Loi "Macron", catalogue "mal digéré"...
21/02/2015
Les "jeunes" Ministres découvrent lors de leur nomination des "tiroirs pleins" de futurs textes !
A Bercy, il y avait le "tiroir" Montebourg, celui qu'il ne fallait pas ouvrir ! Eh, bien loupé, le jeune Emmanuel Macron est tombé dans le piège...et sa loi fait ainsi tomber la majorité socialiste à l'Assemblée Nationale, 3 ans après 2012...
Dans les métiers du Droit (celui des notaires est celui des familles, des successions, des cessions de terre rurale), la loi de Gauss s'applique comme partout ! 20% de ses membres fait 80% du business...
Les autres survivent, mais font tourner la boutique !
Loi Macron, le blues d'un notaire rural
Télégramme du 18 février 2015
René Perez
Guillaume Lavergne : « En défendant ma profession, je défends aussi mon territoire. » « Je ne supporte plus d'être considéré comme un rentier ! ».
Guillaume Lavergne, notaire à Briec-de-l'Odet (29) depuis 2008, accepte de jouer la transparence. Chiffres à l'appui, il affirme : « Je gagne actuellement 2.152 € net par mois pour plus de 60 heures par semaine ». Selon lui, les chiffres évoqués dans le sillage de la loi Macron concernent bien plus Paris que la province.
Loi Macron.
Valls veut passer en force Hier, la loi Macron a poursuivi son parcours parlementaire dans le brouhaha et la procédure du 49-3. Mais bien avant cela, elle a suscité de multiples réactions, dont celles des notaires n'ont pas été les moins bruyantes, à l'étonnement d'une population qui considère cette profession comme particulièrement privilégiée. Ce qui est assurément le cas pour nombre d'entre eux. Mais nettement moins flagrant quand on entre dans la comptabilité d'un notaire en zone rurale.
Neuf salariés
Père de trois enfants, Guillaume Lavergne, 39 ans, n'est pas fils de notaire, ce qui est également le cas de 80 % de ses confrères en Bretagne. « C'est une idée reçue, dit-il, de penser que les notaires le sont tous de pères en fils. En 2008, j'ai acquis, à Briec, une étude notariale dont le prix a été fixé par la Chancellerie : 900.000 euros. Certains tabac-PMU coûtent bien plus mais c'est une grosse somme à rembourser pour moi.
Quand je me suis installé, en 2008, mon prévisionnel basé sur 2007 me laissait espérer 4.000 € net par mois, après impôts et remboursement de prêts. Mais la crise est arrivée juste au moment où je m'installais et depuis, j'ai dû sacrifier ma maison, contiguë à mes anciens locaux. Je l'ai transformée en office notarial pour économiser un loyer. J'emploie actuellement neuf salariés avec lesquels nous formons une entreprise familiale et soudée. En moyenne, depuis 2008, j'ai réalisé un chiffre d'affaires annuel de 782.159 € dont il faut retirer les charges d'entreprises (salaires, etc.) qui se montent à 592.532 €. Le bénéfice moyen est donc de 189.627 €, d'où il faut soustraire les différents emprunts sur quinze ans (105.600€/annuels) et les impôts sur le revenu (58.200€), assis aussi sur le capital que je rembourse. Il me reste 25.827 € (3,3 % de marge) soit 2.152 € par mois. La vérité des chiffres, c'est celle-là, pas celle du bénéfice moyen qui est généralement mise en avant.
Déréglementation à risques
Quand on objecte qu'il est tout de même en train de se constituer un capital avec cette étude notariale, il n'en disconvient pas mais objecte aussitôt : « Oui, à condition qu'un concurrent ne vienne pas s'installer à proximité de chez moi. La déréglementation et la liberté d'installation, c'est ce que préconise le projet de loi, mais la valeur de mon étude va s'effondrer si un autre vient en ouvrir une à proximité de la mienne. Comme on est actuellement sur une corde raide, je n'aurais pas d'autre solution que de licencier, voire même de mettre la clef sous la porte avec obligation de rembourser quand même mes prêts car nous ne sommes pas une SARL qui peut liquider son passif en déposant le bilan ».
Comme nombre de ses collègues ruraux, Guillaume Lavergne a donc du mal à digérer tout ce qu'il entend sur la profession : « J'ai le sentiment très net que cette loi a été basée sur les chiffres des grosses structures parisiennes qui n'ont rien à voir avec les nôtres. Elles ne traitent que d'énormes et rentables dossiers de ventes à plus d'un million d'euros quand les miennes sont, à 60 %, inférieures à 100.000 € ».
Et le différentiel aurait pu être encore plus pénalisant si Emmanuel Macron n'avait pas retiré son « corridor tarifaire » (à l'incitation notamment du député finistérien Richard Ferrand, rapporteur général de cette loi) qui introduisait des possibilités de négociation de tarifs entre notaires et clients mais avec risques de dérives. Le ministre a reconnu son erreur.
« Déserts notariaux »
Guillaume Lavergne ne regrette nullement de s'être installé. « Mais dans le contexte actuel, mon intérêt ce serait d'aller m'installer aux environs de Paris et de travailler seul avec juste un téléphone. À raison de deux ou trois dossiers rentables par mois, je m'en sortirais bien mieux qu'à Briec. Et c'est là, ajoute-t-il, que se situe l'un des dangers de cette loi. Comme pour les déserts médicaux, on pourrait aussi avoir des déserts notariaux si la profession est déréglementée et l'installation libre. On aura bien plus intérêt à aller s'installer en zones urbaines ou secteurs à population aisée que dans des zones rurales à faibles revenus. Et qui fera des consultations gratuites comme nous le faisons souvent ici ? Qui s'occupera d'actes non rentables pour certaines successions, des donations, des cessions gratuites ? Qui sera là pour des ventes de talus, de terres agricoles, pour les échanges de parcelles avec 18 parties à l'acte, pour les baux ruraux, pour les testaments...
En défendant ma profession, c'est aussi mon territoire que je défends ».
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