi. Jusqu'ici, on a créé des zones d'activités en laissant ensuite le privé gérer. Le résultat, c'est la zone de Landévant, qui est toujours vide au bout de dix ans. Mais pourquoi on ne serait pas stratège ? Pourquoi ne pas créer des pépinières d'entreprises innovantes ? Il faut qu'on se batte pour avoir le numérique ici. Que les lignes ADSL ne passent pas au niveau de l'autoroute Lorient-Vannes. Il faut qu'on puisse dire: «vous aimez notre territoire, sa qualité de vie? Vous pouvez y vivre et y travailler».
La qualité de vie, c'est aussi la qualité de l'eau...
Je trouve que la Région a eu une communication minable là-dessus. Les algues vertes, c'est une réalité et on va continuer à jeter des millions d'euros par les fenêtres au lieu de s'attaquer aux problèmes. Sur le nord des Côtes-d'Armor, on sait bien que l'agriculture est responsable mais on ne veut toujours pas revoir le modèle agricole breton. Ici ça nous touche moins, mais nous sommes quand même confrontés à la surcharge humaine. Si nos stations d'épuration refoulent et que tout le monde s'en fout, l'été prochain vous allez voir la tête des ostréiculteurs. Et si vous avez des plages fermées parce que la qualité de l'eau n'est plus là... L'année prochaine, il y aura du dégât au niveau touristique. Aux Pays-Bas, en Allemagne,etc., il y a eu des articles. Il est désormais acté qu'il y a des problèmes sanitaires en Bretagne.
• Propos recueillis par Benoit Siohan
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Comment est né ce livre ?
Après avoir fait des atlas des grandes villes du monde, les éditions Autrement ont voulu s'attaquer à la Bretagne. Elles ont contacté le CNDP (Centre national de documentation pédagogique) qui s'est retourné vers nous. L'idée était de faire un document pédagogique, accessible aux particuliers et exposant les problématiques de la Bretagne. Ça tombait bien car il y a longtemps que des géographes ne s'étaient pas penchés sur la Bretagne.
En cours d'écriture, qu'avez-vous appris sur la Bretagne ?
J'ai redécouvert les impressionnantes capacités de rebond du territoire. Je prends l'exemple du Mené, un petit territoire de six ou sept communes locales entre Loudéac et Lamballe (22). Quarante ans après avoir connu un fort développement économique dans l'agroalimentaire, ils sont sur le point de devenir autonomes énergétiquement. C'est extraordinaire! Je crois qu'on peut parler de terreau. On retrouve ça dans le pays d'Auray avec la mobilisation du Peuple des dunes là où 30 ans auparavant, on s'était opposé à la centrale nucléaire.
Vous parlez beaucoup de développement durable. C'est un parti pris ?
Oui même si je me méfie de ce concept. Il faut faire attention que ça ne devienne pas du marketing. Nous en avons une approche très pragmatique. L'essentiel, c'est la notion de bon sens: revenir à la proximité et la simplicité comme nos anciens. La filière bois, c'est ça. Mais faire en sorte que les étudiants formés dans la région s'y installent ensuite, c'est aussi du développement durable.
En définitive, vous posez plus de questions que vous ne donnez de réponses...
C'est le format qui nous l'imposait. Maintenant, on donne quand même des pistes. Par exemple, sur l'urbanisme, on évoque l'exemple de Rennes, qui à l'échelle française est un modèle de planification de son territoire assez étonnant: une agglomération, une ceinture verte et des pôles autour qui ne forment pas un magma tentaculaire. Et ça, ça a été pensé depuis trente ans.
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