Aux idolâtres de la presqu'île !
30/07/2011
La vie simple au bord de l'eau...
A tous les commentateurs de ce blog, pour qu'ils écrivent ce qu'ils pensent avec autant de justesse !
Hôtel des voyageurs
Le Figaro du 30 juillet 2011
Par françois Hauter
Loin de l’agitation parisienne, faisons une halte pour réfléchir sur les grandeurs et petitesses qui nous rassemblent, nous autres Français.
La France se déguste lentement, comme un verre de très bon vin. Elle vous susurre : n’espérons pas l’impossible, seule compte la joie de vivre
Lorsque je reviens en France, je suis comme les Grecs qui, autour de Xénophon, retournent au pays et, soudain, sur le Pont-Euxin, s’écrient : « Thalassa ! Thalassa ! » Même vaincus, ils s’extasient, ils sont fous de joie, délivrés : ils retrouvent leur monde. Il y a quelque chose d’animal à regagner son territoire, ses odeurs. Roissy : après un voyage dans les Kunlun, le Taklamakan, Almaty ou N’Djamena, après un paysage qui pour moi incarne des hommes étranges, des règles inconnues, une sorte d’espace infini, indifférencié, je retrouve le mien, mon espace balisé, ma géographie, un monde lisible, des routes dont je connais la destination jusqu’au nord, au sud, à l’est ou à l’ouest, un ordre, un sens, des lois. C’est toujours une pointe de joie, un vague soulagement, cette familiarité recouvrée. Je comprends mes concitoyens qui n’aiment pas aller vagabonder vers l’inconnu, qui veulent rester collés les uns contre les autres dans des lieux que leurs ancêtres ont organisés, façonnés. Pour eux, le voyage est angoissant. L’ailleurs ne représente qu’un treillis de haies d’épines, de frontières entortillées, une sorte de menace. Et pour certains même l’empire du vide, une angoisse. Je ne suis pas ainsi, mes amis sont tous cosmopolites, des explorateurs chacun à leur façon, des hommes curieux des autres. Ils m’interrogent, pendant ce périple : « Alors, la France ? »
Après cinq semaines, je ressens le besoin de m’arrêter un jour, de mettre un peu d’ordre dans mes pensées, car je n’ai plus de réponses à leur donner. Je suis perdu. Même avec le recul nécessaire, après des milliers de rencontres passionnantes, je ne peux plus aligner que quelques mots sur mon pays : mosaïque, marqueterie, patchwork… Des pièces de puzzle merveilleusement emboîtées les unes dans les autres. Mais de vallées en chemins de crête, c’est tellement parcellisé, travaillé par des hommes marqués au fer rouge par leur géographie et leurs paysages, que « la France », cela demeure décidément pour moi une idée, une collection de concepts. Pour évoquer les Français, j’aurais tendance maintenant à dire « les Corses », « les Parisiens », « les Auvergnats », « les Bretons », « les gens du Nord », « les Alsaciens », « les Groisillons », « les Marseillais », « les Basques », « les Provençaux » Cela n’en finirait pas, ces gens que j’ai découverts et admirés. J’aime les pays qui ont de l’âme. J’ai été servi. Il y a une autre distinction entre nous : les générations de Français s’empilent de plus en plus les unes sur les autres, chacune avec leurs mots, leurs histoires, leurs regards sur la société. L’architecture d’une époque s’effrite, une autre se bâtit. La mienne est à la charnière de deux époques. Celle d’abord des artistes peintres, des curés, des paysans, des vieux, des bonnes manières, des « Bonne nuit les petits ! », des congés payés, des psychanalystes, des DS, des officiers, des ouvriers du livre, de Camus, des publicitaires, des concierges, de la nouvelle cuisine, des permanents du Parti communiste, de Michel Drucker, des Compagnons de la Libération… L’autre surgit : celle des techniciennes de surface, des seniors, des coachs, de la vidéosphère, des esthéticiennes, de la food fusion, les photographes plasticiens, des communicants, de la société du care, de Marie Drucker, de la télésurveillance, de Google, de Musso, des économistes, des RTT, des MBA, des fraternités anonymes, des choix cornéliens entre l’iPhone ou le BlackBerry, entre le tantra ou le reiki…
Ce qui nous rapproche finalement, c’est une certaine permanence des caractères français qui nous représentent, en fondu enchaîné au cinéma par exemple. Voyez les comédiens. Les dames d’abord : la bourgeoise froide mais excitante incarnée par Michelle Morgan se retrouve à la génération suivante en la personne de Catherine De-
Permanence des caractères
neuve, avant de se métamorphoser en brune, avec Carole Bouquet. Ceux qui nous font rire également se réincarnent : Fernand Reynaud, Fernandel, puis Bourvil, puis Clavier. Tous racontent une France traversant son époque : le premier est le « beauf », le Français moyen un peu sot ; le second l’idiot du village, le cocu ; le troisième le paysan qui monte en ville, naïf et rusé à la fois ; le quatrième reprend le personnage de Louis de Funès, celui du parvenu tordant.
