L'évaluation des politiques publiques est également nécessaire dans les communes !
18/08/2016
Le réseau TGV, les 35 heures, les inégalités récurrentes en matière de retraite, les télécommunications...
Le pouvoir "politique" intoxique l'opinion, en jouant le refrain de la "gonflette". Les rapports de la Cour des Comptes sont très vite envoyés à la BNF, lorsqu'ils gênent les décideurs !
Le contre-pouvoir se lâche parfois, comme Francis Kramarz : "le bagage des élites administratives, qu'elles acquièrent durant leur scolarité à l'ENA, en matière d'évaluation scientifique des politiques publiques est proche de zéro !"
Au niveau des communes, le bagage est inexistant... c'est ainsi qu'à Saint Pierre, l'audit sur l'état financier de la commune en 2014 n'est toujours pas publié !
Francis Kramarz, nos élites sont mal formées aux techniques d’évaluation des politiques publiques
LE MONDE du 17 août 2016
Lire aussi : Quinze ans après leur entrée en vigueur, les 35 heures restent un chiffon rouge
Professeur à l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration (Ensae) et à l’Ecole polytechnique, Francis Kramarz fait partie des économistes dont les travaux sont mis en doute dans un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la réduction du temps de travail. Il réagit à ces critiques.
Que pensez-vous des observations faites sur vos recherches par deux inspecteurs de l’IGAS ?
Pour moi, ce n’est pas une remise en cause, bien au contraire, que d’être critiqué par des personnes dont je pense qu’elles sont essentiellement mal, voire pas, formées aux techniques d’évaluation des politiques publiques. La réalisation de ce rapport par l’IGAS me semble, en effet, symptomatique de la formation de nos élites administratives. Le bagage qu’elles acquièrent, durant leur scolarité à l’ENA, en matière d’évaluation scientifique des politiques publiques est proche de zéro.
L’enseignement dispensé dans cet établissement est bien loin de ce qui se fait à Harvard (Kennedy School), ou dans la plupart des « Schools of Public Policy » aux Etats-Unis et maintenant à Sciences Po, qui vient de créer une telle formation.
Vos remarques sont sévères…
Les travaux des économistes critiqués – Pierre Cahuc, Stéphane Carcillo ou moi-même – ne peuvent pas être placés au même niveau que d’autres, également cités dans ce rapport mais qui, pour la plupart, n’ont été publiés que dans des revues à l’exigence scientifique infiniment plus faible.
J’ai moi-même travaillé sur deux des « ingrédients » des 35 heures : les baisses de cotisations employeurs et la réduction du temps de travail. Sur le premier thème, j’ai effectué et publié en 2001, avec Thomas Philippon, la première recherche dans une revue scientifique à comité de lecture, le Journal of Public Economics. Quant à la question de la réduction du temps de travail, Bruno Crépon et moi-même l’avons abordée dès 2002 à propos de l’impact sur l’emploi du passage aux 39 heures, dans un article paru dans le Journal of Political Economy, une des revues les plus prestigieuses de notre domaine.
Ce n’est pas de l’arrogance mais un simple rappel : l’économie est une science sociale, avec des méthodologies et des règles bien précises pour conduire et diffuser des recherches, après validation par les pairs. Le plus frappant, dans cette affaire, est que les conclusions de ce rapport démontrent une incapacité à distinguer le travail scientifique de productions qui ne le sont pas.
Quel a été l’impact des lois Aubry ?
Elles ont contribué à l’augmentation des maladies professionnelles (en raison de l’augmentation des rythmes imposés aux salariés). Elles ont aussi concouru à la disparition d’entreprises pas assez productives, bien souvent de petite taille, et pas assez solides pour faire face à un tel choc sur leurs coûts.
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