La santé, un monopole menaçé ?
25/10/2010
• Le Figaro du 25 octobre. 2010
• SANDRINE CABUT
Des conseils médicaux personnalisés sur Internet
Les consultations à distance seront bientôt autorisées dans certains cas.« La téléconsultation va enfin pouvoir soutenir la médecine traditionnelle, notamment dans les zones sous-médicalisées »
E-SANTÉ Pourra-t-on bientôt consulter un médecin par Internet et se rendre directement à la pharmacie pour chercher les médicaments prescrits ? Déjà développées dans des pays comme les ÉtatsUnis et la Suisse, les téléconsultations viennent d’être autorisées en France. Le décret* encadrant ces pratiques et les autres actes de télémédecine - telle la télésurveillance médicale - a été publié la semaine dernière. Mine de rien, ces dispositions vont modifier profondément les relations médecin-malade et l’exercice médical, en particulier dans les zones les moins denses en professionnels de santé. « La télémédecine est une réponse aux problèmes démographiques, pour apporter l’expertise médicale là elle où elle n’est pas, précise le Dr Jacques Lucas, viceprésident du Conseil de l’ordre des médecins. Dans le cadre prévu par les textes, les téléconsultations vont devenir un acte médical à part entière, pris en charge par l’Assurance-maladie. » Il y a aura donc possibilité de diagnostic et de prescription à distance, ce qui était jusqu’ici interdit en l’absence de contact physique.
En attendant, tout un chacun peut déjà obtenir sur Internet des informations et des conseils médicaux personnalisés, délivrés par des praticiens. Pionnier dans ce domaine, le Dr Loïc Étienne, fondateur de Docteurclic, avait lancé ce type de service en 2000 sur le Web, et même dès 1987 sur Minitel. D’autres ont embrayé. Les échanges se font via une plate-forme sécurisée, avec une réponse en moins de 24 heures. « Médecine générale, suites opératoires, dermatologie, pédiatrie… Nous répondons à des questions très variées de pratique quotidienne, indique le Dr Frédéric Dussauze, l’un des trois fondateurs de MedecinDirect, qui a ouvert fin 2008. Les conseils sont demandés soit pour préparer le terrain avant une consultation, ce qui évite au patient de se perdre dans la jungle des encyclopédies médicales ; soit pour apporter des précisions après cette consultation. » Le site Depechmed, ouvert depuis avril, s’est lui centré sur les « compléments d’information » après consultation ; pour expliquer un diagnostic, les effets d’un traitement… Selon les sites, les prestations sont gratuites ou payantes avec possibilité d’abonnement. MedecinDirect a noué un partenariat avec le groupe mutualiste Crédit mutuel-MTRL, grâce auquel un million de ses adhérents vont bénéficier gratuitement des conseils médicaux en ligne.
Les dispositions du décret vont permettre d’aller bien plus loin. Outre les dialogues en différé par Internet, la société du Dr Dussauze proposera bientôt des communications par téléphone, puis par un système de webcam. Les prestations pourraient s’élargir à d’autres domaines comme l’aide à la procréation, la gestion de la douleur. « La téléconsultation va enfin pouvoir soutenir la médecine traditionnelle, notamment dans les zones sous-médicalisées, sans rentrer en concurrence avec celle-ci mais en complément, et dans le respect de la déontologie » , commente le Dr Dussauze. L’exemple suisse a de quoi stimuler. Créée il y a dix ans, la société Medgate emploie 80 médecins, généralistes et spécialistes spécialement formés, et bénéficie de 4,2 millions de clients potentiels abonnés par leurs mutuelles.
Suivi à distance
Essentiellement par téléphone, plus rarement par Internet (courriels sécurisés) ou webcam (via les pharmacies), les téléconsultations peuvent s’accompagner de prescriptions. « Au pic d’activité, on atteint 4 200 actes par jour, affirme Cédric Berset, responsable communication de Medgate. Dans plus de 50 % des cas, la téléconsultation résout le problème sans aller chez le médecin. Dans certains modèles alternatifs d’assurance, les personnes sont même obligées de passer par Medgate avant de consulter. »
Mais les principaux intéressés sont-ils prêts à passer le cap ? « La télémédecine ne déshumanise pas la relation, bien au contraire, s’enthousiasme l’urologue Guy Vallancien, qui depuis cinq ans utilise un programme de suivi à distance de patients atteints d’un cancer de la prostate. Avec les outils de la modernité, on peut faire beaucoup de choses sans voir les gens, quand on les connaît. » Pour ce spécialiste, l’avenir de la télémédecine et en particulier des téléconsultations passe davantage par l’équipement des médecins libéraux que par le développement de sociétés sur Internet.
Le Dr Loïc Étienne voit encore plus loin, avec l’utilisation d’un système expert d’intelligence artificielle. « C’est une aide à la décision, qui permet d’évaluer la gravité d’une situation, d’envisager les diagnostics possibles et de ne pas passer à côté d’urgences masquées, par exemple une cystite à répétition, qui se révélera en fait être une pyélonephrite », explique cet urgentiste, qui planche depuis des années sur le sujet et a réalisé le premier système expert opérationnel de ce type. * De la loi hôpital, patients, santé et territoires (HPST)
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