Avec la dynastie des bourrus silencieux à la Maigret – de Michel Simon, Jean Gabin et Lino Ventura à Jean Reno –, l’on change bien sûr d’époque, mais pas de générosité enfouie. Les films qui nous replongent dans nos racines, dans ce que nous sommes devenus – Le bonheur est dans le pré, Les Visiteurs, Bienvenue chez les Ch’tis, Les Choristes ou Des hommes et des dieux, pour ne citer que les plus récents –, nous attirent comme des aimants, par millions. C’est l’évidence : nous sortons de la même Histoire, nous sommes fabriqués de la même pâte. Nous sommes liés.
Notre âme collective ? Elle se retrouve dans l’incurie permanente et discutailleuse de notre démocratie, dont les équilibres toujours sont secoués comme un prunier. Dans notre pente gauloise aussi, pour la trivialité (l’humour des Anglais est tellement plus raffiné que le nôtre !). Dans notre fond d’anarchisme qui se conjugue paradoxalement avec notre culte de « l’homme fort ». Nos intellectuels ont servilement encensé Staline ou Hitler, Pétain, Mao et Castro tout en fustigeant ensuite de Gaulle, avant de se prosterner devant sa mémoire comme un seul homme. Les Français ont généralement préféré suivre Robert Rocca, Jacques Grello, « La Boîte à sel » de Pierre Tchernia, les chansonniers du Théâtre des 2 Ânes, JeanEdern Hallier, Jean Yanne, Thierry Le Luron, Coluche, « Les Guignols de l’info », Le Canard enchaîné ou Charlie Hebdo… Nous avons besoin que Guignol rosse le gendarme, qu’il raille le puissant, le ridiculise, ou qu’il s’engage pour des causes perdues. Depuis Chateaubriand, Daudet ou Proudhon, nous sommes ravis que des Don Quichotte le fassent à notre place.
Mais soyons clairs : les flics machos et grisés par l’uniforme, les petits chefs envieux et arrogants, les milliardaires aux yeux de batraciens qui étalent leur fortune dans Paris Match ou ceux qui se font plumer par des aigrefins, les chefs d’État pontifiants, ceux qui se déguisent en coureurs cyclistes, les hauts fonctionnaires mortellement gris et barbants, les maîtres à penser crépusculaires ou ceux qui rejouent La Condition humaine en ouvrant leur décolleté, tous nous font nous tordre de rire.
