La fibre, un défi impossible...
29/11/2014
L'équation économique du "fibrage" ne rentre pas dans les standards !
Il faut 23 ans en Europe pour rentabiliser un investissement dans les télécommunications...alors que la norme en matière d'investissement est plutôt la rentabilité entre 5 et 15 ans !
Le partage des profits entre opérateurs, vendeurs de matériel et acteurs du Web n'est pas favorable aux "livreurs de fibre". La nouvelle prestation (essentiellement le débit) n'est pas facturée à son "véritable prix" pour des raisons "politiques" (l'accès démocratique à tous et la répartition sur le territoire).
Ne faut-il pas essayer dans ce domaine la "vente privée" ?
Un haut débit coûteux pour les opérateurs
Le Monde.fr du 27 novembre 2014
Audrey Fournier
La plainte n’est pas nouvelle, mais les opérateurs ne sont pas sûrs qu’elle soit bien entendue.
L’étude annuelle de la Fédération française des télécoms (FFT),
réalisée par le cabinet Arthur D. Little, et qui brosse un état des lieux économique du secteur,
vient le rappeler : s’ils n’ont pas de quoi faire pleurer, les revenus actuels des opérateurs sont
incompatibles avec le niveau d’investissement nécessaire à la satisfaction des consommateurs
et au développement d’infrastructures dernier cri.
Cet investissement, équivalent à 7 milliards d’euros par an, doit accompagner l’accélération
des usages liés au haut débit : la 4G est de plus en plus largement adoptée par les mobinautes –
notamment grâce à une politique tarifaire agressive de la part des opérateurs –
et le nombre d’abonnés à la fibre (très haut débit mobile) devrait frôler le million à la fin de l’année.
Contrairement au reste du monde, l’Europe ne récolte pas les fruits de la croissance numérique
Signe encourageant, selon cette étude dévoilée jeudi 27 novembre, la baisse des revenus
des opérateurs est en train de ralentir : – 2,5 % sur le chiffre d’affaires moyen au troisième trimestre,
contre – 4,6 % le trimestre précédent. « Les prix des forfaits ne peuvent pas descendre
beaucoup plus bas », estime un analyste spécialiste du secteur, « les ajustements vont se faire
sur la qualité et le contenu des offres ».
Le financement des investissements n’a néanmoins pas fini de poser problème dans un secteur
où les normes évoluent vite, se multiplient et se superposent selon un cycle qui voit se succéder
une période de déploiement, de densification, puis de maintenance. En moyenne,
il faut vingt-trois ans pour que des capitaux investis dans les télécommunications soient rentabilisés.
Et contrairement au reste du monde, l’Europe ne récolte pas les fruits de la croissance numérique.
Les revenus issus de cet écosystème y ont chuté de 16 % entre 2007 et 2013, pointe l’étude,
alors qu’ils ont explosé de 55 % en Amérique du Nord, de 57 % en Asie et de 102 %
en Amérique du Sud. Un manque à gagner important, quand on sait que la croissance du secteur
est le double de celle de l’économie dans son ensemble.
« Dans le contexte concurrentiel actuel, remonter les prix paraît très compliqué, souligne
Yves Le Mouël, directeur général de la FFT, mais on ne peut pas faire de pause
dans les investissements, sinon, au bout de trois ans, on sort du marché. »
Orange en septième position
Autre point noir du constat fait par le cabinet Arthur D. Little, la surfiscalisation du secteur,
qui empêche les opérateurs de créer autant de valeur que les fabricants de terminaux
(téléphones, etc.) et les géants d’Internet (Google et autres).
Les opérateurs télécoms sont en effet soumis à une fiscalité spécifique, avec entre autres,
depuis 2009, une taxe prélevée sur le chiffre d’affaires (0,9 %) pour compenser la fin de la publicité
sur le service public après 20 heures. Au total, les impôts réservés au secteur représentent
plus du tiers de leur niveau global, conclut l’étude.
C’est beaucoup trop, estime M. Le Moüel, surtout quand les autres acteurs du Web,
notamment étrangers (Google, Facebook, Amazon,… les « Gafa »), pratiquent à grande échelle
l’optimisation fiscale : « les “Gafa” captent 50 % de la valeur numérique créée en Europe,
mais comme ils ne paient pas d’impôt, celle-ci n’est pas réinjectée dans le PIB européen »,
déplore-t-il.
Le marché ne s’y est pas trompé, qui favorise ces mastodontes (+ 97 % de valorisation boursière
entre 2007 et 2013) au détriment des opérateurs (– 49 % pour les Français sur la même période).
Cette puissance financière donne en outre aux grands acteurs américains la capacité d’absorber
des acteurs plus petits. Les opérateurs de télécommunications sont protégés, car ils exercent
essentiellement un métier local, mais ils n’ont pas la capacité de grossir. Un inconvénient
dans un métier de réseau où les économies d’échelle sont cruciales.
Orange, le plus gros opérateur français, ne figure qu’à la 7e position au niveau mondial.
Pour la FFT, travailler sur la fiscalité et la régulation européenne, encourager la coopération
et développer une vision industrielle du secteur sont trois pistes à même de sortir le secteur
de l’impasse.
« La coopération entre les opérateurs est indispensable »
Les précédents paquets télécoms négociés au niveau européen, qui prévoyaient notamment la fin
des tarifs de roaming (qui permet à un mobinaute d’utiliser son forfait à l’étranger,
mais avec un surcoût notable), n’ont pas satisfait les opérateurs. Ceux-ci jugent impossible de garantir
des investissements suffisants pour faire monter leur réseau en débit si on les prive de sources
de revenu importantes. « Subir un paquet télécom tous les trois ans et des règlements
chaque année n’est pas tenable, souligne M. Le Mouël, il nous faut un cadre fiscal et réglementaire
stable et lisible. »
Il est par ailleurs impensable, pour la Fédération, que le secteur des télécommunications soit réduit
à un paysage d’acteurs isolés agissant les uns contre les autres.
« La téléphonie est un métier d’interopérabilité, ajoute-t-il, la coopération entre les opérateurs
est indispensable pour travailler à des standards communs et ouverts à tous,
mais les régulateurs européens l’ont empêché, en invoquant des risques d’entente,
laissant ainsi la place aux standards propriétaires fermés des grands acteurs mondiaux du web. »
– 21 %
Baisse des prix des services télécom
Cette chute, qui concerne le fixe et mobile, a été enregistrée en France entre 2006 et 2013.
Sur l’ADSL et le mobile, les opérateurs français sont parmi les offres les moins chères d’Europe :
20 euros en moyenne pour une offre triple play, contre 30 euros en Allemagne, 43 au Royaume-Uni
et pas moins de 69 euros aux Etats-Unis. Idem sur le mobile, où une offre à 20 euros en France
se vend 45 euros en Allemagne.
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