Santé et "big data" ?
16/04/2013
François Goulard est un ancien banquier ! L'informatique médicale d'aujourd'hui en est encore au Moyen Age...
Cette prise de position dénonce le "secret" entourant les statistiques de l'Assurance Maladie en France. Leur bonne utilisation aurait pu permettre d'établir des "corrélations" entre prescriptions et dommages irréparables !
Il éclaire ainsi les techniques de traitement du "Big Data", dont l'enflure naturelle ne révèle habituellement rien... Ce qui est certain dans ce domaine très vaste, c'est qu'il faut en général avoir déjà une "idée" de ce que l'on recherche...et les moyens financiers pour supporter ces longues recherches et traitements.
Ce que souligne aussi cet article c'est le rapport intime entre "traitement médical" et "traitement statistique", dans une organisation bien structurée. Il est aujourd'hui possible d'assumer ces traitements informatiques dans la mesure, où les données sont déjà numériques, mais à condition d'y insérer des éléments nécessaires à l'analyse... Un travail en amont de la prescription, qui pourrait être dévolu au corps médical dans son entier !
Aujourd'hui la recherche d'économies financières prime sur tout le reste. On en vient à "subventionner" un généraliste pour prescrire des "génériques", système qui brouille encore plus les calculs d'analyse de prescription !
Les laboratoires "doublent" souvent l'Assurance Maladie sur ces traitements informatiques...
Contrairement à ce que dit François Goulard, l'analyse est "postérieure" aux décisions de prescription ! Ce qui importe donc, c'est de former "objectivement" et de façon continue tout le corps médical !
L'open data pour éviter un nouveau Mediator
Les Echos du 15 avril 2013
A l'heure où l'« open data » s'impose dans le monde entier, à l'exception de quelques dictatures, l'administration française de la santé refuse la transparence et s'enferme dans une forme d'obscurantisme délibéré.
De quoi s'agit-il ?
Comme chacun le sait, depuis la généralisation de la carte Vitale, tous les éléments concernant la consommation médicale des Français sont aujourd'hui numérisés. L'utilisation de ces données numériques constitue évidemment une source exceptionnelle d'informations.
Imaginons que le ministère de la Santé ait mis à profit cette source d'informations depuis quelques années. Il aurait sans délai repéré que les consommateurs du Mediator, au lieu d'avoir le profil moyen des diabétiques auxquels ce médicament était théoriquement destiné, étaient surtout des femmes, plutôt jeunes. Et que les prescriptions provenaient, non de tous les médecins, mais d'un nombre très limité de praticiens spécialisés dans les régimes amaigrissants.
Autrement dit, les autorités sanitaires de notre pays auraient été immédiatement alertées sur un dysfonctionnement inquiétant auquel elles auraient pu mettre fin, sauvant ainsi des centaines de victimes.
Or, non seulement elles ne l'ont pas fait, ce qui est en soi une lacune grave, pour ne pas dire une faute, mais elles interdisent que d'autres le fassent !
Les données numériques de l'assurance-maladie, qui concernent la santé de tous les Français et en définitive leur appartiennent, sont en France un secret d'Etat. Seuls quelques utilisateurs arbitrairement choisis par l'administration y ont accès, à partir de fichiers biaisés et avec un retard considérable.
Cela signifie très simplement qu'on prive les Français d'un outil, largement utilisé dans d'autres pays, de détection d'anomalies dans les prescriptions de médicaments et plus largement d'amélioration de notre système de soins.
Cela signifie aussi que l'administration interdit à d'autres qu'à elle-même de porter des jugements critiques sur le fonctionnement de notre système de soins étayés par des analyses statistiques incontestables.
Bref, c'est le règne de l'obscurantisme au détriment de la santé des Français et de l'efficacité de l'assurance-maladie.
A ceux qui critiquent cette attitude, le ministère oppose un prétexte, la protection de la vie privée, alors même que l'anonymisation des données est bien sûr la règle dans ce type de travaux. Au demeurant, depuis 1978, la législation française, sous l'égide de la CNIL, offre toutes les garanties de protection des libertés individuelles.
Comment expliquer une position aussi peu défendable de la part du ministère de la Santé ?
Certains évoquent le poids des lobbys, notamment de l'industrie pharmaceutique. Je n'y crois pas un seul instant. Il arrive à l'administration française d'être médiocre, elle n'est pas malhonnête.
Je crois tout simplement que l'administration a peur, peur de la transparence, qui révélera immanquablement ses carences et ses erreurs. Peur que n'éclatent des scandales sanitaires qu'elle aurait dû déceler et prévenir. Peur que sa gestion soit l'objet de critiques appuyées sur des données qu'elle n'a ni su ni voulu exploiter elle-même.
Face à une telle situation, seul le niveau politique peut et doit intervenir pour sortir de l'impasse où l'administration s'est elle-même placée.
François Goulard
François Goulard est ancien ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
Les commentaires sont fermés.