Moutonnement des collines
Je songe à tout cela à l’hôtel Les Voyageurs, où je suis descendu à Bastia. « Cet hôtel accueille les voyageurs depuis un siècle », dit le Guide Michelin, et je n’ai pas résisté à cet argument. La nuit est soyeuse comme le pelage de mon chien. Ici, je suis loin de Paris, de ses grèves, de ses tensions, de ses vagabonds. Dans le train qui m’en éloignait, j’ai trouvé L’Yonne républicaine sur la banquette. En une, il y avait ce titre charmant : « Après la mort de Ben Laden, le risque terroriste dans l’Yonne semble très limité. » Et encore : « La foire de Sens a bien marché, moins de dix voitures ont été mises à la fourrière. » Dans le lent crépuscule de mai défilaient les petites villes étalées au pied de leurs cathédrales, dorées par le soleil. Le moutonnement des collines, écrasant de douceur, n’était qu’un vaste sofa. Des moissonneuses-batteuses brunies de rouille somnolaient dans les champs. Des villages se suivaient, les uns plus charmants que les autres, dans l’abandon des belles récoltes à engranger. Les visages des voyageurs s’ouvraient doucement, s’éclairaient, alors que nous traversions ce beau paysage. C’étaient des glissements lumineux, un paradis des plaisirs fugaces. Ce sentiment de vivre l’essentiel de ce qui peut être vécu ici bas. La France se déguste lentement, comme un verre de très bon vin. Elle vous donne l’impression d’avoir tout compris. Elle vous susurre : n’espérons pas l’impossible, seule compte la joie de vivre.
«Divins vieillards »
Ici, à Bastia, c’est une autre couleur. Le soleil brille, le ciel est bleu et le pastis jaune. Un oiseau chante encore dans la cour. J’ai un beau fruit et une bouteille de limonade sur la table. C’est un instant fugace d’harmonie. La France casse notre obsession de durer. Elle semble un pays protégé de la frénésie du temps. Elle montre une sagesse résignée, des éblouissements humbles, comme nos trajets de mortels. Tout à l’heure, une dame âgée m’a dit dans la rue : « Lorsqu’on vieillit, ce qui manque, c’est la douceur et la légèreté de la jeunesse. » Elle m’a fait penser à nos « divins vieillards », comme les appelle une amie. Ils sont quelques-uns à rassurer la France, pleins de sagesse. Des autorités morales, des figures d’aïeux protecteurs de la nation. L’on trouve dans ce petit club Stéphane Hessel, qui a l’oreille des jeunes. Michel Rocard, agité mais agitateur et brillant. Et bien sûr Jean d’Ormesson, le dernier des gentlemen français. Jacques Chirac, tellement détesté pour n’avoir rien fait de sa victoire en 2002, n’en est pas encore. Valéry Giscard d’Estaing ne s’en approche pas : il n’a pas renoncé de se faire des ennemis.
Cela a toujours été très français, de lancer un trait d’esprit quitte à ridiculiser l’autre.
J’ouvre la télé, apparaît un pitre, Laurent Ruquier. Dans tous les pays, la télévision est un miroir. En Chine, le public est friand d’émissions sur l’histoire grandiose du pays. Aux États-Unis, l’on préfère le sensationnel. En Italie, l’on parle à n’en plus finir, entre des créatures court-vêtues. Je suis frappé : la télé française est submergée des mêmes jeux et feuilletons américains inondant la planète. J’ai dû manquer l’enterrement de « l’exception culturelle ». La diversité des chaînes française s’exprime dans le divertissement populaire ; ici un Laurent Ruquier tellement gai, là un Thierry Ardisson exquis de délicatesse ou un Patrick Sébastien toujours aussi fin : l’on se coupe, on hurle, on rigole, l’esprit souffle. Cela vise bas, gras. Christine Bravo s’en tape les cuisses. Cela fait honte. Je coupe. Pour me calmer l’esprit, je me récite : « Le vieux Louvre Large et lourd Il ne s’ouvre Qu’aux grands jours ». Avant Mme Bravo, il y avait Victor Hugo. Et je ne suis pas revenu en France pour l’ordinaire. Mais pour tenter de saisir ce qui nous rapproche, la carte mystérieuse sur laquelle soudain nous tous pouvons nous comprendre instantanément, celle de ces conventions qui nous lient et nous distinguent des autres peuples. Déchiffrer notre étrange relation à l’argent sera mon prochain labyrinthe.
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11 commentaires
J'aurais aimé qu'avec autant de justesse tu nous fasses apprécier ton opinion sur ce texte. Qu'on sache un peu ce que tu penses vraiment quand tu ne te crois obligé de faire le guignol.
Le saura-t-on quand tu publiera ce que certains voudraient savoir: d'où tu viens? Comment compenserais-tu les pertes de recette des campings quand tu les aurais supprimés? Quand comptes-tu t'attaquer à une Histoire de la presqu'île calquée sur celle que tu apprécies à Lorient?
Bref, dire et faire quelque chiose au lieu de critiquer sans cesse par allusions plus ou moins fines.
Charité bien ordonnée commence par soit même non ?
Isa, "soi-même" voyons, sinon le chef va sa fâcher!
Bien fait pour moi ! Paf sur le bec !
Il faut dire que je ne relis jamais mes billets sur ce blog auquel finalement je consacre trop de temps !
Mais ce n'est bien évidement pas une raison pour faire une aussi grosse faute...
Remarquez, ce texte est un verbiage....bien écrit, certes, mais verbiage tout de même, écrit dans un style très....... 19eme siècle . UN BON POINT pas de fautes (merci les correcteurs)
Il "s'écoute" écrire comme d'autres s'écoutent parler. Mais quand on le lit vraiment, il donne l'impression de regarder les gens en les survolant, à la limite du mépris. Il fait une visite au zoo ou chez les bons sauvages.
C'est l'occasion d'une suite de belles phrases bien tournées, très littéraires. Et si on analyse c'est vide !!......et ennuyeux.
De quel journal cet article est-il extrait?
le figaro.fr je crois
@ Isa
On y consacre du temps, c'est vrai mais ce n'est pas du temps perdu car ça contribue à démythifier (et démystifier aussi) son auteur.
Et puis on peut causer entre nous sans avoir besoin de nos adresses personnelles (ce que je regrette parfois).
Qu'est-ce que vous cherchez à faire comprendre Monsieur Hennel ?
Vous qui êtes incapable d'écrire autrement que dans
un état mental d'insatisfaction caractérisé par un déséquilibre entre un désir ou une attente et sa réalisation du fait qu'il n'est pas (encore) réalisé. ....
À mourir de rire !
"Tenez les bouseux, essayez de faire aussi bien dans vos commentaires !"
Déjà, ton article, (tiré du Figaro qui n'est pas un journal mais un organe de propagande) il débite quand même quelques "perles" ! Mais ça ne semble pas t'avoir effleuré, ce qui, au fond, ne m'étonne guère.
Ensuite, si tu pouvais faire preuve ne serait-ce que de la moitié de cette "justesse" dans tes posts, ton blog gagnerait substantiellement en qualité.
Et crois-moi, tant sur le fond (Yaka ! Faukon ! Etc.) que sur la forme (fautes d'orthographe, de grammaire, de syntaxes, de typographie, sans oublier les barbarismes), tu en es très loin !
Tu te voudrais à la pointe, maîtrisant les nouvelles technologies et capable de comprendre et de décrypter ce monde qui vit de plus en plus vite...
Mais tout ce qui transparaît de ta prose ici, c'est que tu n'en mènes pas large, et que tu es globalement aussi largué que nombre des personnes de ton âge.
Tu brasses de l'air, tu fais illusion, tel le proverbial borgne au royaume des aveugles. Mais ça ne fonctionne plus trop dès lors que ceux qui sont face de toi sont capables de voir plus loin que le bout de leur nez.
On aimerait bien lire ta prose perso plutot que de relire des textes écrits par d'autres que tu recopies servilement... C'est possible cela?
Il n'est pas possible de confier un mandat électoral quel qu'ils soit tant qu'on ne connait pas le fonds de ta pensée, tamanière de raisonner, ni évaluer le degré réel de connaissance du pays, des gens, des us et coutumes... D'autres ici ou à coté nous ont assez roulé dans la farine alors qu'on les connait, alors que toi on ne sait même pas d'où tu viens!
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